à Morgane*...
Depuis quelques semaines, j'ai vu l'été se pointer en douce. Ici, les saisons basculent rarement d'une à l'autre, de façon brutale. Il faut être en immersion permanente pour en découvrir les signes avant-coureurs. Chaque je jour, je prends la route. Chaque jour différente, pour des marches au hasard, à la rencontre de cette nature qui m'appelle et m'attire. Je vous ai montré des spirales et des installations sur les plages mais elles se sont alternées avec d'autres réalisées, le long des chemins de traverse, longeant une voie ferrée, au fond d'un marais, dans des carrières, au bord du fleuve. J'ai sillonné ce pays de long en large, quittant la ville et ses bruits. Ici commence mon territoire. Il n'y a ni parole, ni bavardage, juste le bruit de mes pas pendant la marche. Je suis aux aguets, à l'écoute, prêt à recevoir le signe qui va me déclencher l'idée et faire naître le travail. J'avance dans une sorte d'anonymat . Qui relèvera mes traces, qui me suivra dans cette" itinérance", lorsqu'elles se seront fondues dans le grand tout.
Je me souviens, cette marche sur le ballast d'une voie ferrée désaffectée. Elle devait m'amener jusqu'à un petit marais que je n'ai jamais atteint. Je marchais, rêvant à Kérouac et Wooddy Guthrie, comme à chaque fois, à cause du chemin de fer, lorsque j'ai aperçu une mare d'eau en contrebas dont la couleur tranchait avec le blanc éclatant des pierres. Je me suis arrêté là et j'ai travaillé à genoux, sous un soleil ardent, avec tant de plaisir. J'avais tout sous la main, le rêve, les pierres blanches, l'eau, les fleurs, et la compagnie de trains improbables qui ne passeraient sans doute jamais. J'ai fait un puits, réalisé une langue de pierres, noué trois fois l'herbe devant la couronne blanche et fleuri la mare entre deux bois flottés. Cela m'a pris tout mon temps.
Je me souvient d'un marche, un peu avant les grandes chaleurs où j'étais descendu dans un autre marais pour y retrouver le cours d'une petite rivière. Je n'y étais pas revenu depuis longtemps et al végétation rendait ma progression difficile. J'y avais travaillé longtemps autour de diverses installations. De petites flottaisons toutes simples, captant un rayon de soleil me comblaient autant que de grosses installations. J'avais détaché d'un tronc d'arbre une très grosse liane morte, qui s'était révélée ressemblant à un miroir rococo et je l'avais orné de quelques fleurs. Je passais d'une installation à l'autre avec un vrai bonheur d'être là et d'y inscrire ma vie.
Je me souviens d'une autre marche, c'était hier. En route vers une carrière de la région, j'avais levé deux superbes lièvres aux oreilles dressées. Ils étaient sortis d'un friche, à cinq mètres de moi, détallant chacun de leur côté. Je m'étais réjoui de ce spectacle en leur souhaitant bonne route et bonne chance. De l'autre côté de la haie, sur une très haute butte de terres et de pierres, j'avais trouvé une souche de coquelicots d'un rouge carmin si inhabituel que je les ai honorés de trois petits cairns dans la pente, avant de reprendre ma route.
Et puis, je l'ai vue, là, sous des milliers de marguerites, suivant les traces au flair. Morgane, revenue, une fois de plus, m'accompagner ici, comme avant le grand départ. Je suis allé cueillir de coquelicots et je les ai semés en direction de l'ouest qu'elle avait forcément rejoint, un jour, vers Ploudaniel, non loin de Brest.
Puis j'ai rejoint la carrière, mais le charme était rompu. Les cairns s'écroulaient les uns après les autres. J'aurai dû rester sur sa mémoire et terminer ma journée avec elle. Une prochaine fois je saurai.
Roger Dautais
* Morgane a été ma dernière petite chienne. Elle m'accompagna pendant 11 ans.
