La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

dimanche 31 janvier 2010






Jeu de lettres, à terre
...*

aux effilocheurs de temps.




J'ai donné
à la terre
des mots
pour la nourrir.
La mémoire
est présente
l'instant d'une pensée.
Un bas brouillard
tire le rideau
vers le large.
Les premières pluies
lavent la neige
sur le sable.
Il me reste à jouer
la fin de la partie
avant la nuit.
Au large,
les ferries emportent
des bribes d'amitié.
La corne de brume
attire l'attention
des marins
restés à terre.
En mer,
la nuit sera
agitée
comme mes souvenirs.






* Lors d'une marche, j'ai trouvé un jeu de scrabble dans la nature. Je l'ai promené longtemps dans mon sac à dos et puis un jour, je l'ai utilisé dans de minuscules installations. J'ai fait ça pendant un bon moment, perdant des lettres de l'alphabet, les unes après les autres. je ne sais plus ce qu'est devenu ce jeu. Un souvenir, comme toute chose.


Roger Dautais

samedi 30 janvier 2010



Élargir l'horizon d'une marche sans rien oublier du monde...



En direction de la mer,
à la croisée des chemins bordés d'oyats qu'un vent cinglant et glacé, couche puis relève, trouver le point central d'une question.
Pourquoi ici ?
S'arrêter justement, là, attiré par le magnétisme de l'endroit.
Sur deux axes perpendiculaires, tracer douze pieds. Faire de même dans les espaces intercalaires.
Du bout de la canne ferrée, rejoindre les petites traces, dessiner une cercle le plus parfait possible. Creuser ce cercle au talon.
Se reculer et du haut d'une butte, le regarder inscrit dans ce paysage maritime.
Avoir envie de l'accompagner d'autres cercles, plus petits, en direction de la mer, puis reprendre la marche dans le froid et rejoindre la plage.
Choisir un endroit idéal et partir pour une heure trente de traçage d'une spirale offerte à la mer.



Roger Dautais

jeudi 28 janvier 2010





Flottaison d'été
...


Il arrive que la lecture d'un poème vienne colorer ma journée et se poser auprès d'humbles installations éphémère, depuis longtemps oubliées, pour mon plus grand plaisir. J'aime à vous le faire partager.



Ce n’est pas une affaire d’épaules
ni de biceps
que le fardeau du monde
Ceux qui viennent à le porter
sont souvent les plus frêles
Eux aussi sont sujets à la peur
au doute
au découragement
et en arrivent parfois à maudire
l’Idée ou le Rêve splendides
qui les ont exposés
au feu de la géhenne
Mais s’ils plient
ils ne rompent pas
et quand par malheur fréquent
on les coupe et mutile
ces roseaux humains
savent que leurs corps lardés
par la traîtrise
deviendront autant de flûtes
que des bergers de l’éveil emboucheront
pour capter
et convoyer jusqu’aux étoiles
la symphonie de la résistance.

Abdellatif Laäbi

Poète marocain né à Fez en 1942

mardi 26 janvier 2010




To the sea...



La mer commence à monter et le site choisi pour ma spirale reste problématique. Il faut faire attention à l'encerclement. La température est de zéro degré mais le vent de force 4 rend pénible ce genre de traçage car le froid tétanise les muscles de mes jambes. Le site représente un glacis orienté à l'est et je suis accompagné par un coucher de soleil, pendant tout mon travail. Le vent chargé de grains de sables me cingle le visage. En voilà au moins pour une heure et demi, car la configuration de la plage se présent sous la forme d'un glacis avec une pente à 15 degrés, sur la partie haute. Le sables est de densité inégale, souple mais très humide dans le bas de la spirale et plus sec dans le haut. Il est toujours très difficile d'obtenir un tracer régulier sur un terrain en pente et la partie " remontante" demande un vrai effort, mais je l'ai choisi pour la beauté du site et son côté sauvage. Le pied qui trace doit s'enfoncer comme un soc dans le sable, de manière régulière et pousser le sable du talon, tout en remontant la pente et en gardant le parallélisme du sillon. Un bel exercice de maîtrise acquise par de nombreuses années de pratique.
Je termine cette spirale, fatigué mais heureux d'avoir tenu jusqu'au bout, malgré le froid, malgré le vent et malgré mon âge. Le vent s'est emparé de mon travail et commence à recouvrir le recouvrir d'une poussière de sable blanc, comparable à de la neige. Dans une heure, elle sera probablement toute blanche. Je quitterai cette plage sans rencontrer âme qui vive, après avoir tracé dans le sable les mots habituels To the sea.
Après le vent, c'est bien la mer qui reviendra remettre tout en place, comme si je n'étais jamais passé par là, comme si je n'existais pas. Tout l'intérêt d'une telle pratique dans l'absolue gratuité du geste.



