à Marie-Claude, femme aimée |
J’écorche
mes mains sur des pierres rugueuses. Pas trop le choix, sur cette
falaise de Ty Bihan. L’endroit est tellement beau. En face de moi,
l Atlantique, au-dessus, le vol lisse des sternes . La semaine
dernière, ils volaient à l’envers, rejoignant mon île de
Stuhan.
Je
contemple la mer. Il me semble qu’elle se soit foutue dans la tête
de désaltérer la terre, et ses côtes découpées. En fait, avec
ses eaux salées, elle te lui colle une pépie dont elles ne
sortiront qu’en implorant une nouvelle marée. J’entreprends le
premier cairn du matin,celui qui captera le lever de soleil et cela
prend du temps. J’attends son énergie.
Le
temps, à peine tu marches dedans, qu’il est déjà passé, remisé
dans le rayon des souvenirs. Autant te dire qu’avec ce nombre de
souvenirs, en vrac, ils deviennent vite, objets non identifiés
classés
dans une mémoire amnésique immense. Et pourtant, je l’affirme,
ce temps sera pris en compte dans la mémoire du monde et rejoindra
un jours notre inconscient collectif.
Le
cairn s’installe, monte, atteint le ciel vide , y fait un trou.
Dans la pénombre, j’attends la bascule du soleil, pardessus, les
roches. Il arrive comme toi, souriante et amoureuse dans notre
maison. Tout change dans l’instant. Bonheur instantané et éphémère
que je partage avec l’immensité.
Et
si demain n’existait plus ? Aurais-je assez aimé ?
La
vie se serait arrêtée de belle façon pour moi, avec la certitude
qu’elle continuait pour d’autres, dans le monde.
Roger Dautais
Dernière
ligne droit.
Dernier
jour à la maison. Demain je rejoins l’hôpital Pontchaillou de
Rennes
Mardi,
ce sera l’opération du coeur qui me sauvera d’un mauvais pas,
avec un peu de chance. J’ai tout donné pour animer LE CHEMIN DES
GRANDS JARDINS. Qu’il suive son destin. Ce soir , je me retire sur
la pointe des pieds. Au-revoir, mes amis.
LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS
http://rogerdautais.blogspot.com/
Photo, création land art de Roger Dautais
Cairn en Bretagne
Pour toi, chère Maria-Dolores, dans ta mémoire de silence,
ce très beau poème de Guy Allix,
frère en poésie.
Et quand tu crois pousser
ce cri jamais venu au monde
tu ne fais que reprendre
l'écho infiniment
de tous ces cris venus du monde avant toi
De tous ces cris jamais poussés sur cette terre.
Guy Allix