Le cairn des Saints de glace...
Pour une fois, la météo ne s'est pas trompée. Il fait un temps de chien. Ciel couvert, froid d'hiver et vent de 70 kilomètres heure. De quoi rester à l'abri. En ce mardi 10 mai 2010, je prends la direction de la côte, bien décidé à en découdre avec ce temps exécrable. J'arrive sur la plage par
un chemin creux, véritable entonnoir à vent, avec ce courant d'air qui me coupe la respiration. Je m'avance, luttant contre ce vent et arrive sur une plage presque déserte. En effet, sur la droite, à deux cent mètres de moi, des personnes marchent le long de la mer. Je saurai, plus tard, qu'elle attendaient le retour d 'un petit bateau de pêche. La mer est blanche. d'écume. Sortir par ce temps, en mer, c'est prendre beaucoup de risques.
J'ai élevé un cairn dans ces parages, il y a quelques semaine et je n'en trouve aucune trace. Balayé, emporté par les vagues. Avec ce temps, il faut travailler avec du lourd. Pas question de faire dans la dentelle et l'équilibre. Je repère deux très grosses pierres qu'il me suffira de faire pivoter et glisser sur le sable pour amorcer le cercle servant de base au futur cairn. Je termine d'assembler la base et commence l'élévation. Aujourd'hui, les pierres qui se trouvent à proximité sont assez grosses et lourdes. Je vais en trouver suffisamment pour monter la première moitié du cairn. Pour la suite, il me faut aller les chercher de plus en plus loi, dix, quinze, vingt mètres. C'est le travail le plus pénible car le sol est bosselé, glissant. Un véritable exercice d'équilibre avec des charges de dix à vingt kilos dans les bras ! Le vent ne faiblit pas. Deux ou trois personnes débouchent du chemin d'accès, sur la plage, me regardent et font aussitôt demi tour, découragés par cette tempête. J'aime bien ce corps à corps, cette lutte contre les éléments, cette résistance qu'il faut déployer pour supporter le vent, et malgré tout, élever ce cairn. Une fois terminé, je l'estime plus haut que le précédent, à vue d'œil 2,10m, un beau spécimen, bien planté sur sa base, même s'il s'est un peu affaissé au nord. Il dépasse les 5 tonnes et restera sans doute en place quelques jours, car les coefficients de marée sont très bas cette semaine.
Je prends quelques photos et décide de le nommer Cairn des Saints de glace. C'est de saison ! Je remonte le chemin d'accès pour regarder la mer une dernière fois. Le cairn est positionné dans l'axe du chemin, et sans calcul de ma place. Il a l'air tout petit, perdu face à l'immensité. Je prends une dernière photo et quitte le site pour me mettre à l'abri.
Roger Dautais
s'il n'est de commencement
sans terme
le terme est le commencement
des choses
l'œil qui s'ouvre
déploie l'horizon des songes
la parole qui meurt
libère le champ du silence
le jour n'est que
la résurrection de la nuit.
Alain Mabanckou ( Congo)
Les arbres aussi
versent des larmes.