Roger Dautais

LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS

lundi 25 janvier 2010



Expression de la liberté
...

J'ai créé cet ensemble cet après midi, sur une plage normande, en pensant à tous ces réfugiés Kurdes débarqués en France, dernièrement pour y tenter une autre vie.



Quand un enfant pleure, nous dit un oriental, sa mère comprend d'instinct s'il a faim, s'il a soif, s'il a froid ou s'il a mal. De la même manière, lorsqu'elle chante une berceuse pour endormir son enfant, elle souffle instinctivement l'esprit de l'amitié, de l'amour et de la beauté.

Nul doute que les petits enfants kurdes débarqués la nuit dernière clandestinement sur les côtes Corses, et il y en avait de très petits, auront entendu leur maman reprendre cette berceuse kurde traditionnelle dont voici un extrait:


.../ Je chante une berceuse pour mon enfant chéri
Pour que le vent du nord vienne caresser ses cheveux
Je chante une berceuse du fond de mon cœur
Pour que mon enfant s'endorme sur un oreiller de fleurs.
Ma berceuse est douce et son oreiller est fait de plumes d'oie
Une caravane joyeuse et pleine de couleurs arrive de loin.
Tu es venue pour assister à un mariage

Et donner un doux baiser à ta mère .../


Bienvenue et bonne chance à eux.

Roger Dautais

LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS


dimanche 24 janvier 2010





car les saisons n'ont rien effacé...



Sept cent
lieues
nous séparent
le rêve
nous
assemble
dans
le
gris
de l'hiver.

Tes cris
d'enfant
tes chants
joyeux
l'éclat
de ton
regard,
un tourbillon
de vie
anime
la maison.

Je pense
un jour
reprendre
le voyage,
traverser
la mer
aborder
sur l'île
retrouver
ton sourire
déposé,
là,
sur une
marelle
de sable.

J'aimerai
à nouveau
tes yeux
d'enfant,
ton rire
à cloche pied
tes cris
de joie
sur la marelle,
ta main
dans la
mienne,
rentrant à la maison.

Mais
sept cent
lieues
nous séparent.

Il faudrait,
ici,
raccommoder
les mots,
écrire
une musique
chanter
nos retrouvailles.

Mais
sept cent
lieues
nous séparent
depuis
si longtemps
que je suis
devenu
vieux.



Roger Dautais

LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS

vendredi 22 janvier 2010




au-delà des murs, subsiste la mémoire...



Trois
ombres
deux bruits
un tour
pour rien

Ici
l'espace
se libère
entre
les
barreaux.

Le cri,
cette écriture
jetée
à la rue
s'écrase contre
les murs.

Il faudrait
la clé
tournée
à l'envers
pour ouvrir,
l'abcès
et décrocher
l'homme.

Il faudrait
courir
après l'absurde
et diner à sa table.

Il faudrait
quitter
l'enceinte
pour de bon.

Il faudrait
franchir
le chemin de ronde
le dernier mur,
et marcher
comme si
de rien n'était.

Il faudrait
retrouver son souffle,
oublier la peur
sous la lumière
jaune et blafarde.

Il faudrait
en arriver là,
dans chaque
rêve.

Mais trois ombres,
deux tours de clé
et puis le rien
qui s'installe,
Ici.

Roger Dautais

LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS




à Marie Claude...



