Guetteur de jusant : à Eugène Riguidel |
Cairn au jusant :Ria d'Auray |
S’élever au rythme des pierres Alréennes |
Circulation |
Mémoires de pierre : à Yanis Petros |
La porte du large: Pointe de kerpenhir. Morbihan |
Hommage : à Marie-Claude |
Trait d'union : à Serge Thébault |
Le temple du Soleil Levant : to Fumiyo Suko |
L'heure unique : Pour Leovi |
L'océane : Pour Alain où qu'il soit. |
à Eugène Riguidel *
Ce que j'ai laissé de vie, ici, en ce lieu que vous appelez "terre"! Loin des poètes agrégés, loin des peintres académisés, loin des chanteurs à voix royale, loin des slameurs labellisés, mon corps s'étirait à s'en rompre les os autour de charges que je m'évertuais à transporter dans ma pratique du land art. Des pierres lourdes, glissées autrefois sur les goémons de l'estran pour me servir de base aux guetteurs de marée toujours plus nombreux, fixaient mes limites lorsque je tombais de fatigue à genoux devant elles. Et voilà que maintenant, l'âge venu, les cairns continuaient à s'élever, amis d'un jour, d'une heure, peut-être, entre la mer et moi pendant que vous consommiez jusqu'à l'ivresse de posséder encore plus dans les hyper dont la démesure me repoussait.
Ce que j'ai appris des pierres, de leur langage qui use les mains, de leur mystère, dépasse ce que l'école elle-même me refusa, enfant.
Le souffle s'est raccourci, mon dos s'est courbé, mes cheveux ont blanchi et ma vue à baissé, certes. Certains appelaient cela, la vieillesse, bonne à flanquer dans un fauteuil, capable de jouir de tout sans effort, de dominer le monde, assis sur un tas d'or. Probablement pour certains. Comment pouvais-je imaginer qu'en revenant au pays, après trente années d'absence, je me serais contenté de ne rien faire, même si j'imagine ( assez mal)que pour d'autres, ce soit le rêve absolu?
Je n'ai pas résisté longtemps malgré le coup de semonce, l'avertissement sévère et sans frais, l'infarctus. Qu'aurai-je mis de côté dans la pauvre vie, pour plus tard puisque j'étais déjà dans ce plus tard ? J'ai découvert, dans cette Bretagne que j'aime, des paysages à faire pleurer de bonheur, des chemins de traverse qui menaient d'un port à l'autre. J'ai senti à nouveau mes forces s'évanouir, le besoin d'une halte dans ma vie de marcheur mais je suis reparti de plus belle.
J'ai retrouvé la pierre, sensible au chant du merle. J'ai, à mon tour, monté des cairns, comme un chant sacré s'élevant vers un ciel vide. J'ai ressenti cette vibration première, cette vitalité, cette sauvage envie de vivre libre et de laisser quelques traces le long de mon chemin qui m'emmène aux "Grands Jardins", pour baliser ma vie comme des falots, river droite, rive gauche, tandis que le bateau d' Eugège* filait au gisant, rejoindre le golfe de tous ses rêves.
C'est un peu ce que j'ai vécu lors de ces huit derniers jours, parcourant le Pays d'Auray, découvrant ses labours, ses chemins creux, sa ria, continuant à faire mes premiers pas dans une région où j'habite maintenant. Apprendre un pays demande beaucoup de temps, de patience, d'humilité, et, j'aurai probablement disparu avant de le faire totalement mais je veux profiter de ce bonheur simple et profond qui enrichira très certainement ma vie.
Roger Dautais
http://www.agencebretagnepresse.com/fetch.php?id=19416
Le chantier
déclinait
trois matières précises:
le fer
le bois
la pierre
Pour se trouver
au milieu de soi
il suffisait d'entrer en lui..
***
Je n'ai pas eu le temps
de dire à mon père
Que c'était du chantier
que vînt l'idée
d'écrire
un chant
sur le sacré
de ce monde.
Serge Mathurin Thébault*
Le chantier. Editions Artchignaned-Auray 2007
*http://sergemathurinthebault.unblog.fr/