|
Exil : aux marcheurs de l'impossible étoile |
Marchons,
nos traces finiront bien par retrouver la poussière du monde,
lorsque nous ne serons plus..
Roger
Dautais
Mon
amie,
Tu
mes dis qu’en land art, je façonne le paysage et que cela
t’étonne.
Le
contraire est vrai aussi. Je cultive cette plasticité,cette porosité
au monde de mon cerveau , qui le fait me façonner autant que je le
façonne.J'aimerais arriver à cette totale disparition de
sentiment de possession d'un art, aboutit en tant qu'objet. Je
pratique le land art depuis 1997. Cette longue route, m'a permis des
milliers de créations. Cela fait naître parfois et met en place
des frontières dans l'esprit, ainsi qu'une vision kaléidoscopique
du parcours que je ne souhaite pas.
.
L’expression ne doit pas être bridée ni dérangée par ces
pensées là. Libératrice, lorsqu'elle est bien vécue, elle aide
au recul du handicap, ou tout du moins à sa stabilisation. Je l'ai
mille fois constaté dans mes ateliers d'art-thérapie, en
institution( EHPAD; Prisons, CHRS)
Pour
mon cas personnel, puisque je te réponds alors que nous marchons
ensemble, vers le même but, comprendre ce que nous sommes
individuellement ou associés, , au moment de la création, qu'elle
soit fugace ou qu'elle dure plus longtemps, une modification de
conscience suffisamment puissante, me permet de voir en avant,
d'être matière fusionnelle avec le paysage. La pensée de Carlos
Castaneda ou de Mooji,continuent à m’éclairer.
Je
sens physiquement, profondément cette aspiration dans le paysage,
jusqu'à le devenir moi-même. L'amour de cet état là, crée le
désir, engage l'action, alimente mon énergie essentielle. Je pense
aussi avoir trouvé le même état d’esprit chez Peter Irnick,
chaman Inuit, lors notre rencontre
en
Normandie.
La
méditation aide aussi à se rapprocher de cet état. Elle ne fait
pas tout, car, si la pensée tourne en rond, s’arrête à
elle-même, s'il n'y a pas objectivation de cette pensée, je passe
à côté, perdant automatiquement le sens du sacré.. Trop répété,
trop vécu, cet état est frustrant, et l’abstraction pressentie
qui me porte, ne me suffit pas. Développer une bonne résistance
à cette frustration, en parallèle à la volonté de continuer, est
aussi un des moteurs de mon action de land artiste. Des ces
voyages intérieurs et mystérieux dans l’inconscient, naît le
désir.
Sans
ce désir, la vie est bien fade.
Seule, l'incarnation de cette pensée, en œuvre land art me libère
de cette tension. C’est aussi un chemin spirituel et de recherche
constante.C'est un beau voyage, mille fois repris et difficile à
partager.
Avant
route chose, créateur de rêves, je revendique cette qualité là,
je les vis. Je ne prétends appartenir à aucune élite artistique,
ni faire de prosélytisme en cette matière, simplement à
t’expliquer, mon amie, depuis quelques mois, ce que je vivais de
fort, de puissant dans le land art et qui m’aide à avancer. Je ne
pratique pas la dichotomie. Si je me comparais à un animal, je
serais un cheval fougueux et sauvage allant vers la fin de sa vie.
Ça te va ?
J'aime
les plaines désertes autant que les torrents impétueux, le
coquelicot autant que l'orchidée sauvage, la pluie de l’ île
aux Moines comme celle de Cabo San Vincent, au Portugal. J’aime
l'herbe de mon jardin, comme celle des pâturages dans les Alpes
Mancelle J'aime méditer sur un rocher de Ty Bihan, face à
l'océan, comme au pied de la Pyramide Keops. J’aime le chaouabti
anonyme autant que celui du Père divin Hekarechou. J'aime la chaleur
torride de Tafraout, dans le sud Marocain, les courses dans le
désert de pierres, et la fraternité partagée avec mon guideJ’aime
la grandeur du temple de Carnak, étouffante et été, et l’humilité
du guide. J’aime leet le recueillement de nos âmes en vadrouille,
devant les tombes de Caceres J’aime le yeux de ma femme, y lire
son bonheur, lorsque nos naviguons sur le Nil, car ils deviennent le
plus beau des paysages.
J'aime
la fluidité du sable du désert de Douz, en Tunisie, sur les pas de
Laurence d’Arabie et le grain de celui d'Etel, quand j'y trace une
spirale éphémère. J’aime , la gelée blanche de Kerfontaine,
les chemins creux de Kerplouz, les ruisseaux de Kergrist. J’aime
les Monts d’Arrée chant de pierres surgi des entrailles
Celtes, surplombant le jade de la mer d’Iroise.
Avant
toute chose, j’aime que le monde me surprenne pour
m’apprendre encore à vivre .
l
Tu
me demandes, amie, si le land art m'a modifié ?
Certainement
et en profondeur, mais le travail n'est pas terminé. Beaucoup trop
de défauts m'alourdissent encore, et le reste de ma vie, servira à
préparer le grand passage que j’aimerai accomplir, léger et
serein.
Traumatisé
par cette opération de la colonne vertébrale réalisée le 29
septembre 2017, dont je souffre encore, handicapé dans ma vie,
même si cela s'arrange, et ne se voit pas, j'ai mis ce très long
temps consacré au soin, à la disposition d'une réflexion plus
générale sur mon œuvre de land artiste.
Elle
est belle mais ne représenterait pas grand chose, sans ce lien
permanent à 'humain,qu'elle contient, sans mes combats, mes
obsessions,mes engagements, mon amour de la vie.
C’est ce qui la porte, la rend humaine, accessible ou plus
symbolique selon le degré de lecture. C’est ce qui doit être ma
ligne de conduite. L'humain avant l’œuvre.
Plus
porté à donner à celui qui a peu reçu de la vie, qu'à celui,
qui comblé, se gave de bonnes choses et le revendique
scandaleusement.
Mon
land art porte ces valeurs.
Le
monde courre à sa perte et je suis un de ces coureurs de fond, en
qualité d'être vivant. Au moins aurais-je profité de ma lucidité
pour ne pas être qu'un mouton suiveur, mais aussi, un passeur de
mots, d'idées d'actes , dans ma vie d'homme. Si ce tumulte
intérieur en a fait souffrir plus d'un, peut-être toi, mon amie,
je le regrette, cela faisait partie du package, dès ma naissance
et cela existe toujours aujourd’hui. .
Je
continue ma route.
A
partir du 20 Avril, elle sera maritime et sur les îles du Ponant,
en France, là où les oiseaux de mer, volent à l'envers quand
le vent le leur permet. Nous serons sept artistes dans cette
association que j'ai imaginé et crée:
LES
VOYAGEURS DU PONANT.
Sept
artistes ,15 îles, près de 15000 îliens à rencontrer, sur une
petite année, probablement mon dernier grand projet. ...Carpe
diem
Roger
Dautais
Notes
de land art pour la Route 77
LE
CHEMINDES GRANDS JARDINS
http://rogerdautais.blogspot.com/