La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

samedi 27 juin 2015

Le signal  :  pour Umiko Okassan
La porte de Méaban  :  pour Guy Allix
L'appel de la mer :  pour Fumiyo Suko
Le silence des pierres :  pour Brigitte Maillard
Cairn aux truites :  pour Fanzeska
Rock balancing   :  pour Rick Forrestal
Cairn de  l'amont :  pour Anne-Marie Bodard
Le cri de Lampedusa  :  pour  Véronique Brill
Boîte  à mémoires :  pour Kriss Marty
Mandala d'été  :  pour Marie-Claude
Le cairn rose :  pour Henri Zerdoun
Suspendre le temps : pour Béatriz Macdowell
Neuf raisons d'atteindre le ciel :  pour LuceLapin
L'inattendue :  pour  Helma
Les enfants de Lampedusa  : pour Lune Mar




Route 72

à Marie-Claude


Boîte  à mémoires.
En ce  premier  jour d'été, une rumeur sans  importance occupe toutes mes  idées,  puis, la rumeur se fait mémoire. Je vais  pouvoir la mettre en boite du côté de Brec'h. 
Je suis en rupture visuelle avec la mer et je vis le mal  intolérable que provoque  une rupture. Ma prochaine direction sera  plein sud, pour la retrouver. En attendant, je pense  à ces cerises sauvages aussi immangeables qu'attirantes avec lesquelles je vais réaliser mes prochaines installations

Du côté de Carnac
Le temps est couvert, la mer, grise. Sa présence est rassurante. Chaque  pierre lourde posée sur le rocher, provoque  un écho dont le bruit  file sur  l'eau. Peu de  marcheurs  pour le moment. C'est vrai,  il est encore tôt. J'aime travailler en silence. 
Je n'ai pas entendu arriver cette dame qui me surprend en  train de terminer  un cairn 
- Je peux copier votre machin ? 
- Mon machin, c'est un cairn et pour le copier, comme vous dites, il faudrait prendre d'autres  pierres, essayer. Tenez, ici, vous allez le  photographier sous  un meilleur angle.
- Oui, bon,  on a pas trop le temps non plus.
Elle s'éloigne avec sa tablette préférée.

Je vois bien que mon land art questionne les gens. Je n'y suis  pour rien,je les mets devant  une réalité qu'ils n'imaginent pas trouver en se déplaçant dans le paysage. Si  personne ne voit mes installations,ce qui arrive, cela ne change rien à ma pratique. Au contraire, le regard sera toujours un   déclencheur personnel, d'approbation  ou de rejet donnant parfois naissance  à un échange entre nous.
Ces vingt derniers  jours  ont été en très grande partie consacrés  à la marche, à la découverte de sites riches en pierres,  à la construction de  nombreux cairns dont je vous  présente une petite partie, ici.

Je vous ai raconté comment je montais  un cairn, mais  il s'agit, en même temps de bien d'autres choses contenues dans cet acte.C'est ma vie qui va, qui s'use, qui s'approche du terme. L’urgence ressentie n'est ni calculée, ni  provoqué, elle est en  moi, dans mon vécu de chaque seconde.
Si  je  m'éloigne de la source  où je suis né, je me rapproche de la terre qui me porte, bouclant une bloucle qui dure depuis  longtemps.
L'urgence est de vivre dans la clameur d'un  monde en guerre et de suivre  mon chemin.  Si  j'évoque Lampedusa, en continuant cette série sur  l'exil, c'est que ce scandale des migrants devenus marchandises déshumanisées, n'émeut  plus grand  monde. Le commerce des armes est florissant, le sort de  l'humanitaire, en perte de vitesse.

L'entre-deux  mondes
Serais-je en prise avec  mes brumes  intérieures qui me séparent des autres? Le solstice d'été est passé,  universel, sur les alignements de menhirs de Kerkado. Au  plus  profond du dolmen du Mané Lud,  j'ai repris  une poignée d'air, issue de la terre,  pour  mon cœur malade. J'ai assemblé des  pierres, les deux pieds dans  l'eau du Loc'h pour donner corps à ces êtres magiques, guetteurs aux lisières humides de  l'entre-deux mondes. Rien  n’arrêtait la barbarie du dessus, je n'avais que l'eau pour sécher mes  larmes et reprendre le chant sacré de la rivière.

Roger Dautais



Je suis  un gardeur de  troupeaux

Le troupeau ce sont mes pensées
et mes pensées sont toutes mes sensations
je pense avec les yeux, et avec  les  oreilles
et avec les mains et avec les  pieds
et avec le nez et avec la bouche.

Penser une fleur c'est la voir la respirer
et manger un fruit c'est en savoir le sens

C'est  pourquoi lorsque par  un  jour de chaleur
je me sens triste d'en jouir  à ce  point
et couche de  tout mon  long dans  l'herbe
et ferme mes yeux  brûlants
je sens tout  mon corps couché dans la réalité
je sais la vérité et je suis heureux.

