La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

lundi 10 février 2020

«  Carré Celtaoïste » en hommage à Paul Quéré.







Il y a un autre monde mais il n’est pas dans celui-ci.
Paul Eluard.
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A Marie-Claude.
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Linéature d’existence, au chemin des grands jardins
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J’avais quitté la mer. Depuis dix jours, je m’efforçais d’oublier cette mauvaise chute, dans les falaises de Ty Bihan. Rien de cassé, mais une vraie peur. Mon idée du jour consistait à remonter le cours d’une petite rivière, assez étroite et peu profonde, dont la source se trouvait à dix kilomètres de mon point de départ.La sécheresse de cet été là, me permettrait un tel voyage. Au départ, la rivière traversait les pâtures à moutons. Elle était bordée l’ouest d’énormes enrochements délimitant la vallée, et à l’est, d’un bois de frênes, s’élevant jusqu’à perte de vue.
1968
Je ne pouvais ôter de ma mémoire, ces scènes urbaines vécues en Espagne, lors de notre premier voyage à l’étranger. Assez mal reçus, par des espagnols de Salamanque .
Nous avions trouvé un logement, pour quelques jours, dans un vieux quartier de la ville empoussiéré par la sécheresse. Visiblement, ici, on n’aimait pas les français. Chaque matin, en quittant notre logement, nous avions le droit aux regards noirs et menaçants, des vielles femmes de la rue, habillées en noir. Probablement invoquaient-t-elles la nouvelle lune pour sortir de leurs circonvolutions toxiques, de quoi nous vouer aux gémonies.
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Je n’étais bien que dans la nature, et ma jambe droite encore écorchée, ne me faisait plus souffrir. Bien chaussé pour ne pas glisser une seconde fois, je progressais, dans une eau fraîche qui m’arrivait à mi-cuisses. Je gravissais, sans peine la petite pente de la rivière. Lorsque les pierres se faisaient plus présentes, je montais un cairn de hasard, sur une des rives.
J’étais le médiateur au sang chaud, entre cette eau sauvage et le ciel vide, dans un monde qui manquait de poésie et de générosité. L’inutilité de ma démarche d’artiste, m’était jeté, régulièrement à la figure par les élites. Trop prolétaire ; Pas assez diplômé.
Mon cœur battait pour toi.
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La terre émeutière dont j’étais issu, m’accueillait pour déambuler et fuir les coups, non pour amasser des richesses. Je m’étais délivré des prêches dogmatiques, des voleuses d’âme sectaires, du maniérisme bourgeois. Me restait une dernière bataille à mener : celle de l’âge. L’homme au dos courbé que j’étais devenu, subissait ce que la société avait prévu pour lui, dans sa générosité. Trop de vieux ! Inutiles ! Séniles ! Trop cher pour la société ! Une bile baveuse sortait des bouches imprécatrices, à langue bifide. Les dominants, dominaient. Il fallait passer outre pour ne pas tomber à terre, garder sa fierté d’être humain. Pas facile.
Le changement physique vécu, au jour le jour, ces dernières nuits avaient été douloureuses, blanches.
Toutes mes mémoires amnésiques dépliées, me proposaient une géographie complète de mes voyages. Mon sang alimentait mes idées les plus noires. Sans conviction. L’oscillation habituelle qui me tenait en vie, se faisait lente. Mon inconscience profitait de la porosité de mon esprit pour ouvrir les vannes. Au bord du vide, les inhumains crachaient leurs blasphème., livre Saint en main « au fond de l’eau, les étrangers ». Les idées nouvelles faisaient leur chemin. L’ordre nouveau, aussi. Je n’aimais pas ces bruits de bottes.
Je flottais.
Les tensions cédaient la nuit, se libéraient, une à une. Ma terre n’existait pas. Drapé dans l’éphémère des jours ordinaires, plus éther que chair, l’espace m’aspirait, jusqu’à la crête des étoiles, au pays d’Alpha-de-Céphae. Les bourgeois en cage dorée, cadenassés dans leurs convictions, rêvaient d’immortalité et de jeunesse éternelle.. L’entropie les guettait, aussi.
Escaladant de talus qui bordait la rivière, j’entrais dans la partie du bois, plantée de chênes. Mes arbres préférés.
Après avoir exécuté le premier rituel, précédent une création land art, je complétais ma cueillette de végétaux. Il me fallait ensuite attendre le signe de la nature et m’y préparais en oubliant mes savoirs. Cela consistait à ressentir un lieu comme étant le plus propice, dont la beauté naturelle me parlait. L’ayant trouvé et accepté, l’idée me vint de travailler à partir de la forme géométrique du carré, dont je vous ais déjà expliqué le symbole.
Dans cet exercice de silence intérieur, accompagné par le seul chant des oiseaux et de la rivière dépouillé de mes peaux succinctes, je laissais mon cœur guider mes mains, dans un geste Celtaoïste, cher au poète Paul Quéré., dont l’esprit m’inspirait.

1968
Je nous revoyais, sur la Plaza Mayor de Salamanque, jeunes mariés et parents de notre fils, déjà sur la route en cette année de révolte, découvrir les plaisirs du voyage amoureux.
L’Espagne, que nous aimions, n’était qu’une étape de notre grand voyage au Portugal, en Alentejo, où notre frère des bidonvilles, José M. que nous avions sauvé d’une mort certaine, l’année précédente, voulait nous témoigner, sa reconnaissance, malgré la grande misère de sa condition sociale.

Cinquante trois ans plus tard, malgré une injustice croissante de notre société, qui continuait à écraser les plus pauvres, et parce que la vie nous avait fait ce cadeau, d’être ensemble longuement, oubliant notre vieillesse précaire dont tout le monde se foutait, je continuais à la célébrer par la médiation de l’art et à aimer ma femme passionnément.
Roger Dautais
Notes de Land Art pour la Route 78

Photo : création land art de Roger Dautais
«  Carré Celtaoïste » en hommage à Paul Quéré.
Bretagne.


LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS A DEPASSE LES  530000 VISITES.
 Merci  à tous .
Je vous embrasse fraternellement.
 Roger Dautais

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.