Lieu de mémoire : pour Marie-Claude |
L'enfant de l'ombre : pour Mémoire de Silence |
Coup de vent : pour Sole |
Le chant des pierres : pour Teresa |
Transition bleue : pour Anne Le Maître |
Savoir vivre : pour Patrick Lucas |
Sept raisons d'être : pour Isabelle Kramer |
L'amnésie de pierres : pour Jean-Jacque |
Guetteur d'avenir : pour Célestine |
Le frère du Gouyanzeur : pourLeeloo |
Le signal : pour Christineeee |
Cairn au lichen : pour Ana Minguez Corella |
La vie rêvée des pierres : pour Elfi |
Un jour à St Jean : pour Orfeenix |
La cabane du pêcheur : pour Chica |
Élytres |
Compléments : Christian Cottard |
Cairn à la vague : pour Synnöve |
Guetteur de la voie Romaine : Miss Yves |
Le monde n'a pas de
sens
c'est nous qui lui en
donnons un
Christophe André
Route 74;;;
Golfe du Morbihan
On le sait, la vie est
un éclair, comme le répétait François. Mais, je vais encore une
fois, tenter de partager quelques émotions avec vous et d'étirer le
temps qu'il me reste à pratiquer le land art. L'espace entre les autres et moi s'est agrandi durant ma maladie. Pourtant, j'ai toujours eu du cœur et de l'intérêt pour
l'humanité, ça oui. Et puis il me fait trop mal, ce cœur, à chaque
effort, pour imaginer que je n'en ai pas.
Afin de l’entraîner, je
marche chaque jour, par tous les temps. En ce moment, il est
souvent maussade. Ce jour là, je marche plein Est, empruntant un
des chemin boueux du Golfe du Morbihan.. A gauche, des pâtures, avec
quelques chevaux. A droite, la mer, en contre-bas de la falaise. Une
plage de sable granuleux. Des herbus. Elle est entièrement couverte
par les ramures d'un très vieux chêne. Je descends la falaise,
cannes anglaises sur le dos. Je rassemble les quelques pierres
disponibles sur la petite grève et les installe en cairn.. En principe, il est à
l'abri . La mer se chargera bien de le bousculer aux prochaines
grandes marées.
Je relève le col de ma
veste de quart et lève les yeux au ciel. Je tente une ultime
négociation :
« il pleut
depuis 12 heures, sans interruption, pourriez-pas chasser tout ça
d'un bon coup de vent ? Les bernaches vont finir par décamper
pour de bon. ».
Rien, aucune réponse. Le
ciel est toujours vide au-dessus de moi.
Je reprends la marche.
L'embellie a fini par s'établir alors que je suis trempé jusqu'aux
os ;
Ah ! Qu'il me fait
mal, ce premier pierrier. Pourtant, je suis comme un enfant
retrouvant son terrain de jeu. Il faut bien le constater, je n'ai d'enfant que les yeux et
le rêve, pas le corps. Pour ce corps, après bientôt 10 mois d'arrêt,
c'est catastrophique. Équilibre précaire, forces musculaires
fondues, douleurs aux tendons d'Achille, lombaires douloureuses. A
peine remis, tout ce petit monde me demande grâce. Pourtant, je
vais réaliser 5 cairns dans la plus grande douleur parce qu'il faut bien recommencer. Je dois
m'allonger pour réaliser certains cadrages photo.. J'ai le plus
grand mal, à me redresser, à me mettre debout. Je devrais
pleurer de rage. Je m’assois et découvre l'ensemble de mon
travail. J'y trouve matière à consolation, même si mes cairns
sont moins hauts qu'autrefois.. Tenir jusqu'à l'âge de 75 ans me
prendra autour de 320 jours . Je mesure la difficulté du défi.
De 'île de Stuhan aux
Sept îles
L'imprévisible se
découvre mieux au contact du sauvage, de ce qui m'échappe et
c'est à la mer que je vais le chercher. Je parcours le tombolo qui
m'éloigne du continent. La marche, la fatigue, l'oubli tricotent
ici, une nouvelle vie, jusqu'à perdre pied.. Résumer ma vie à cet
instant s'écrit en un mot : souffrance. Je dois la dépasser
où passer à autre chose. Si je n'ai rien à gagner dans ce récit
de vie, il témoigne que mon retour au land art, passe par cette
réalité et non par une autre voie
Le passage vers l'Île
change au rythme étonnant des marées. A cette heure, l'île se
fait engloutir en grande partie par les flots. Et si j'y restais,
qui viendrait me chercher dans ce lieu totalement désert. ?
Pratiquer le land art ici, n'est pas sans danger. Il faut le savoir.
Un flot impitoyable, poussé par le courant de la Jument, se charge
d'effacer toutes les plages. Il reste à peine deux mètres entre
l'eau et le trait de côte. Juste de quoi choisir entre les pierres
rescapées pour élever quelques cairns.
C'est ici que je trouve
le bonheur, près de mes pierres. Chaque cairn est un cri, une
victoire sur les flots.
Ici, je remets mes
angoisses à demain. Mon corps transpire, éreinté par l'effort. La
fatigue s'installe, m 'épuise. Encore une pierre, une autre.
J'abandonne le reste des pierres aux flots gourmands. Ne jamais
oublier le vent libre et cinglant de l'hiver qui souffle du large
et me glace le corps. Il est vital, je le respecte, il construit ma
mémoire pour le temps d'après qui approche.
L'enfant de l'ombre
Combien sont-ils, ces enfants en bas âge, arrachés de leur Afrique natale ? ballotés de groupe en groupe, puis un jour, jetés dans un bateau pourri, armé par des passeurs sans foi ni loi, pour atteindre l'Europe, Ils survivent comme ils peuvent. Quand ils ne perdent pas la vie dans un naufrage, ils arrivent à Lampedusa, ou ailleurs, ayant tout perdu. Il s'accrochent au premier adulte pouvant s'occuper d'eux et vivent dans leur ombre poursuivant l'errance. Je les appelle, les enfants de l'ombre. J'évoque leur destin fragile, avec quelques pierres, pour leur rendre hommage, pour dénoncer aussi, ce scandale qui n'en finit pas.
Roger Dautais
Plages lointaines
larges suaves
échouages d'horizons
commencement de la mer.
Robert Fred
Cascades
Éditons Gérard Guy