Je marche depuis deux heures sur ce chantier d'autoroute et tout est déjà là. Pourtant, je vais me mettre à construire une installation, malgré l'orage qui devrait me faire songer à rentrer. Ce n'est pas les pierres, ni le vent, ni cette impression de chantier déserté, ni le temps que je vais consacrer à monter cet équilibre éphémère qui me fascine, mais, c'est de vivre le tout, l'instant unique, seul. C'est aussi de me sentir vivant par ce geste un jour de plus. Difficile d'imaginer qu'il faudra quitter tout ça, quitter la lumière du jour et ces longues marches, ces dialogues avec la pierre, ces extases devant la beauté de la nature, pour laisser la place aux suivants et pourtant, c'est la loi du genre. Carpe diem !




Signe après
signe
s'élèvent
les pierres
dans
l'espace
désigné
comme,
libre.

D'azur,
de bruit,
d'oubli
de désir,
le silence
se défait
se délie,
se dédit.

Maintenant
il est
debout
le rêve
et toi
tu viendras
le dévorer
de ta
bouche
rose.

Signe
après
signes
nous
aimerons
l'espace
qui
nous
étreint.
Le vent
s'envole
comme
le
souffle.
Il est
temps
de quitter
ce monde
qui
ne comprend rien

Roger Dautais

jeudi 21 janvier 2010





J'avais déposé l'empreinte de mon nom sur le sable
Avec toute mon âme et le fruit de ma pensée.

Revenu à marée haute pour la déchiffrer
Sur la grève, je ne vis plus que mon ineptie.

Gibran Khalil Gibran



Il fait froid. J'arrive sur la plage de Ouistreham vers 15h 30. La mer se retire depuis une heure et ne me laisse pas le choix du lieu où je vais tracer une spirale. C'est un peu un retour avec cette maudite blessure qui m'en empêchait depuis des semaines. Pourtant, c'est bien la lecture des quelques vers de Gibran Khalil Gibran qui m'a décidé à retrouver ces sables. La plage est vide, déserte. Je n'apporte rien, je n'emporterai rien et pourtant tout va se trouver changer sous mes yeux en à peine deux heures. Je crains après cette période d'arrêt de ne pas retrouver la maîtrise du geste, mais des les premiers pas, je me sens attiré par cette spirale que je me dois de dérouler au mieux. Les jambes tiennent bon. Les tendons d'achille, encore fragilisés par les blessures, me font ralentir la cadence. Il faut au moins avoir exécuté une vingtaine de tours avant d'éprouver cette sensation de grandeur et de beauté de la trace. Le vingt quatrième mesurera autour de 45 mètres. Alors je pourrai offrir mon travail à la mer qui; dès son retour, s'en emparera en moins de dix minutes.
Je viens de terminer quand le Ferry rejoignant l'Angleterre, passe dans le chenal parallèle à la grande plage. Personne sur le pont. Dans une demi heure, il aura disparu derrière l'horizon.


Roger Dautais

samedi 16 janvier 2010





Les règles du grand Jeu...





Tu as l'impression que ta vie peut s'écrire sans effort, que de respirer, se nourrir, se déplacer suffirait pour exister, et voila qu'une envie de s'inscrire dans l'éphémère te prend. Alors, rien ne compte plus que d'exécuter cette dictée intérieure. Et rêveur impénitent, je n'échappe pas à la loi du genre, rien ne compte plus pour moi. Rien, sauf la mer, le bruit des vagues, la plainte lente et criarde d'une mouette agacée par ma présence, la course avec le soleil couchant qui mange ma spirale, l'inquiétude d'être dans le vrai officiel, l'orage qui menace et ce bout de ficelle dans le fond de la poche, dont il faut, obligatoirement faire quelque chose pour exister, là, dans la solitude du lieu. Inimaginable ce chantier à ciel ouvert, sans murs, sans frontières, sans but précis, inimaginable de mener cette vie improbable, et pour combien de temps. C'est toujours le mouvement perpétuel de la vie avec ses imprévus qui l'emporte et me laisse là,devant mes questions. Il faut si peu de choses pour que demain n'existe pas et si peu de choses, aussi pour rêver le monde autrement.
Demain, si je peux, je prendrai la route pour voir où elle me mènera, demain, je trouverai bien quelques pierres à monter en équilibre.Demain, je trouverai d'autres sables désertés par la mer, pour y tracer une autre spirale. Demain, mon bout de ficelle me rappellera l'enfance fugueuse et les caches de la vieille rivière, là où nous devenions indiens entre deux feux de solitude. Demain, j'inventerai pour toi, des rêves de quatre sous et demanderai à la terre d'arrêter de trembler pour que les enfants du monde puissent toujours y tracer des marelles. Demain, s'il y a demain, je continuerai le land art, pour exister à ma façon.


