Papa, Maman, les mots inutiles à présent...
En réponse à Mireille, car le deuil est uns "chose" si personnelle.
Les petites pages, tu les écris, entre deux gueules de bois, quand le soleil se fout bien de ta solitude et réchauffe les clodos de la gare.
Les petites pages, tu les noirci, seul, sur un coin de table de rade, face aux voies ferrées de la gare de triage en attendant le trains qui ne tardera pas à
maintenant à venir chercher le père pour son dernier voyage.
Il n'est pas plus Noël que le Premier de l'An et les guirlandes ont à mes yeux, l'allure de barbelé. La musique sortant de l'unique enceinte, accrochée dans l'angle du mur, envoie des gospels, mais c'est le froid de la porte qui me glace les pieds.
Deux Marocains trinquent à la bière. Ils ont de la chance d'être deux en ce jour de libations familiales.
" Tu te souviens Papa, au ramassage des feuilles d'automne, chez not'maître, comme il fallait appeler ce hobereau à lunettes cerclées d'écaille, lettré comme toi et qui te prêtait ses terres et sa forêt pour ramasser les feuilles d'automne dont on faisait les couches chaudes pour nos cultures horticole. Le travail étai rude. On gagnait peu. J'aimais ta compagnie, elle n'effaçait pas l'enfance si dure mais elle te montrait sous un angle plus humain."
C'est le Noël des tables opulentes, des sapins décorés et des petits enfants émerveillés, pour les autres
C'est maintenant le temps des Noël de solitude et dehors, la ronde des zombis qui cherchent un sens à tout cela dans une ville morte. A la porte des boulangeries pâtisseries, o,n se dirait revenus au temps du rationnement de guerre, des restrictions de pain, avec des queues interminables de gens frigorifiés venant chercher leur pain quotidien et, pour les autres, des bûches de Noël, des plateaux de petits fours, des chocolats fins, de quoi, se gaver, gaver et encore gaver tous les invités.
J'écoute la chanson de Graeme Allwright / Suzanne. Qui connait encore ce grand voyageur ? Sa voix douce, légèrement éraillée me renvoie quarante ans en arrière. Dieu, je n'ai pas changé, je suis toujours le même hobo, le même homme de mes vingt ans et je trouve la paix que dans la marche, le déplacement, le voyage. J'aurais aimé rencontrer Graeme Allwright aujourd'hui, jour de Noël, de solitude dans ce rade et partager un case-croûte avec lui dans ce café du Départ, non loin de la gare, avec le dernier train venu chercher mon père. Il aurait chanté sa mélancolie et moi je lui aurait raconté cette peine de voir partir mon père que ne me reconnaissait plus. Mais il a déjà rejoint la nuit sur les pentes de Saint Michel de Braspart. Il visite le Méné Bré, chante au Menez-hom pour tous les voyageurs. Alors, quand je sortirai d'ici, quand je retrouverai les rives du fleuve, c'est vers le vent que je me tournerai les gwerz de Youenn Gwernig. Peut-être y trouverai-je les couleurs de mon pays perdu et la voix de mon père quand il me disait au Chêne Ferron
"La remorque est pleine, nous avons bien gratté...Rentrons, mon fils, c'est bien comme ça, pour aujourd'hui...
Tu vois, les petites pages, tu les écris lorsque ta peine de le voir partir est trop forte, comme si l'écriture pouvait quelque chose contre la mort, comme si, elle n'était qu'un avant goût, comme si elle était une répétition du grand départ.
Il serait plus simple de se noyer dans un repas pantagruélique et laisser ce fardeau dans un coin. Telle n'est pas ma destinée. Il est urgent de reprendre la route, c'est elle qui mène au bout du chemin.
à mon Père, 25 décembre 2009
Je vais tourner une page dans un autre café, une halte, un rade, en compagnie d'inconnus. Il fait froid. Je suis transpercé et la mort fait son effet en moi. Il s'en va , mon père vers cet autre versant de larmes et je ne crois pas devoir prier un quelconque dieu pour sa longévité.
Il n'y a pas de place entre l'acceptation de sa souffrance et ma peine de le voir nous quitter. Les fausses paroles du toubib, m'atteignent, comme les bonnes et je ne vois pas pourquoi, ma peine devrait être secrète.
Il y a des solitudes plus lourdes que les ciels d'orage et des peines impossibles à dire. Il semblerait que ma vie va s'arrêter, aussi, à l'instant de l'adieu, comme il y a trente ans, pour maman.
L'heure approche pour tous, seconde après seconde et personne ne semble le savoir. Je suis maintenant orphelin, jusqu'à ma propre mort.
Roger Dautais
Ce texte non daté a été écrit avant le 15 février 2011 dans une sorte de vision de la fin.
Photos Land art : créations Roger Dautais.
La spirale a été réalisée lundi dernier, pour une commande d'une société de production parisienne, tournant un clip destiné à une publicité.
