La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

jeudi 30 décembre 2010













Que cette année vous apporte un peu plus de paix dans le monde, un peu plus de fraternité, de poésie, que la part belle soit faite aux arts et à l'expression et que ce soit notre façon
"d' humaniser "le monde.
J'attends de vous, du rêve, de la créativité, des échanges amicaux, comme cela s'est déjà fait cette année et ce dont je vous remercie.
Meilleurs vœux à tous et bonne année 2011.

Roger Dautais







Épreuve



Ce miroir blanc où tu te jettes
A corps perdu
La cendre à l'œuvre éparpillée
qui t'invente la vie même
et et destine
Ces mots tressés à bout de mort
Cette empreinte piégée de l'errance.


***


Tu devances cette pourriture
Où tu ne sais pas
Une tache s'expose s'éparpille
Se plisse au coin des yeux


...L'errance écarquille le monde et te blesse.


Guy Allix







C'est Maud qui avait été la première, une fois passé l'envoûtement des chagrins débordants, d'ailleurs, très vite oubliés,à rendre visite régulièrement à son ami Maurice, dans les sous bois du cimetière dit "des quatre Nations. Elle avait gardé des mains d'enfant et de ces doigts graciles dont était amoureux la moitié du quartier, elle caressait le sable de la tombe, aussi délicatement que possible pour en refaire les sillons bien parallèles. dans le sable granuleux. Ainsi étaient rangées dans le quartier nord, les tombes des indigents, car même en terre de croyance, on ne mélangeait pas les torchons et les serviettes. Monsieur Maurice, pour les dames, respecté par "la haute", du temps de son petit commerce, habitait coté "torchon" au boulevard des allongés. A chacune de ses visites, Maud, perchée sur ses talons aiguille qui s'enfonçaient dans le sol, meuble du carré des indigents, lui donnant une démarche chaloupée, apportait un petit caillou qu'elle déposait délicatement sur le sable. Cette délicate attention s'était transformée en cromlech, sans pour autant effrayer le fossoyeur, qui savait la tombe abandonnée depuis longtemps par une famille lointaine. Maud emportait aussi à manger, des quignons de pain qu'elle consommait au-dessus de Maurice. Elle en gardait une partie qu'elle écrasait entre ses mains pour la répandre en pluie fine, sur le sable en prononçant ces paroles
- "Tiens, mon Titi, en souvenir des serines ...".
Puis elle sortait de son sac à main panthère, une fiole remplie d'eau bénite, remplie au bénitier de Sainte Sara, la Patronne des causes perdues. Après en avoir vue une gorgée, elle ajoutait
-... et des serins de Saint Nazaire.
Cette phrase inquiétait quand même le préposé aux enfouissements, bien que , sans état d'âme et pour qui le culte des disparus, relevait de la simple fantaisie ou de la disparition .
Comment pouvait-il deviner, ce brave homme qu' avec le même flacon et la même eau bénite, Maud et Maurice avaient élevé enfant, des familles nombreuses de sereins dans le clandé de Madame Georges, la tenancière de l'Hôtel du Commerce, place de la gare à Saint Nazaire. Lieu béni qui allait devenir la maison d'apprentissage de la jolie et fidèle, Maud. Comment aurait-il pu deviner leur belle histoire d'amour avec toutes ces paroles abstraites:
- Oh, temps qui passe
coule comme de l'eau
dans le bec des oiseaux.
Même grande, entre deux passes, Maud vint dans ce cimetière, verser de l'eau sur la tombe de son Maurice et partager le pain avec lui, comme il lui avait appris, et signer d'une pierre, son passage de femme fidèle, avant de le rejoindre un jour, victime d'un règlement de compte.Je sais bien, on ne raconte pas des histoires pareilles à un tel moment de l'année, mais, vous savez, c'est une histoire vraie.

Roger Dautais









Douleur de mon amour



Et le poème travaille comme la terre
Friable dans la circulation des sèves
Dans la posture de la douleur

Tu partages incessant l'errance rageuse
Tu tiens dans la main ce dernier souffle recueilli
qui fuit déjà entre tes doigts
Incurve la buée sur la vitre

Dans la main l'aimante même qui se meurt
Quand tu voudras simplement épouser la terre
Enfin, terre à venir de ton nom
Quand tu voudrais seulement
Fondre ici les mots de ta nuit.