Roger Dautais
" Bout de ficelle "

LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS

vendredi 15 janvier 2010



Au peuple Haïtien...



Nègre colporteur de révolte tu connais les chemins du monde depuis que tu fus vendu en Guinée une lumière chavirée t'appelle une pirogue livide échouée dans la suie d'un ciel de faubourg
.

Jacques Roumain




.../

Nous rebâtirons
Copan
Palenque
Et les Tihuanacos socialistes
Ouvrier blanc de Détroit péon noir d'Alabama
Peuple innombrable des galères capitalistes
Le destin nous dresse épaule contre épaule
Et reniant l'antique maléfice des tabous du sang
Nous foulons les décombres de nos solitudes.
Et nous brassons le mortier des temps fraternels
Dans la poussière des idoles.




POURTANT

je ne veux être que de votre race
ouvriers paysans de tous les pays...
ouvrier blanc de Detroit péon noir d'Alabama
peuple innombrable des galères capitalistes
le destin nous dresse épaule contre épaule
et reniant l'antique maléfice des tabous du sang
nous foulons les décombres de nos solitudes
Si le torrent est frontière
nous arracherons au ravin sa chevelure
intarissable
Si la Sierra est frontière
nous briserons la mâchoire des volcans,,
affirmant les Cordillères
et la plaine sera l'esplanade d'aurore
où rassembler nos forces écartelées
par la ruse de nos maîtres
Comme la contradiction des traits
se résout en l'harmonie du visage
nous proclamons l'unité de la souffrance
et de la révolte
de tous les peuples sur toute la surface de la terre
et nous brassons le mortier des temps fraternels
dans la poussière des idoles ."


Jacques Roumain, citoyen Haïtien( 1907-1944) Homme de grande culture, il fut essayiste, ethnologue, journaliste, il écrivit de nombreux articles. En tant que Poète il laisse derrière lui : Bois d'ébène, Défense de la Race Noire, et comme romancier : la Montagne ensorcelée, le Fantoches, la Proie et l'Ombre,Le Gouverneur de la rosée.



Roger Dautais

mercredi 13 janvier 2010







à Marie-Claude, Epamin', Flo, Michelle et Jo
ces toutes nouvelles créations


Et puis en ce jour de deuil Haïtien, parce que j'aime ce peuple, sa culture, sa musique, sa littérature, ses peintres naïfs dont je me suis souvent inspiré pour faire travailler mes patients dans mon atelier d'art thérapie, j'ai choisi deux poèmes de Jean Metellus pour illustrer cette page:

