To the little black cat...
Il y a des jours où, croire à l'enchantement du monde, devient très difficile. Je prends alors la route avec l'idée d'y réussir à ma façon.
Tu te laisses prendre par le calme apparent de l'étang qui noie les poissons comme la parole d'évangile sortie des lèvres d'un pasteur, noie les foules idolâtres, autour de lui, sous un chapiteau bondé.
Les sagittaires fleurissent mauve. Est-ce par liberté ou pour reproduire à leur façon le chant muet des couleurs du monde?
Si je deviens aveugle, il me restera au moins en mémoire ce spectacle, si un ami veut encore bien m'amener dans ces lieux pour les toucher.Qui sera le plus perdant des deux ? L'aveugle au bord de l'étang écoutant l'ami lui parler du mauve des sagittaires ou la foule assemblée, regardant s'agiter le pasteur bedonnant, dans son beau costume de cérémonie, entre deux mauvais guitaristes ?
Quel est ce cirque auquel ne participent jamais les oiseaux, si ce n'est le notre ? Le grand melting-pot, l'immense bordel à ciel ouvert où chacun de nous fourmille parmi ses semblables, à la recherche d'un possible alibi, d'un passe temps avant de trépasser.
L'eau courante d'un ruisseau alimente et tient à niveau cet étang artificiel, sur le bord duquel je me suis arrêté, après une promenade à vélo, en compagnie de ma chienne fidèle, Morgane la Bretonne.
L'autre rive du ruisseau, je peux l'atteindre d'un saut, avec élan. Un peu comme si je prenais de l'avance sur ce qui m'attend, de l'autre côté du miroir. Nous sommes le 18 juillet 1999. L'armada du siècle descend la scène de Rouen au Havre devant des millions de personnes. Des spectateurs que nous avons décidé de ne pas rejoindre. M.C.et moi, n'aimons pas la foule.
Ici, petit ruisseau, petit débit, chant intime de l'eau, étang tranquille.
Là -bas, le fleuve large, gros débit, chants de marins et fiers trois mats. Éloge de la force et de la puissance, avec la mer au bout qui les attend pour les règlements de compte.
Sur les quais, des femmes promises à l'abandon, en larmes que d'autre hommes restés à terre, sècheront, perpétuant la vie des ports.
Deux façons de vivre sa vie , fluviale ou maritime. Mille façons de la voir, d'en prendre plein la vue ou de chercher le calme. C'est une question de choix. Pour moi, ce matin, ce sera le mauve des sagittaires.
Roger Dautais
à Marie-Claude...
Dans l'arrière pays de tes pensées profondes, coule l'eau en lacets, au gré des amours défaites. Filantes,les étoiles, dans tes cheveux épais, longs et noirs de jais, que jamais je n'aurai voulu abandonner pour caresser un autre corps, une autre vie. Mais je savais qu'un jour ne voulait pas dire, l'éternité. L'union de nos corps emportait l'âme et la raison dans un flot , rouge de colère, jusque après le dernier baiser. Signature de fer, brûlure au creux du ventre. Entre nous, les entrailles pendantes, l'agonie des nuits blanches.
Cavale, Jusqu'au rien. Jusqu'à l'infime raideur de ces corps défaits, en morgue. De tes cheveux épars, attendent le départ des étoiles filantes...Des rivières en eaux, des roseaux,coupés puis assemblés, en barque, afin d'y déposer ton corps. Je de viens alors, navigateur solitaire en partance pour l'arrière pays de tes pensées.
Roger Dautais
Ni étrangers ni goy ni gadgé ni horsain. Rien. Rien qu'un petit tas de cendres, futures poussières entremêlées de larles, au pire, d'oubli, au mieux. Qui ne saurait plus dire ici ou là ou peut-être bien , là. Présence fugace de l'image d'antan, vite oubliée dans les vins rouges et rosés servis à la régalade, bus debout, face au large, face à l'éternelle question : qui fait pousser les feuilles d'érable au Canada et les dépose sur le sable des plages, rejetés par la mer?
Hiver, printemps, unis dans cette poignée de poussière,homme et femme, pareils, sans sexe ni repos, sans couleurs ni regrets.
Une seconde, la proie des flots, puis la petite flottaison, juste pour que la raison s'imagine être la plus forte et après, l'étalement, l'ondulante descente dans les abîmes, comme un dernier coït.
Ni étranger, ni goy, ni gadgé, ni horsain, rien qu'une vague...Nous deux, mon amour.
Roger Dautais
Ces trois textes ont été écrits pendant l'été 1999, lors de sorties land art.