Le blues de Mériadec : à Fanny |
Pierres de légende: Pour Alain Jegou |
Cœur Breton : à France de Concarneau |
Passage : pour Hilge |
Cercle de Mériadec |
La part des choses : à Marie--Josée Christien |
Six intentions : à Jacques Thomassaint |
La tendresse des pierres : à Marie-Claude |
Occurrences : pour Marilyse Leroux |
La porte de l’isthme : à Guy Allix |
La confidence des fougères : Pour Marty |
Flux : pour Patrick Lucas |
Le chemin des âmes en peine |
Le temps est gris. Je roule sur la route de Mériadec et déjà, le blues s'installe. Difficile de résister à l'appel de la route et pourtant, je conjugue ce plaisir de partir avec celui de la nostalgie. J'ai préparé mon sac à dos, ce matin : appareil photo, quelques bouts de ficelle, une paire de ciseaux, un petit sécateur : deux carnets de notes, de quoi écrire, une bouteille d'eau et surtout, le dernier livre de Louis Bertholom : Bréviaire de sel. Ce que j'ai pu faire voyager de la poésie dans ce sac à dos ! C'en est devenu un rituel.Je compte bien le faire vivre encore une fois dans le petit pois de Mériadec. J'ai eu vent de ce ruisseau par ma fille qui m'a décrit ce lieu, un peu à l'écart, dont l'atmosphère l'avait charmée. Nous avons tellement arpenté ensemble la campagne Dinanaise dans son enfance, qu'elle a gardé le goût de ces longues marches par les chemins de traverse.
Je pénètre dans le bois et dois franchir une véritable barrière d'orties avant de pouvoir approcher ce ruisseau. Je me laisse guider par le chant de l'eau et descend une pente glissante, jusqu'à l'apercevoir, les deux rives garnies de fougères. Voici ce que j'ai fait, ensuite.
Je suis descendu dans l'eau et j'ai commencé par écouter les confidences de ce ruisseau. Très important d'écouter les bruits d'un lieu, ils nous parlent mieux qu'un long discours. Je me suis mis à la recherche de pierres susceptibles de constituer de cairns. Je voulais, en effet, les monter, au cœur de cette eau pour qu'ils en deviennent un prolongement, un jaillissement minéral vers le ciel. J'ai monté mon premeir cairn, puis un deuxième et un troisième. Cela prend du temps. Je suis sorti de l'eau et j'ai pris en main le livre de Louis Je l'ai ouvert au hasard, page 75. J'ai lu ce poème qui commence ainsi
La grande parole
du mouvement perpétuel
nous relie à l'ensemble,
le brouillon abstrait...
Lues à haute voix, dans ce bois de solitude, il m'a semblé que ces paroles poétiques s'accordaient parfaitement à l'instant. Un bonheur fugace vint dissiper quelque peu, ce blues de Mériadec dont j'étais l'objet bien malgré moi. La poésie avait ce don de me transformer profondément et de me faire voir le monde avec un peu plus d'optimisme. Tout n'était pas perdu, il fallait savoir reculer l'échance.
J'ai continué mes installations, perchant un cairn dans un chêne, jouant du bleu des fleurs avec le vert de la mousse, bâtissant sur un muret, un talus avant de quitter les lieux.
Un autre jour, je me suis retrouvé dans la région de Quiberon, réalisant des installations présentées ici, sur la Côte Sauvage dont je ne dirai pas grand chose puisqu'un délicat observateur de Facebook, m'a dit que je polluais le site avec mes "tas" qu'il espérait ne jamais croiser. Que voulez-vous faire contre une telle attaque ?
Pourtant, j'avais aimé ce jeu avec des pierres assemblées quelques instants avec un lien rouge-passion. Jamais, en presque 15 année de pratique du land art, je n'ai eu le sentiment de polluer le paysage.
Je suis retourné hier dans ce lieu appelé Le Jardin des Mémoires, qui donne sur la rivière d'Auray, pour me ressourcer.
J'entendais l'âme des morts tintinnabuler dans les branches des oliviers où s'accrochaient les mémoires carminées, caduques et frêles des disparus. Mes pierres de silence allaient reprendre en chœur, la chanson de mon père. Le ciel était gris, comme l'eau de la rivière au jusant. Être ici ou ailleurs, devenait pareil. Le temps donné s'écoulait, marquait le tempo du tambour du monde.Une poignée de cendres, cachait l'herbe du grand repos.S'agitaient au vent des cloches d'argile et le souvenir d'êtres chers, devenus, paysage.
J'ai ouvert au hasard le livre de Louis Bertholom, page 82 . J'ai lu ce poème qui commence ainsi
Distorsion du temps
dans la plénitude
science de la répétition
qui nous vient de la vague
tout cela...
Je sais qu'il aurait fallu lire des pages, ne pas extraire ce passage, mais il tombait si bien avec l'instant. Mes pensées se son envolées vers Jacques Thomassaint. J'avais projeté avec lui, il y a quelques mois, au téléphone, de le rencontrer cet été. J'ai aussi pensé, dans ce lieu à Alain Jégou que je ne connaitrai plus,tous les deux, poètes, tous les deux disparus en quelques mois. Alors, cela m'a conforté dans l'idée de rencontrer l'ami Bertholom, lui, bien vivant, pour conjurer ce sort. La lecture de Bréviaire de sel, me donna l'occasion de lui rendre hommage ici, en lui consacrant cette page, aujourd'hui.
Roger Dautais
La grande parole
du mouvement perpétuel
nous relie à l'ensemble
le bouillon abstrait
La magie de la lueur tremblante
hésite à dissoudre
dans un obscurantisme
qui exalte le progrès
au détrimernt
de la pureté vierge.
" Tu entendais cette fluidité
te couler calmement
les jours gris
qui te peignaient
pour les longues veilées
à te soumettre jusqu'à la folie."
in Bréviaire de sel Page 75
Distortion du temps
dans la plénitude
science de la répétition
qui nous vient de la vague,
tout cela à interroger
sur le bureau des étoiles.
Lorsque le ciel ploie le paysage
de sa drache,
sur la dune
je me sens remeonter le musc
comme une fleur qui se donne.
L'oyat se désaltère
le jour se rétracte, tout respire
à ce moment de grâce
il ne cède en rien aux musées
où l'on a assemblé la beauté.
Louis BERTHOLOM
Bréviaire de sel
EDITIONS Sauvages Collection Askell Mai 2013
Quelques sites pour mieux connaître Louis Bertholom
http://www.myspace.com/louisbertholom
http://wwwguyallixpoesie.canalblog.com/
http://editionssauvages.monsite-orange.fr
http://ecrivainsbretons.org