***

Et se dire qu'il n'en restera rien
Que cet épuisement qui déjà gagne
Rien que rien
Et le soir qui rentre dans la peau
Pas la moindre coïncidence à l'horizon

A quoi bon tenir
Retenir ce qui fuit déjà

***

Tu sais qu'au fond
La mort est le seul partage
Ce qui dira enfin ce domaine

Tu lui donnes déjà ce visage
Qui bat la parole
Comme une enclume
Épelle chaque instant jusqu'à la déchirure;


Guy Allix

Découvrez son site, si ce n'est déjà fait
http://guyallix.art.officelive.com/default.aspx

mercredi 29 décembre 2010

vendredi 24 décembre 2010


















à ceux qui se perdent la nuit...




Le jour se lève. Il a fini par effacer la nuit et son cortège de cauchemars. Je regarde par la fenêtre, le gris délavé du ciel.Il pleut légèrement. Les marais seront encore plus humides, plus inhospitaliers. J'ai dans ma tête, mille chemins qui m'amèneront à destination la plus inconnue possible. Se perdre est nécessaire. Je longerai les murs du cimetière sans réveiller les morts. Je ramasserai dans mes poches, les plus belles pierres. Je passerai par le pont de chemin de fer. Je longerai la voie ferrée. J'entends toujours les chansons de Woody Guthrie, le long des voies ferrées et puis je prendrai à droite après le bois des jonquilles. J'emprunterai les chemins creux en pensant toujours à ceux qui dorment sous terre. J'irai jusqu'au menhir de Saint Sanson. J'en ferai sept fois le tour et j'écouterai son chant, comme nous savions l'entendre dans l'enfance. Il faut toujours écouter le chant des pierres. Le petit chariot est apparu deux heures après Orion. La nuit n'a pas délivré tous ses secrets. Je n'ai pas vu la voie lactée. La cavale blanche est passée vers trois heures. J'entends encore le bruit de ses sabots sur les pavés du Jerzual. Les nuits sont longues pour les chevaux de trait. Ils rêvent aussi à son passage dans les écuries. Le jour continue d'effacer la nuit peu à peu. Je regarde par la fenêtre. Le ciel est triste, ce matin. Les lichens seront couverts de rosée et le marais sera dangereux. Je ramasserai les dernières feuilles d'automne, celle qui sont d'un jaune orangé, surtout. Je les disposerai sur un sphère de cornouiller. Je la suspendrai comme une pleine lune, au dessus de la rivière, à une branche d'aulne. Je fabriquerai de mes mains , un nid d'oiseau pour y élever des escargots d'albâtre. Puis je continuerai ma route. J'emprunterai le chemin creux pour marcher sous la terre, avec mes morts, le temps d'une apnée.. Tu m'apparaîtra en rêve, avec tes yeux bleus 'd'amoureuse. J'élèverai pour toi, des cairns sur les rives de ton pays. J'écrirai ton nom dans les sables mouillés. Je me perdrai dans les grèves jusqu'à te retrouver. Il faudrait rester ici, près de toi, maintenant que notre vie se raccourcit, et chaque matin, je scrute le ciel et je rêve de départ ! Je connais mille chemins qui mènent nulle part et des étoiles filantes pour les rendre accessibles. J'irai, au fond de l'hiver marcher sur le mares glacées Des craquelures dessineront des cartes géographiques sous mes pas. Malgré la neige, je traversai les pâtures jusqu'au bois des sébastes. Je gravirai les pentes caillouteuses sous le soleil implacable. Je chercherai le gué entre les fougères, pour rejoindre le bief de Tinténiac. Six chevaux de feu piafferont dans l'enclos du temps retrouvé.
Le temps a fini par se déposer à la surface de l'eau. De larges taches de lentilles cernent le reste de noir qui résiste au milieu de la mare. Bientôt tout aura disparu, sauf le danger , pour qui ne sait pas. La vie au loin de tout a ses règles. Un faux pas et tout est fini. La vie au lieu de rien, qui tente de nous entrainer dans le néant des eaux noires. Une seule pensée me sauve, un seul regard bleu et je fais demi-tour vers mon amour.



