Transition : pour Sole |
Vertigo : pour Marie |
Ad libitum : pour Maria D.Cano |
Insoutenable attente : pour Sasa Saastamoinen |
Lampedusa ...avant la route: pour Fifi |
L'autre réalité : pour France |
L'inconnue de l'estran : pour Ines ( Magia da...) L'interdit des brandes : pour Thérèse La grande et la petite :Remei Navaro |
Situation éphémère : pour Christian Cottard |
Le foyer des pins morts : pour Marine D. |
Mémoires de pierres : pour Arlettart |
Le guetteur de Lan Roz : pour Fanny |
Liaisons croisées : pour Synnove Schneider |
La dispute paysanne : pour Marty |
Diagonale et rencontre : Pour Patrick Lucas |
Des silences de pierres : Pour Youenn Gwernig |
Corps infinis : pour Maïté/Aliénor |
Le voleur m'a tout emporté
sauf la lune qui était à ma fenêtre.
Ryokan
à Marie-Claude
Route 73
Les applaudissements n'ont jamais fait le travail à ma place. La vérité est ailleurs, faite de fragilités, de doutes, d'échecs. Bien obligé d'admettre ma part de défauts dans ma pratique du land art. Elle m'a permis de progresser. Il faut calmer le jeu. Absurde la course avec le temps. Au final, il raflera la mise.
Je me dois chaque jour rechercher et vivre une part de vrai silence, une autre de vraie solitude, une autre de détachement pour oublier ce que je connais et recommencer chaque geste comme un enfant découvrant le monde.
Je dois expliquer sans acrimonie que mes cairns ne sont pas des tas de cailloux. Ils sont sur la voie qui me mène au rêve éveillé,à la sérénité. Après ce cheminement intérieur, je peux les offrir à l'immensité, les oublier pour faire place à d'autres comme mes propres morts m'ont fait une place ici.
Je m'absente de plus en pus, d'ici. Je dois m'alléger de toutes possessions. Le passage est une réalité vécu sur cette terre,chaque jour. Je n'attend rien d'autre après, de ce ciel immense et vide.
J'ai repris la route 73 et je suis revenu en ce lieu unique que je croyais être une place inconnue. Mes souvenirs s'effacent,se modèlent, se déforment au point de ne laisser qu'un univers nouveau prêt à me recevoir.
Vertigo
Après une période de tempêtes furieuses qui en a laissé plus d'un sur le carreau, la mer s'est posée et respire calmement. Les grands pins maritimes abattus dans la tourmente ont été débités et emportés sur de gros camions.
J'ai senti à nouveau l'appel de la mer et me voici près d'elle, avec l'idée d'entreprendre une série de cairns.
Parfois, je voudrais que ce soit les derniers, que tout soit dit, que je ne revienne plus ici, tellement j'ai mal. Mais, je rentre, je me soigne, je patiente jusqu'à l'oubli total des pierres. Je scrute le ciel, la course des nuages qui montent du golfe et rêve reprend vite. Je dois rejoindre la mer, les côtes sauvages, les falaises, les roches, les pierriers et je reprends la route.
Je parcours la falaise à la recherche d'une base pour élever le premier cairn. Je tombe en arrêt devant cette corniche qui me domine d'au moins trois mètres. Immédiatement, je calcule la trajectoire la moins dangereuse pour y accéder. A dix ans, j'aurais grimpé la-haut sans y penser, à 73 passés, ce n'est pas la même chose. Ma première escalade se passe bien. Vue d'en haut la baie de Quiberon est magnifique. A mes pieds, il n'est pas question de tomber dessus, de la roche bien dure et la certitude d'y laisser ma peau en cas de chute.
Je redescends et me mets à la recherche des pierres qui constitueront le cairn. Les quatre premières, sans être très lourdes, demandent malgré tout à être portée, une à une, avec les deux mains. Et là, c'est une autre histoire pour l'ascension qui devient plus problématique. Chaque pas doit être assuré par de bonnes assises et l'équilibre trouvé, par le corps. Surtout ne pas partir en arrière, en cas de déséquilibre mais larguer la pierre, se plaquer à la falaise et trouver une accroche pour les mains. Toutes mes forces y passent. A la deuxième pierre, arrivé au sommet, la tête me tourne. Sans doute un coup de fatigue. J'oublie toujours que je suis cardiaque. Je fais une pause, bois un peu d'eau et reprend l’ascension de toutes mes pierres. L'assemblage des pierres donne naissance à un très beau cairn dominant le vide et contemplant l'Atlantique. Je reste très longtemps près de lui dont la présence est rassurante. Après cet effort intense vécu dans l'absolue solitude, j'ai besoin de retrouver mon calme et cela se fera, une fois de plus, dans la cotemplation de la mer.
Roger Dautais
La nuit déshabillait
la jungle de la ville
pour y danser avec le désespoir
Un alphabet de lumière
dispersa les insectes de la folie
alluma la chorégraphie des miroirs
alors les clés ouvrirent le jour
qui dans la transparence
tenait un enfant dans ses bras.
Éliane Biedermann