Telle une houle brûlante

Impérieuse, insidieuse

La douleur

Captant et captivant toute l’énergie

Comme pour refouler un souvenir

Rappeler un égarement

Un manque d’attention

Une négligence

Un geste inachevé

Ou quelque oubli méprisé malgré ses spasmes

Semblable à un rappel

À la sanction de quelque légèreté

Ou d’une simple indifférence

La douleur plaide

Non pour le pardon de la faute commise

Mais pour la résurrection de l’esprit engourdi

De toute une aventure enfouie

Menace avec véhémence

La main frileuse et fragile

Généreuse comme une terre de promission


Toujours en alerte

La douleur

S’étend, se propage

Irradie et se fixe

Sans raison

Portant son message du centre de la paume

Jusqu’au bout des ongles

Effleurant os et cartilages

Tendons et articulations

S’essoufflant sur une ligne pour gagner un mont

Raclant le revers

Visitant les phalanges

S’assouplissant dans les plis

Où elle jette ses aiguilles

Pour s’éparpiller tout d’un coup

Comme une poussière aveugle

Sur des doigts mille fois meurtris par son passage

Et son spectre invisible

Investit tout l’espace de la main

Bonheur indicible de l’homme délivré

Délivré du doute grâce à la foi

Grâce à l’espoir

Grâce à la tendresse liée à la magie

À la magie suprême de la félicité

De la félicité qui s’exhale dans l’enchantement du Verbe

Du Verbe qui accueille tous les trésors

Ces trésors qui jaillissent des prières

Des prières qui labourent mes jours et mes nuits

Nuits distillant des oracles

Jours dessinant le chemin de l’avenir

Dénombrant les dentelles des mystères

Comptant les pas de danse

Danse de l’homme en fête

Dans cette fête où se perd sa douleur

Grâce au répit qui le rend à la vie


Jean MÉTELLUS

dimanche 10 janvier 2010






Il faut accepter de passer par des moments où l'on est incapable d'être créatif. Plus on accepte sincèrement, plus ces moments passent vite.


Etty Hillesum.



à Etty...
Les oiseaux de silence ont survolé la plaine, leurs yeux rivés sur une mer invisible. Ils palpent l'air glacé de leurs ailes. Je marche dans la neige depuis une heure. Il n'y aura rien d'autre que ma trace dans cette friche industrielle faite pour l'oubli des saisons passées... rien d'autre que ma trace et celle d 'un lapin de garenne, au moins aussi doué que moi. Le spectacle est en l'air, entre les flocons qui reviennent et un ciel plombé.
A ces oiseaux de silence, je leur demande d'emporter mon meilleur souvenir, loin d'ici, en Bretagne, vers celui qui s'éloigne définitivement, étranger à ce monde devenu trop blanc.

Roger Dautais

jeudi 7 janvier 2010





à Léa, Janine, Henri


Demain, c'est promis, je continue
...





Je me souviens d'un temps où je ne pouvais plus rien faire d'autre que de très petites installations. Blessé, une fois de plus, je me traînais de rééducation en zones de friches industrielles, et de marais en plages vides, comme un animal fragile. Je ne savais plus comment dire la vie. Les soirs de brume, revenant de mes travaux de land art qui n'intéressaient personne, je me demandais si j'avais plus d'intérêt aux yeux des experts en art que le clochard à ceux des passants. Regardant sa sébile, je me disais alors : tu es encore moins.
En cela résidait probablement mon reste d'humanité :être poussière d'univers, en marche... vivant, créant mais pour combien d'années.
Il m'a fallu aussi oublier d'attendre quelque chose, oublier qu'il y a plusieurs mondes dans le monde de l'art, et me persuader que cette marche solitaire ponctuée d'installations multiples ne prenait sens que la par la durée de l'expérience: 12 années à ramasser des cailloux, bâtir des étoiles pour les accrocher aux branches, douze années à tracer des spirales, tresser du lierre, voir flotter dans l'eau du canal la chevelure d'une ampélopsis vichii, à jouer avec les nombres, la géométrie, l'ombre et la lumière, les saisons, le doute, la recherche de ma vérité dans un land art toujours à redéfinir. Bien sûr, ça fait beaucoup mais ça continue à ne rien représenter aux yeux experts de la chose artistique.
Je vais vous dire que dans une société où l'on meurt de froid, sous un pont ou sous une petite toile de tente aux portes de Paris, ce que je vis a bien peu d'intérêt. Pour le moment, j'aime l'idée d'aller dans ma vie, le plus loin possible pour savoir comment cela se passe quand on est réellement vieux.
Entre temps, j'organiserai encore des expo et signerai sans doute de beaux projets, mais ce ne sera jamais la véritable réponse à cette cécité officielle à laquelle je me suis habitué.
Demain, j'aimerai revoir Matmata, le sud Tunisien, refaire du Land art avec les bèrbes du sud marocain. Demain j'aimerai retourner à la Cabo san Vicente, et retrouver mes frères portugais, carriers, demain je voudrai retourner dans les pentes du Grand Saint Bernard, installer sur les ïle Borromées, en Italie retrouver le chemin du Matterhorn en Suisse. Demain j'aimerai découvrir la Corse, demain, je voudrai qu'il soit, voyage, jusqu'à la fin en compagnie de Marie-Claude et oublier tous ces gens qui m'oublient.