Roger Dautais,
Carnets de Land Art





Sans nom
ni même une ombre
ni vus ni connus
disparus seulement
eux
leur transparence
d'eau claire


transparence
sueur et larmes


sur quelle
soif de la terre
sans reconnaissance

terre plus grasse
de leur sang


pas même oublié
non
ni reconnu ni vu
sans nom
sang


mais l'écouter comme
le vent la vie qui passent


l'écouter crier
chanter en nous peut-être
par les oiseaux de mai


Martine Morillon-Carreau
Sens dessous, n°4


Retrouvez la poésie de cet auteur dans l'anthologie subjective de Guy Allix
ou sur le site de Martine Morillon-Carreau http://m.morillon.carreau.free.fr/

vendredi 17 décembre 2010













Aux voyageurs de l'au-delà..
.




Dans la mémoire des routes,
il y a toujours des bruits de pas,
des matins ensoleillés,
d'autres, pluvieux,
des pierres sèches
et d'autres couvertes de mousse.
Dans la mémoire des routes, il y a toujours des chants d'oiseaux de nuit, des froissements d'ailes et des envols de jour et des chasseurs qui tirent pour mettre fin à leur vie d'oiseau. Dans la mémoire des routes, pourrissent au fond des talus, les carcasses abandonnées que les chiens n'auront pas reniflées et des feuilles mortes, pour les recouvrir.
Dans la mémoire des routes, il y a des silences qui me parlent de toi. Et je me dis qu'au moins une fois, la trace de tes pas avait figuré là, dans la poussière d'un été, avant que les pluies d'orage ne les aient effacées pour toujours. Tu avais beau emporter le vent avec toi, mais aussi tous les espoirs d'une vie anonyme, le temps de l'oubli était venu te visiter et te demander de continuer à marcher,simplement, pour te rendre, comme une simple voyageuse, d'un point à un autre, d'un être à un autre. Ainsi se déroulaient tes angoissantes saisons qui défilaient,s'empilaient et te bouffaient le temps qu'il te restait à vivre.
Dans la mémoire des routes, on ne retrouvait ni passion, ni haine, ni amitié, ni amour. Tout était suspendu, tout était retenu comme le son de la voix d'un défunt disparu, au corps glacé et que je n'entendrai plus.
Et la vie passait, s'effaçait, existait, malgré tout.
Ce serait bientôt, les cernes d'hiver, les jours gris, les pluies incessantes, lavant les terres noires de la Pointe du Roselier. Ce serait aussi, les longues nuits solitaires passées à hurler comme un loup. Il resterait, malgré le temps, malgré les routes empruntées, à suivre les souvenirs de l'été.
Il resterait à retrouver les pas des voyageurs de l'au-delà, et puis leurs voix qui répéteraient sans cesse :
Dans la mémoire des routes,
il y a toujours des bruits de pas
des matins ensoleillés,
d'autres pluvieux,
des pierres sèches
et d'autres recouverts de mousse.
Et je reconnaitrai ta voix défunte et je me dirai, tiens, cette fois, c'est elle qui m'invite à entrer dans la mémoire des morts. J'y entrerai et je reprendrai la route.


Roger Dautais
14 septembre 1998 en Normandie





Nous cheminons tous
oubliant que nous fûmes bercés
sur des chemins de terre
éclairés de néons


La route familière
s'efface sous une brume intense.



Nous marchons cependant
car il faut bien aller
quêtant les étincelles d'amour
dans le flux des saisons.



***


Les tombes s'ouvrent une à une
sur les défunts revenus
de la caverne claire
où s'écoulent leurs jours.

Les morts n'épargnent aucun effort

pour trouver des paroles de consolation

Ils nous attendent avec patience



Eliane Biedermann

mercredi 8 décembre 2010














Il est des jours de travail ordinaire qu'il convient d'offrir
à la nature,
afin que l'invisible prenne le pas sur le réel...




à Richard Shilling.