Fernando Pessoa

Le gardeur de troupeaux
Poésie/ Gallimard



Cécile

Ma  mère la simple  l'ordinaire
agence le quotidien de la parcimonie
des actes  humains

Il  pleurt de  l'averse
sur les toits d'Amsterdam

Il  buisse un  poème
de mes doigts quise damnent

ma mère  pose son cou de dame
à la surface de  l'écrit.

Serge Mathurin Thébault
AA
Editions@rt.chignaned

mercredi 10 juin 2015

Dialogue de sourds  :  pour Christian Cottard
Haïku :  pour Danièle Duteil
Echo de Lampedusa  :  Pour Marie-Josée Christien
Les frères de la côte  :  pour  Juliana
Le guetteur de marée  :  pour Marty
Fenêtre sur les dormantes  :  pour Arlettart
Vers  l'au-delà :  pour Thibault Germain
L'appel  noir  : pour Ceciely
Identité Breizh  : pour  Patrick Lucas
Mandala de la cabane du pêcheur :  pour France
Franchissement  : Pour Maïté/Alienor
Grand cairn de St Jean : pour Inès( Magia da)
L'appel du large :  pour Remei
Zen ,  l'heure bleue :  pour Marie-Claude
Hommage au Loc'h : pour Marie
Rêves rouges  :  pour Gil Zetbase
L'adieu  : pour Thérèse

 Route 72
 Être d'ailleurs et le rester, parce que, maintenant, l'ailleurs  s'impose. 
Je me tiens au bord du monde.



Répit
La côte est déserte. La mer est turquoise pour m’accueillir sous  un léger voile de brume. C'est ici que je reprends la route 72; La mort s'est invitée  à notre table. Nous avons mesuré notre  impuissance et le poids du destin à faire pencher la balance.On ne pouvait qu'espérer. Elle nous a laissé gagner. Merci.

Ce qui échappe
Insituable, cette rencontre entre cinq pierres  jointes par l'eau de la rivière. Ce cairn est né dans l'absence, le vide. J'avais fini  par perdre  pied dans cette violente  peine qui m'écrasait.

Lampedusa
J'aime cette transformation  lente qui  part d'une obsession et se termine par  un constat : une fois dressées contre le scandale, ces  pierres sont douées d'une  lucidité farouche. Deux heures de ma vie consacrées  à prolonger ce cri d'indignation dans la  plus parfaite  indifférence. La semaine passée, 4500 vies  ont été confiées entre les mains des passeurs.

Je suis  où,  à présent ? Rester ici, en attendant que la mer  monte, remplisse l'espace déserté par elle, me semble la meilleure solution. Un sentiment de  plénitude m'apaise jusqu'à me lier avec  l'espace. Les  premiers cairns seront de  pure consolation, n'en déplaise aux  juges. Les autres viendront pendant la période de convalescence.

La brume s'accroche  à  l'océan, au ras de  l'eau. Au lever du jour, elle s'effilochera pour que la lumière advienne. Dans  l'instant  présent, elle devient belle compagne de mes travaux fragiles.

J'ai  l'impression que le ciel est devenu  plus  lointain,  plus  profond,  plus haut pour me laisser de la place. Je gagne en respiration ce que je perd en sentiment de  proximité avec  lui.

Le balancement des  pierres n'est pas évident,aujourd'hui. Elles résistent et je serais bien mauvais perdant, si, je leur en voulais,  une seule seconde. C'est  une évidence, la lenteur de mes gestes, s'impose, si je veux réussir à élever quelques cairns aujourd'hui.

Marcher, écarter les ronces, fouler le sol en soulevant de la  poussière, se baisser, cueillir, ramasser, tous ces gestes simples sont capables de refléter le monde. Il faut en être conscient. 
Affronter  mon destin en marchant, sans cesse, vers  l'accomplissement.

Je grave d'un  pied assuré,  mon identité dans les sables de Locmariaquer. La spirale se déroule bien malgré quelques difficultés dues  à la qualité du sol, à la pente de la plage. Une heure trente plus tard, je boucle cette spirale dans la solitude. Le soleil est pâle, la lumière, très  moyenne, comme la photo. Ce qui compte    après tout, c'est d'être  là,  à  l’œuvre, malgré tout ce qui s'est passé.

Être d'ailleurs et le rester, parce que, maintenant, l'ailleurs  s'impose. Je me tiens au bord du monde.

Roger Dautais


Merci à tous les lecteurs qui  m'ont encouragé  par leur lecture et  pour certains, par des commentaires très touchants pendant ces cinq semaines de pause du Chemin des Grands Jardins.


Permanence

Ainsi l'aurore
sera-t-elle toujours au rendez-vous
alors que les hommes
se  trahiront
que d'autre fraterniseront
et que  les  oies sauvages
continueront à ne pas se tromper de chemin

Isabelle Lagny
Extrait de " Le sillon des jours"  Editions Le Temps des Cerises  2014

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.