Hantise
Le désert prescrit
Le poème
L'éphémère
Le feu
Le sang lesté d'éther.
Propice à l'espace absolu,
Aux syllabes mouvantes
Il désavoue le livre.
Le désert
Nous arrache à nos fatalités
A l'alchimie de de notre verbe
Et nous redressant
Sables médiateurs
Visions belliqueuses
Vagues silhouettes en quête de forme.
Le désert
Grand lac de mémoire
Vent bruissant d'un cadavre.
Abdul Kader El Janabi ( Né à Bagdad en 1944 )
Je me souviens, cette marche sur le ballast d'une voie ferrée désaffectée. Elle devait m'amener jusqu'à un petit marais que je n'ai jamais atteint. Je marchais, rêvant à Kérouac et Wooddy Guthrie, comme à chaque fois, à cause du chemin de fer, lorsque j'ai aperçu une mare d'eau en contrebas dont la couleur tranchait avec le blanc éclatant des pierres. Je me suis arrêté là et j'ai travaillé à genoux, sous un soleil ardent, avec tant de plaisir. J'avais tout sous la main, le rêve, les pierres blanches, l'eau, les fleurs, et la compagnie de trains improbables qui ne passeraient sans doute jamais. J'ai fait un puits, réalisé une langue de pierres, noué trois fois l'herbe devant la couronne blanche et fleuri la mare entre deux bois flottés. Cela m'a pris tout mon temps.
Je me souvient d'un marche, un peu avant les grandes chaleurs où j'étais descendu dans un autre marais pour y retrouver le cours d'une petite rivière. Je n'y étais pas revenu depuis longtemps et al végétation rendait ma progression difficile. J'y avais travaillé longtemps autour de diverses installations. De petites flottaisons toutes simples, captant un rayon de soleil me comblaient autant que de grosses installations. J'avais détaché d'un tronc d'arbre une très grosse liane morte, qui s'était révélée ressemblant à un miroir rococo et je l'avais orné de quelques fleurs. Je passais d'une installation à l'autre avec un vrai bonheur d'être là et d'y inscrire ma vie.
Je me souviens d'une autre marche, c'était hier. En route vers une carrière de la région, j'avais levé deux superbes lièvres aux oreilles dressées. Ils étaient sortis d'un friche, à cinq mètres de moi, détallant chacun de leur côté. Je m'étais réjoui de ce spectacle en leur souhaitant bonne route et bonne chance. De l'autre côté de la haie, sur une très haute butte de terres et de pierres, j'avais trouvé une souche de coquelicots d'un rouge carmin si inhabituel que je les ai honorés de trois petits cairns dans la pente, avant de reprendre ma route.
Et puis, je l'ai vue, là, sous des milliers de marguerites, suivant les traces au flair. Morgane, revenue, une fois de plus, m'accompagner ici, comme avant le grand départ. Je suis allé cueillir de coquelicots et je les ai semés en direction de l'ouest qu'elle avait forcément rejoint, un jour, vers Ploudaniel, non loin de Brest.
Puis j'ai rejoint la carrière, mais le charme était rompu. Les cairns s'écroulaient les uns après les autres. J'aurai dû rester sur sa mémoire et terminer ma journée avec elle. Une prochaine fois je saurai.
Roger Dautais
* Morgane a été ma dernière petite chienne. Elle m'accompagna pendant 11 ans.
Hantise
Le désert prescrit
Le poème
L'éphémère
Le feu
Le sang lesté d'éther.
Propice à l'espace absolu,
Aux syllabes mouvantes
Il désavoue le livre.
Le désert
Nous arrache à nos fatalités
A l'alchimie de de notre verbe
Et nous redressant
Sables médiateurs
Visions belliqueuses
Vagues silhouettes en quête de forme.
Le désert
Grand lac de mémoire
Vent bruissant d'un cadavre.
Abdul Kader El Janabi ( Né à Bagdad en 1944 )