Pratiquer le land art en cette saison, c'est pas toujours agréable car la météo est rarement clémente, mais c'est le jeu en même temps. Internet, le travail de bureau, ça va un certain temps mais il me faut la vie au grand air pour retrouver toutes mes sensations. Il y a quelques jours, je suis parti en direction des plages, la neige ayant fondu et la pluie cessé de tomber. Il fait un bon zéro degré au thermomètre et l'arrivée au bord de la mer me surprend, bien que je me sois habillé en conséquence. L'air est vif, humide, le vent, du nord. Il faut vite se mettre en marche, pour se réchauffer. La plage a beaucoup changé depuis ces dernières grandes marées. Le sable s'est damé naturellement. Le froid l'a rendu plus compact, gris, difficile à travailler. En plus, je suis la marée descendante et le sable n'a pas eu le temps de s'essuyer. Après une demi-heure de marche, je découvre un espace qui me parait pouvoir accueillir une spirale. Je tâte le sol de mon talon droit. C'est celui qui trace. Il s'enfonce moyennement. Le sable résiste bien. Mais après avoir bien observé cette étendue, je pense que je ne trouverai pas mieux et je décide de tracer, sur cet ilot de sable gris. Les cinq premiers tours tracés, j'ai la mesure de mon travail dans la tête. A 20 centimètres près, je sais ou il se terminera. Le froid me prend malgré cet exercice très intense. Les crampes viennent assez vite dans l'arrière des cuisses. De temps en temps, je m'arrête pour faire des moulinets avec les bras, puis je me frotte les jambes, histoire de récupérer un peu de chaleur. Je reprends mon tracer. Je me concentre sur mon travail. Il avance bien.
Vers le 17ème ou 18ème tour, je prends une première photo. Cette spirale grise, malgré son peu de profondeur, est très belle, bien inscrite dans un paysage qu'elle ne dénature pas. La plage est déserte. Il y a bien des travaux le long de l'épi rocheux, qui sépare la plage du canal d'accès au port de Ouistreham, car j'entends des bruits de moteur, mais je ne vois personne. Il est question d'allonger le terminal qui reçoit les ferries. A propos, en voici un qui passe, non loin de moi. Il rejoint l'Angleterre.Lorsque je vois un bateau, grand ou petit, je m'arrête, je le regarde passer. Je pense aux marins. Dur métier. Dans la famille, on connait un peu. Une fortune de mer, ça ne s'oublie pas même 45 ans après. C'est là.
Une histoire sans fin. Voila ce que j'ai marqué auprès de ma spirale. Mémoire de sable, parole de mer, histoire de pierres. Je me dirige vers l'est pour rejoindre l'estran. Il y a des pierres à profusion. Bien qu'il soit tard, je décide d'élever un cairn. J'ai enlevé mes gants de laine, c'est tout ce que j'avais pris, et travaille à mains nues. Les petites roches ont beaucoup d'aspérité et je me blesse assez vite, même avec l'habitude du travail manuel. Le cairn s'élève bien et j'ai déjà fait le vide autour de lui. Plus il grandit plus je dois aller chercher les pierres au loin. Le soleil s'est couché depuis un quart d'heure, la nuit commence à tomber et la côte s'allume de mille feux. Très beau spectacle. Je suis obligé d'arrêter la construction car je ne vois plus assez pour me déplacer sans risques sur l'estran. Je termine de coiffer le cairn avec de petites pierres. Il atteint ses 1,80 mètre. Il me tient compagnie dans cette solitude marine. Les bouées de balisage du canal d'accès au port, se sont allumées à leur tour, lumières verte et rouge. Je prends quelques photos et rejoins la côte dans le noir. Je pense aux miens. Ils sont toujours présents lorsque je travaille seul. Lorsque j'arrive à la voiture, je suis transi de froid. Demain, je travaillerai côté campagne.
Autre jour.
Je prends la direction de l'est, traverse le canal et rentre sur le plateau désert qui s'étend entre le pont de Callix et la colline de Colombelle. Friche industrielle,aux herbes gelées, zone désertique. Je ne suis pas venu ici depuis très longtemps.
Je tombe sur un gynerium qui n'a poussé ici que par miracle. Plus de quatre mètres de haut, sur ce terrain où rien ne prospère sauf les mauvaises herbes. J'y installe un nid, aux creux des feuilles, à l'aide de branches mortes, recouvertes de lichen jaune d'or, pour trois pierres qui passeront au moins leur nuit, ici à rêver qu'elle sont des oiseaux.
Je me dirige vers la voie ferrée et je marche en direction du nord. Je trouve un passage sur la droite et installe à mi-pente d'une sorte de terril, un cercle de terre noire, dans la mousse, couronné de graines, puis, un peu plus haut, un tout petit cairn, qui forment avec une pierre moussue, un ensemble harmonieux qui me convient. Puis je reprends ma marche vers l'est jusqu'à l' étang. Je trouve une pierre noire que le gel des dernières semaines aura éclaté. Je me sers de ces morceaux pour élever un dernier cairn de marche. Il marquera le point ultime de ma sortie. Le soleil vient de basculer derrière l'horizon. Il faut que je rebrousse chemin et rentre par la voie ferrée. Elle est pratiquement abandonnée. L'an dernier, le ballast a été rechargé de pierres blanches. Il me vient à l'idée de faire une spirale au milieu de la voie, en les utilisant. Une fois le travail terminé, je prends quelques photos et remet les pierres à leur place.
Mon travail est terminé pour aujourd'hui. Je traverse le plateau dans le noir et vraiment seul. J'ai reçu un mail de Richard Shilling, c'est un artiste de land art d'outre-Manche,dont j'apprécie beaucoup les créations.. Je pense à ce qu'il m'a dit.Je suis très touché par ses mots. Il connait, lui aussi, ces solitudes et ce questionnement des personnes sur notre démarche, notre art de vivre, notre façon d'exprimer la vie. Pour ma part, je suis bien incapable d'expliquer ce qui me met en route chaque jour, ce qui m'inspire, profondément. Je pense qu'il faut préserver cette part de mystère. Elle est le feu de la vie et lorsque ce feu s'éteindra, alors, beaucoup de choses auront déjà été faites sur cette terre et il faudra songer à céder la place. En attendant, je vais dédier ce billet et ces deux jours de travail ordinaire, à Richard Shilling, bien amicalement.


