Camors song : pour Nathanaëlle |
Le départ : pour Tilia |
Rite en forêt : pour Chrys |
Enchantements possibles: pour Elfi |
En silence : à Marie-Claude |
Le rappel Normand : Pour Guy Allix |
L'annonce : pour Uuna |
Présences : pour Patrick Lucas |
Le guetteur de Kernours : pour Flo |
Solitude mauve : pour Isabelle Jacoby |
Ar c'harrez : pour Bizak |
Le messager ( Fontaine de Kernours): à Louis Bertholom |
Le trois niveaux de la connaîssance : pour Fifi |
Avant la bascule du jour : pour Sasa Saastamoinen |
Aux 140100 visiteurs, à ce jour, du Chemin des Grands Jardins,
avec mes remerciement et mon amitié.
R.D
Sortie salutaire ou fatale? Quand on prend la route,on ne sait jamais si l'on reviendra.Il y a quelques jours, je côtoyais le tumulus de Kernours, ouvrant ma route vers le sud, aujourd'hui, je me sens attiré par le Nord.
Après les fortes pluies de la nuit passée,accompagnées de grand vent, la route se couvre de feuilles mortes, par endroits, et devient glissante. Je roule dans la direction de Baud, Pontivy afin de rejoindre la forêt de Camors. Les lieux-dits défilent :Kerauffret, Bod Kesten, Penher Kreïz, Kerpendu...La croix Jegado.
En traversant ce dernier, un goût de poisons me vient à la bouche, et l'inutile mémoire d'une empoisonneuse qui dût marquer la région à tout jamais.Le temps des digitales est bien passé, pourtant! L'âge aussi qui galope comme les nuages. Voyagerais-je inutilement aujourd'hui, en répondant à cet irrésistible appel d'une forêt encore inconnue pour moi et qui,une fois rendu sur place, me laisserait indifférent?C'est un risque.
Je roule vers le cœur de la Bretagne sans oublier que mon travail n'est pas fini sur les côtes. La vie ne me suffira plus. J'avais imaginé un achèvement possible mais c'était une erreur.
C'est le temps des hors et l'on sent une inhabituelle circulation dans l'air. On dirait que les cimetières transformés en jardins avec leurs chrysanthèmes de Toussaint, ont ouvert les tombeaux pour une exceptionnelle permission avant le grand hiver.
J'entre dans le bourg de Camors et je le quitte très vite en obliquant vers la gauche. Trop de lumière, trop de vivants ici, affairés et dont je dois m'écarter. Je cherche la frontière entre l'ombre et la lumière,le limès, la vibration née de l’obscurité. Il me faut percevoir l'écho de ma terre Bretonne, de cette terre qui n'en peut plus de subir et que je dois consoler.
Vaste programme pour un vieil homme, seul. Mais voilà, qu'à peine entré en forêt, l'eau si attendue, apparait. A gauche, un étang, à droite un autre étang. Je m'arrête aussitôt. Ce sera là.
Je choisis de travailler autour de l'étang de droite. Il me rappelle celui de Saint Helen en Côtes d'Armor, avec sa stèle à Lamenais, puis les poèmes de Xavier Grall, puis encore, le vagabond trouvé mort, les yeux ouverts dans un fossé, non loin de là. Chevauchement de mémoires enfouies, éternel balancement entre la vie et la mort, vision trop lourde aussi qu'il me faut évacuer.
Je vais commencer mon travail.
Le land art ne se résume pas pour moi à une série de photos que l'on regarde, faute de mieux. C'est une pratique quasi quotidienne, un travail manuel, un art de vie, un temps consacré.
Mes mains caressent la pierre humide du muret sur lequel une géographie improbable est contenue dans les joints de la pierre. Je voyage. J'accompagne ces routes imaginaires de cupules de chêne et de baies sans quitter des yeux ce lac paisible. Puis, ce sera un cœur de Toussaint, mauve, cerné de gris, posé sur une mousse rase. Un peu plus tard, une ribambelle d'étoiles, m'emporte dans un autre voyage.Je quitte la rive, enjambe un ruisseau sur un pont de bois et me dirige vers la lumière qui éclaire le haut de la colline alors qu'ici, la pénombre s'installe déjà entre les châtaigner. Le sous-bois est humide et nourrit une mousse abondante qui a fini par coloniser, souches, bois mort et troncs d'arbre. Moment et lieux choisis pour capter le temps et le plaquer sur une souche. Cette horloge éphémère réalisée avec des petits morceaux de champignon et deux brindilles, marquera mon passage. Un jeu constant ! J'irai jusqu'à saluer les derniers rayons de soleil, tout en haut de la colline avant de redescendre vers l'étang et reprendre la route.
Quelques jours avant...
J'aurais aimé trouver ici, l'immobilité d'un vent qui capitule autour du tumulus de Kernours, mais ce sera pour une autre fois. A mon premier passage, les eaux des sources et du lavoir se sont mises à résister et je le comprends. Je dois prendre de la hauteur et travailler dans le bois qui les surplombe. Il domine la ria d'Auray et contient un très beau tumulus accompagné de tombelles. Instants suspendus que ces moments où je me laisse guider pour trouver les pierres rares et libres. Délicieuses émotions qui restent sans partage. C'est le temps des hors, les ombres se chevauchent, s'orchestrent, dansent, explosent quand la lumière vient les frapper. Ce lieu est habité de mémoires flottantes, laissant trace. Comment décrire l'étrangeté des sensations qui me saisissent. Je navigue entre inquiétude et sérénité.
Seul le travail manuel va me sortir de là. Un premier cairn perché sur un énorme rocher est basculé, dans un premier temps, par le fort vent qui monte de la ria entre les pins maritimes. Je relève les pierres, en change l’ordonnancement, assure quelques calages, en rajoute une, et le voici, debout, dans le vent, face aux tombelles, éclairé par les derniers rayons de soleil. Instant précieux que cet équilibre partagé entre les éléments.
Je fais le tour du tumulus et de chaque tombelle dont je lie les forces puis je redescends vers les sources. A partir de cet instant, mes travaux seront enchaînés sans difficulté autour de ces deux sources, et un peu moins facilement dans le grand lavoir aux lentilles sans que je sache pourquoi. A cet instant, je pense à Patrick qui m'a indiqué ce lieu et je le remercie.
Sans avoir particulièrement réalisé de travaux de force, je me sens épuisé. Certains lieux sont difficiles à côtoyer. Je rejoins le chemin qui borde la Ria. La mer recommence à monter. Dans quelques heures le paysage aura entièrement changé mais il faut maintenant que je rentre rejoindre celle que j'aime et qui compte sur mon retour.
Roger Dautais
De l'humidité de l'humus surgit la palpitation du monde Un mouvement de l'âme m'accueille et me fonde surgi de l'extrême pointe du désespoir l'ignorance précède ce qui se tait.
Marie-José CHRISTIEN
http://fr.wikipedia.org/wiki/Marie-Jos%C3%A9e_Christien
wind billowing
teaches me
what to do with rain:
hear it, feel it
(my face its pool)
carry it, puff all
around it, ride it,
line it up, then
unframe the drops
as the ocean
unframes the shore
unframes the shore
Ruth Mowry
for Roger
http://washedstones.blogspot.fr/2013/11/the-wind-teaches.html