Sur la photo le réalisateur Matthias N.
En réponse à Mireille, car le deuil est uns "chose" si personnelle.
Les petites pages, tu les écris, entre deux gueules de bois, quand le soleil se fout bien de ta solitude et réchauffe les clodos de la gare.
Les petites pages, tu les noirci, seul, sur un coin de table de rade, face aux voies ferrées de la gare de triage en attendant le trains qui ne tardera pas à
maintenant à venir chercher le père pour son dernier voyage.
Il n'est pas plus Noël que le Premier de l'An et les guirlandes ont à mes yeux, l'allure de barbelé. La musique sortant de l'unique enceinte, accrochée dans l'angle du mur, envoie des gospels, mais c'est le froid de la porte qui me glace les pieds.
Deux Marocains trinquent à la bière. Ils ont de la chance d'être deux en ce jour de libations familiales.
" Tu te souviens Papa, au ramassage des feuilles d'automne, chez not'maître, comme il fallait appeler ce hobereau à lunettes cerclées d'écaille, lettré comme toi et qui te prêtait ses terres et sa forêt pour ramasser les feuilles d'automne dont on faisait les couches chaudes pour nos cultures horticole. Le travail étai rude. On gagnait peu. J'aimais ta compagnie, elle n'effaçait pas l'enfance si dure mais elle te montrait sous un angle plus humain."
C'est le Noël des tables opulentes, des sapins décorés et des petits enfants émerveillés, pour les autres
C'est maintenant le temps des Noël de solitude et dehors, la ronde des zombis qui cherchent un sens à tout cela dans une ville morte. A la porte des boulangeries pâtisseries, o,n se dirait revenus au temps du rationnement de guerre, des restrictions de pain, avec des queues interminables de gens frigorifiés venant chercher leur pain quotidien et, pour les autres, des bûches de Noël, des plateaux de petits fours, des chocolats fins, de quoi, se gaver, gaver et encore gaver tous les invités.
J'écoute la chanson de Graeme Allwright / Suzanne. Qui connait encore ce grand voyageur ? Sa voix douce, légèrement éraillée me renvoie quarante ans en arrière. Dieu, je n'ai pas changé, je suis toujours le même hobo, le même homme de mes vingt ans et je trouve la paix que dans la marche, le déplacement, le voyage. J'aurais aimé rencontrer Graeme Allwright aujourd'hui, jour de Noël, de solitude dans ce rade et partager un case-croûte avec lui dans ce café du Départ, non loin de la gare, avec le dernier train venu chercher mon père. Il aurait chanté sa mélancolie et moi je lui aurait raconté cette peine de voir partir mon père que ne me reconnaissait plus. Mais il a déjà rejoint la nuit sur les pentes de Saint Michel de Braspart. Il visite le Méné Bré, chante au Menez-hom pour tous les voyageurs. Alors, quand je sortirai d'ici, quand je retrouverai les rives du fleuve, c'est vers le vent que je me tournerai les gwerz de Youenn Gwernig. Peut-être y trouverai-je les couleurs de mon pays perdu et la voix de mon père quand il me disait au Chêne Ferron
"La remorque est pleine, nous avons bien gratté...Rentrons, mon fils, c'est bien comme ça, pour aujourd'hui...
Tu vois, les petites pages, tu les écris lorsque ta peine de le voir partir est trop forte, comme si l'écriture pouvait quelque chose contre la mort, comme si, elle n'était qu'un avant goût, comme si elle était une répétition du grand départ.
Il serait plus simple de se noyer dans un repas pantagruélique et laisser ce fardeau dans un coin. Telle n'est pas ma destinée. Il est urgent de reprendre la route, c'est elle qui mène au bout du chemin.
à mon Père, 25 décembre 2009
Je vais tourner une page dans un autre café, une halte, un rade, en compagnie d'inconnus. Il fait froid. Je suis transpercé et la mort fait son effet en moi. Il s'en va , mon père vers cet autre versant de larmes et je ne crois pas devoir prier un quelconque dieu pour sa longévité.
Il n'y a pas de place entre l'acceptation de sa souffrance et ma peine de le voir nous quitter. Les fausses paroles du toubib, m'atteignent, comme les bonnes et je ne vois pas pourquoi, ma peine devrait être secrète.
Il y a des solitudes plus lourdes que les ciels d'orage et des peines impossibles à dire. Il semblerait que ma vie va s'arrêter, aussi, à l'instant de l'adieu, comme il y a trente ans, pour maman.
L'heure approche pour tous, seconde après seconde et personne ne semble le savoir. Je suis maintenant orphelin, jusqu'à ma propre mort.
Roger Dautais
Ce texte non daté a été écrit avant le 15 février 2011 dans une sorte de vision de la fin.
Photos Land art : créations Roger Dautais.
La spirale a été réalisée lundi dernier, pour une commande d'une société de production parisienne, tournant un clip destiné à une publicité.
Sur la photo le réalisateur Matthias N.