Roger DAUTAIS
LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS

mercredi 6 janvier 2010




Una tarra ci hè


Una tarra ci hè per voi
Di lacrime d'invernu
D'ore chi vanu in darnu
E' di luce chi piglia fine
Toccu Sittembre, dolce cunfine

Una tarra ci hè per voi
Di sarre impaurite
Di caghji annant'à e dite
Omi in tana è frastoni
Quandu s'eincroscanu i toni

Una tarra ci hè per voi
Fragata da l' arsure
Brusgiate da e cutrure
Spusalizia d'Eternu
Tra notte è fede, e infernu

Una tarra ci hè per voi
Di mare, monde è disertu
Di sfide è danni à ch'ùn hà apertu
E calle di l'amicizia
Una tarra ci hè...Divizia !


Ce chant monte vers le ciel, emportant les voix Corses du groupe A filetta. à travers elles me parvient l"âme du peuple Corse et j'ai voulu leur rendre hommage en consacrant mes premières créations de land art de l'année 2010.




Inquiétante montée de pierres,
fragile équilibre,
éphémère voyage
s'élevant
comme un chant polyphonique,
fait de strates,
de vies minérales
éternelles,
comme si la mort
n'existait
qu'en songe...
Comme si la Terre
n'allait pas
tout ramasser
et la Mer,
tout brasser
avec les amours,
les naissances,
les départs,

les vies dures,
les jours sans pain...
Comme si le paradis
n'était pas un mirage,
mais qu' il fallait y croire,
à l'aube,
comme au temps de Pitchipoï,
malgré les nuits
sous la neige, et le froid qui tue,
aussi...
C'était quoi,
ces pierres arrachée
dans le froid de l'hiver
à l'estran,

entre deux vagues
sur une plage vide,
l'instant d'une marée...
Un équilibre,
un acte d'amour
un cadeau
un don à la Mère Nature,
un pont, entre mes rivages
et les galets de Nonza..
.Cela ne changera pas
le cours des choses,
ni l'exil d'Adil,
ni l'adieu de François
à son Afrique noire,
ni le froid persistant
de l'atelier de Driss
ni les larmes d'Ali
sur son pays en ruines,
ni sur ma peine
de voir partir mon père.

Mais il y a
dans ce chant de pierres
mon attachement
à la terre, pas à la violence,
mon attachement à la mer
pas au naufrage des guerres,
comme une sorte
de langue
secrète
à partager
entre

Bretons, Basques, Inuits, Corses,
une fraternité de poésie,
de pierre levée,
muette, brute, primitive,
minérale

qui veut dire,
présence,
trace,
vie,

partage,
émotion,
fraternité
dans une nature libre et respectée...


Voilà ce que voulaient dire ces pierres à tous les Corses qui liront ces lignes, afin de rendre hommage à leur peuple et à leur culture.


Roger Dautais
LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS

lundi 4 janvier 2010





Avancé dans la clairière de l’indicible
Presqu'à fleur de rêve
Comme une étoile perchée du silence
Comme la fièvre tamisée de l'amour
Comme un regard qui s'ouvre enfin

Avancé dans la clairière de l'indicible
Le doigt posé De l'éternité

Et cet homme qui l'a vu
Ne s'en remettra jamais
A la loi des hommes


Guy Allix




D'hier, il me reste le souvenir de quelques pierres soulevées, dans le froid glacial de Janvier,
d'hier, j'ai cet autre souvenir d'une flaque d'eau, morceau de ciel tombé ou fenêtre ouverte, sur les planches en bois d'une paserelle ne menant à rien sinon, une frontière. D'hier, encore cette étoile construite de mes doigts engourdis par le froid, encore et déposée comme un espoir de voir les hommes, abatre le mur de la honte et se réconcilier à Gaza... D'aujourd'hui, il me reste la lecture d' un poème de Guy Allix pour commencer l'année.
Que les vagues de la mer nous apportent une à une des temps meilleurs de fraternité, de créations, de silence aussi, dans ce brouhaha du monde qui ne se cherche plus et court à sa perte.

Roger Dautais
LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.