Terre d'espoir : aux rescapés de Lampedusa |
Les guetteurs de Ty bihan : pour Norma |
Ty bihan song : pour Gwenola Gwernig |
Tout à gauche : pour Martine Grunenwald |
La cabane du pêcheur : pour Anne Lemaître |
Éloge de la lenteur : pour Denise Scaramai |
Toul Chignaned : Pour Serge Mathurin Thébault |
L’apparente sérénité d'un lieu sanglant : Pour Ana Minguez Corella |
Rotation : Pour Isabelle Jacoby |
Boîte à mémoires : pour Guy Allix |
La diagonale orange : Pour Christian Cottard |
Le rêve éveillé : Pour Chrystelle Martinez |
Le guetteur de marée en ria : Pour Véronique Brill |
La porte du Sud : Pour Claude Pélieu et Alain Jégou |
à Marie-Claude.
Passer entre le visible et l'invisible
et trouver dans cet espace indéfini, la liberté de créer...
Passer entre le visible et l'invisible
et trouver dans cet espace indéfini, la liberté de créer...
Je n'ai relevé ni les routes et chemins, ni les heures sombres, ni celles où la flamme ne brillait plus, ni les jours ou je ne suis pas sorti pour en arriver là et dire, malgré tout : je continue. Mes les voici réunies pour vous, les choses inutiles comme on me dit si souvent et qui me tiennent en vie. Lorsque mon pays fait le plein de touristes, alors commence pour moi, la saison de l'évitement et je me sens un peu obligé d'aller voir ailleurs, si je peux me protéger du brouhaha, trouver un peu de tranquillité, non pas que je déteste parler, mais si je ne fais que ça, ce qui m’arrive parfois, le travail n'avance pas.
Trop de beau temps me tue. Je préfère l'alternance, avec des journées plus rugueuses, plus venteuses qui dégagent les côtes font sortir les voileux qui animent l'océan. N'étant pas dans une forme physique excellente , j'ai réduit mes sorties consacrées aux cairns qui demandent quand même un peu de force. Je me souviens de cette journée passée à Carnac, justement par vent bien établi, annoncé à 30 nœuds où je me suis bien amusé avec lui.
Élever un cairn dans ces conditions est assez sportif, voire drôle, car ce vent ne se gène nullement pour le basculer au moment le moins attendu et pour en rapporter 4 ou 5 en photo, qui ne soit pas trop mal, il faut en élever quatre fois plus, ce qui malgré tout, reste fatiguant. D'autant plus que par un tel vent, il faut choisir des pierres très lourdes pour établir la base, monter l'ensemble, en gardant un certain poids et terminer pas trop haut , par du plus léger. Un cairn d'un mètre cinquante qui s'écroule, ça peut faire très mal si bien que je le regarde toujours avec respect, lui parle et le remercie de tenir en équilibre, quand cela se fait. Qui ne connait pas ce dialogue, qui n'a jamais entendu le chant des pierres, ni vu leur respiration par grand vent, ne connait rien !
Je ne parlerai pas de poésie de l'instant pour ne pas faire bondir les experts ! ah ! les experts ! Si on ne les avait pas. Personnellement je ne les écoute ni ne les consulte. Alors qu'ils définissent le lieu sacré de la poésie, c'est leur affaire, pas la mienne. Et puis, avec l'impression de comprendre pour vous, ils arriveraient à vous faire creuser votre propre tombe, pour gagner du temps et de l'espace vital, pour eux, les élites !
J'ai ainsi cherché sur cette côte Bretonne située entre l'Île de Stuhan et Porh Saint Guénhaël, situés à l'Est et à l'Ouest de Carnac, de quoi composer le poème de ma vie, comme le disait si bien le grand Youenn Gwernig, avec les pierres les plus belles, les plus vivantes, les plus à même de raconter, témoigner,
parler du monde comme il va. Et là je pense à cette installation de la série Exil, appelée Terre d'espoir dédiée aux rescapés de Lampedusa, dont bien peu de journalistes parlent quand il faudrait dénoncer ce scandale tous les jours.
Je me suis réfugié dans les ria, suivant le jusant, écoutant le chant de la mer s'accorder à celui des oiseaux. J'ai découvert des cabanes de pêcheurs, abandonnées et lieux de mémoire d'un travail ouvrier disparu avec la crise.J'ai aimé travailler dans leurs traces Sous les chênes, les tapis d'akènes qui saignaient la vie par milliers, ont donné naissance à des arbrisseaux, nés dans l'écarlate pour tenter l'aventure de la vie.J'éprouve une certaine tendresse pour ces jeunes arbres, tandis que dans mon corps, bat un tambour du monde, déjà usé, incarnation d'une vie offerte par mes parents, il y a si longtemps. Vous savez,les instants où jaillissent mes morts dans mes pensées, pour s'incarner dans un souffle de vent, un chant de merle ou de grive, pour l'avoir déjà évoqué ici , me paraissent sympathiques et je les sens, fréquentables, aimants. Ils m'accompagnent un bout de chemin avant que je n'aille les rejoindre.
Passer entre le visible et l'invisible et trouver dans cet espace indéfini, la liberté de créer, c'est trouver le fil conducteur qui mène aux petits bonheurs.
Les sources de Kernours, de Brec'h, les rives du loc'h, le Champ des martyres ont accueilli cette retraite forcée des plages et vous avez ici le résultat de mon travail en terre de solitude.
On me demanda un jour si les titres donnés à mes installations, avaient un sens. Oui, bien sûr et je le fais en pensant à ceux auxquels je les dédie mais aussi au lieu, à l'instant de leur fabrication, cela ne fait qu'un tout.
Je vous remercie de votre fidélité au Chemin des Grands Jardins dont le rythme de parution a un peu diminué. Sachez que je suis toujours heureux de vous lire et que je réponds à chacun.
Roger DAUTAIS
Exil
il reste à se souvenir du chemin
il reste à retrouver le passage
il reste à s’attacher de ces temps d’ici, calmes
quitte à perdre sa voix
mais je reste, échappée
un voile s’est déchiré depuis longtemps, il pend, calme
et me laisse en suspens
le désir de départ évanoui
englué de brouillard
reste une vibration sourde et ces temps d’ici, calmes
il ne fait pas vraiment nuit
c’est-à-dire pas vraiment
il fait semblant de jour
c’est-à-dire je me perds
c’est-à-dire ne pas dire
quitte à perdre la voix
il reste que je reste
avec un visage sans bouche
sans pourtant reconnaître le tranquille du temps
car il ne se peut pas
car il ne se peut plus, sans bouche
voix décentrée
sans…
sang
jusqu’au vide
il reste à retrouver le passage
il reste à s’attacher de ces temps d’ici, calmes
quitte à perdre sa voix
mais je reste, échappée
un voile s’est déchiré depuis longtemps, il pend, calme
et me laisse en suspens
le désir de départ évanoui
englué de brouillard
reste une vibration sourde et ces temps d’ici, calmes
il ne fait pas vraiment nuit
c’est-à-dire pas vraiment
il fait semblant de jour
c’est-à-dire je me perds
c’est-à-dire ne pas dire
quitte à perdre la voix
il reste que je reste
avec un visage sans bouche
sans pourtant reconnaître le tranquille du temps
car il ne se peut pas
car il ne se peut plus, sans bouche
voix décentrée
sans…
sang
jusqu’au vide
Brigitte Mouchel
" évènements du paysage "
" évènements du paysage "
Éditions Isabelle Sauvage 2010