Roger Dautais

J'ai voulu apporter un peu de couleurs d'automne à cette série de photos, par des travaux de saison, ajoutés au dernier moment.







Donne toi à l'espace
Il est ta nature

Qu'il te déchante
Ou te reprenne dans les airs

Il est de pluie tu es de rêve
Tu danses sous la mer
Au doux chant des baisers

Quel regret a porté ta mémoire.



Brigitte Maillard

à découvrir et fréquenter http://www.mondeenpoesie.net/ ainsi que les autres blogs créés et animés par Brigitte Maillard avec talent et humilité !




Le chant des naufragés


A la santé des cieux du large
Dans les calices et les ciboires
Nous buvons goulûment la mer
Aucune eau ne nous désaltère
Nous avons soif de sel
Nos lèvres sont avides
Dans l'au bleue, c'est toujours dimanche
Quand s'agenouillent les poissons d'or

Jean Michel Maulpoix
Dans l'interstice 1999.

jeudi 2 décembre 2010











à Marie-Claude...



Deux jours que j'ai tourné le dos à la mer ! J'ai pris la route, plein sud pour rejoindre les rives du fleuve où je croyais, un peu naïf que j'aurais réussi à travailler sur les berges. Mais non, de l'autre côté du ont de fer, franchis pour atteindre la rive gauche, je n'ai trouvé que ses eaux jaunâtres et tumultueuse qui m'interdisaient toute approche des enrochements où j'avais imaginé travailler. Je suis resté longtemps à regarder ces eaux, cette force, ces remous, fasciné par le mouvement de l'eau. J'ai décidé de rejoindre la forêt qui jouxte la voie ferrée abandonnée. Ah. Les voies ferrées ! A peine mis le pied dessus que mes rêves reprennent, non pas des hallucinations, des rêves éveillés avec la voix et les chansons de Woodie Guthrie, l'écriture de Jack Kerrouac, les poèmes de Alan Ginsberg, le chant de Youenn Gwernig. Attendez, ça ne fait de mal à personne et moi, ça me vient comme ça, quand je ne suis pas poursuivi par ces étoiles sanglantes, le bruit des trains, les cris. Vous voyez, ce n'est pas simple une voie ferrée pour moi.
Le voyage, oui bien sur, mais pas le même pour tout le monde, pas en première classe ! Alors, je me suis mis à genoux deux fois, une première fois pour orner cette voix ferrée d'une spirale rouge, que je sentais comme ça, comme une signature, d'un départ de marche et puis, presque aussitôt, un cairn de marche, bien planté au centre, comme un cri de révolte. Je me suis approché d'un jeune bouleau et j'ai confectionné une sorte de plateforme en branches mortes, pour accueillir un deuxième cairn, perché, pour éviter les coups de pieds intempestifs. Et j'ai pris ce chemin creux qui mène aux étangs. C'est là qu'il m' a rejoint, pendant la montée. Nous avons échangé quelques mots. "Petit Papa, tu n'as pas trop froid, dis-moi, dans ta terre Bretonne"? J'aimais nos travaux d'hiver, au Chêne Ferron, avec peu de mots et des gestes de jardinier, avant de rentrer, fourbus, pour prendre un bon café chaud. Tu te souviens" ?Il m'a répondu "oui, je m'en souviens". Puis je l'ai laissé tranquille, dans sa boîte, sous terre. C'est dur, cette absence qui s'installe, dur, ce souvenir de la fin, si muette, sans un mot. On ne comprend jamais un départ. Personne n'est fait pour ça.
Après, tu ne peux t'en défaire de cette mélancolie et le reste de la journée, c'est une présence qui t'accompagne, non pas un chagrin, une présence...
