La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

jeudi 2 février 2017

Lieu de  mémoire :  pour Marie-Claude
L'enfant de l'ombre :  pour Mémoire de Silence
Coup de vent  :  pour Sole
Le chant des  pierres :  pour Teresa
Transition  bleue :  pour Anne Le Maître
Savoir vivre :  pour Patrick Lucas
Sept  raisons d'être :  pour Isabelle Kramer
L'amnésie de  pierres :  pour  Jean-Jacque
Guetteur d'avenir :  pour Célestine
Le frère du Gouyanzeur :  pourLeeloo
Le signal :  pour Christineeee
Cairn au  lichen :  pour  Ana Minguez Corella
La vie rêvée des  pierres :  pour Elfi
Un  jour  à St Jean :  pour Orfeenix
La cabane du pêcheur  :  pour Chica
Élytres

Compléments : Christian Cottard
Cairn à la vague :  pour Synnöve
Guetteur de la voie Romaine :  Miss Yves


Le monde n'a pas de sens
c'est nous qui lui en donnons un
Christophe André

Route 74;;;


Golfe du Morbihan

On le sait, la vie est un éclair, comme le répétait François. Mais, je vais encore une fois, tenter de partager quelques émotions avec vous et d'étirer le temps qu'il me reste à pratiquer le land art. L'espace entre les autres et moi s'est agrandi durant ma maladie. Pourtant, j'ai toujours eu du cœur et de  l'intérêt pour l'humanité, ça oui. Et  puis il me fait trop mal, ce cœur, à chaque effort, pour imaginer que je n'en ai pas.
Afin de l’entraîner, je marche chaque jour, par tous les temps. En ce moment, il est souvent maussade. Ce jour là, je marche plein Est, empruntant un des chemin boueux du Golfe du Morbihan.. A gauche, des pâtures, avec quelques chevaux. A droite, la mer, en contre-bas de la falaise. Une plage de sable granuleux. Des herbus. Elle est entièrement couverte par les ramures d'un très vieux chêne. Je descends la falaise, cannes anglaises sur le dos. Je rassemble les quelques pierres disponibles sur la  petite grève et les installe en cairn.. En principe, il est à l'abri . La mer se chargera bien de le bousculer aux prochaines grandes marées.

Je relève le col de ma veste de quart et lève les yeux au ciel. Je tente une ultime négociation :
«  il pleut depuis 12 heures, sans interruption, pourriez-pas chasser tout ça d'un bon coup de vent ? Les bernaches vont finir par décamper pour de bon. ».
Rien, aucune réponse. Le ciel est toujours vide au-dessus de moi.
Je reprends la marche. L'embellie a fini par s'établir alors que je suis trempé jusqu'aux os ;
Ah ! Qu'il me fait mal, ce premier pierrier. Pourtant, je suis comme un enfant retrouvant son terrain de jeu. Il faut bien le constater, je n'ai d'enfant que les yeux et le rêve, pas le corps. Pour ce corps, après bientôt  10  mois d'arrêt, c'est catastrophique. Équilibre précaire, forces musculaires fondues, douleurs aux tendons d'Achille, lombaires douloureuses. A peine remis, tout ce petit monde me demande grâce. Pourtant, je vais réaliser 5 cairns dans la plus grande douleur parce qu'il faut bien recommencer. Je dois m'allonger pour réaliser certains cadrages photo.. J'ai le plus grand mal, à me redresser, à me mettre debout. Je devrais pleurer de rage. Je m’assois et découvre l'ensemble de mon travail. J'y trouve matière à consolation, même si mes cairns sont moins hauts qu'autrefois.. Tenir jusqu'à l'âge de 75 ans me prendra autour de 320 jours . Je mesure la difficulté du défi.

De 'île de Stuhan aux Sept îles

L'imprévisible se découvre mieux au contact du sauvage, de ce qui m'échappe et c'est à la mer que je vais le chercher. Je parcours le tombolo qui m'éloigne du continent. La marche, la fatigue, l'oubli tricotent ici, une nouvelle vie, jusqu'à perdre pied.. Résumer ma vie à cet instant s'écrit en un mot : souffrance. Je dois la dépasser où passer à autre chose. Si je n'ai rien à gagner dans ce récit de vie, il témoigne que mon retour au land art, passe par cette réalité et non par une autre voie
Le passage vers l'Île change au rythme étonnant des marées. A cette heure, l'île se fait engloutir en grande partie par les flots. Et si j'y restais, qui viendrait me chercher dans ce lieu totalement désert. ? Pratiquer le land art ici, n'est pas sans danger. Il faut le savoir. Un flot impitoyable, poussé par le courant de la Jument, se charge d'effacer toutes les plages. Il reste à peine deux mètres entre l'eau et le trait de côte. Juste de quoi choisir entre les pierres rescapées pour élever quelques cairns.
C'est ici que je trouve le bonheur, près de mes pierres. Chaque cairn est un cri, une victoire sur les flots.
Ici, je remets mes angoisses à demain. Mon corps transpire, éreinté par l'effort. La fatigue s'installe, m 'épuise. Encore une pierre, une autre. J'abandonne le reste des pierres aux flots gourmands. Ne jamais oublier le vent libre et cinglant de l'hiver qui souffle du large et me glace le corps. Il est vital, je le respecte, il construit ma mémoire pour le temps d'après qui approche.

L'enfant de l'ombre

Combien sont-ils, ces enfants en bas âge, arrachés de leur Afrique natale ? ballotés de groupe en groupe, puis  un jour, jetés dans  un bateau pourri, armé  par des passeurs sans  foi  ni  loi,  pour atteindre  l'Europe,  Ils survivent comme  ils peuvent. Quand ils ne perdent pas la vie dans  un naufrage,  ils arrivent  à Lampedusa,  ou ailleurs, ayant tout perdu. Il s'accrochent au premier adulte pouvant  s'occuper d'eux et vivent dans leur  ombre  poursuivant  l'errance. Je les appelle, les enfants de l'ombre. J'évoque leur destin fragile, avec quelques  pierres,  pour leur rendre hommage,  pour dénoncer aussi, ce scandale qui n'en finit pas.

Roger Dautais



Plages  lointaines
larges suaves
échouages d'horizons
commencement de la mer.

Robert Fred
Cascades
Éditons Gérard Guy

Membres

Archives du blog

Qui êtes-vous ?

Ma photo
Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.