Le reste a suivi, cette saignée bifide sur les ajoncs congelés et ce premier cercle de fougères et de feuilles jaunes flottant sur un étang commençant doucement à geler. Les idées me venaient, dictées par le temps, le paysage, la solitude, le voyage. J'ai bifurqué sur la droite, dans un autre chemin creux où j'ai trouvé de quoi modeler une sorte de petite sphère de glaise, ornée, dans un premier temps de graines coquelicots séchés, puis modifié avec des fruits de l'églantier. j'ai terminé par un grand cercle de feuilles jaunes puis j'ai fait demi-tout, la nuit commençant à tomber. Je ressentais cette peur d'enfance, lorsqu'à dix ans, je passais mes premières nuits blanches à la belle étoile. Une fierté de "grand" et une peur d'enfant dans ce noir qui m'entourait. Bizarrement, j'ai gardé ces sensations dans ces endroits déserts, où le moindre incident sérieux serait très vite problématique. Pratiquer le land art n'est pas sans risque pour moi, même si je me sens jeune, je ne le suis plus !
Je suis retourné le lendemain pour pousser la marche un peu plus loin, vers les étangs, derrière la foret. Il avait neigé la nuit et le sol était gelé comme le premier étang où j'ai retrouvé mon cercle flottant, pris dans les glaces. Je suis allé vers les trois étangs, mais la glace était trop fine. Rien à faire, dessus, je n'ai réussi qu'à me mouiller les pieds. C'est bien aussi, de marcher, entre les installations, sans rien faire, dans une sorte d'abandon à la nature, juste nourri par le silence et le battement de mon cœur. Tambour du monde, ai-je pensé en l'entendant. Sans amour, que faire dans ce monde? Alors j'ai pensé à déposer un tout petit cœur, rouge, vraiment petit, mais ardent, pour cette que j'aime toujours, pour ce qu'elle est, pour ses yeux, si bleus, si beaux. Je l'ai regardé, en partant, tout petit sur la neige et ça m'allait bien. Dans une descente, j'ai élevé un autre cairn de marche, avec ce que j'avais sous la main, peu de pierres, gelées en terre. Il balisait ma marche. La nuit s'est remise à tomber. C'est comme ça, tous les soirs en fin d'année, on se fait vite prendre. J'ai rejoint la voie ferrée, par le sud. Sous la neige, cette voie ferrée prenait des aspects d'une beauté dramatique. Je n'ai pas pu résister, je me suis mis à penser à Raymond, à sa famille à la rafle du Vel'd'hiv. Oui, je sais je vais encore en gêner plus d'un. Mais je trouve moins grave d'évoquer la mémoire d'un ami, dernièrement disparu, que d'avoir organisé ces trains de la honte qui me hantent. Raymond me comprenait.Pas les esthètes ! Cela a été mon dernier geste, une série de petites installations avec des étoiles de David, dont je vous en présente,une. Je suis rentré, par la voie ferrée, dos courbé par la fatigue, avec le bruit des trains qui s'en allaient vers l'Est. Il n'y a pas de fin à cette histoire.


Roger Dautais






Paysage derrière la vue

Entre les gîtes
S'élèvent la lumière
Plus forte que nature
Les cadavres
A la recherche des couleurs
Poussent une plainte
Comme s'ils étaient la nuit même
Et les maisons palissent
De ne respirer
Autre chose que des hommes

Il faudrait au moins
Les cris d'un vagabond
Pour tout remettre

En désordre.

Guy Allix



Pour ceux qui ne connaissent pas encore l'œuvre de Guy Allix, poète d'une rare lucidité, homme debout dans la tourmente, je conseille de rejoindre au plus vite son site, pour comprendre ce que je pense de lui.

Roger Dautais

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.