Silence, le plus digne hommage !
Quel tumulte d'amour emplit jamais le très profond silence ?
Victor Segalen
Je pense pas que les pierres soient arrivées sur terre pour devenir objet de lapidation et qui les regarde de la sorte n'est pas de mes amis. J'ai passé beaucoup de temps en leur compagnie et même si je m'en suis éloigné pour un moment, je ne les ai jamais oubliées. Enfant de la guerre, je jouais dans les décombres des bombardements et je pense que ces terrains de jeu accidentés ont développé en moi, le goût des pierres.
Je me souviens de mes premiers pas en land art, avec des travaux sur une plage. Je les trouvais intéressants, bien sûr, mais toutes ces pierres qui me tendaient les bras, ne restèrent pas longtemps hors de ma portée. Mes premiers cairns ont très vite pris de la hauteur. J'ai appris les lois de l'équilibre et celles plus cruelles de l'échec. De ces petits cairns de 50 kilos, je suis passé aux élévations monumentales, deux mètres, deux mètres cinquante, trois mètres, trois mètres vint. Je me suis arrêté là après être tombé plusieurs fois de l'échelle, les bras chargés de pierres. Il fallait en remuer des tonnes, jusqu'à dix pour les plus grands avec une circonférence de base approchant les quatre mètres. J'étais jeune, je n'avais que 64 ans à cette époque et pas grand chose ne m'arrêtait encore. Aujourd’hui, c'est différent.
J'ai parcouru les plus profondes carrières de la région, prenant des risques inouïs, pour aller cher l'endroit, le plus beau, le plus sauvage et travailler des week-ends entiers, sous les cris des petits rapaces volant au dessus de ma t^te, en plein soleil. Je n'étais relié au monde que par mon téléphone et Marie-Claude qui aurait déclenché les secours en cas de besoin.
J'ai beaucoup travaillé autour des fleuves et des rivières, glissant dedans en plein hiver, parfois et continuant d'installer, jusqu'à la fin de la journée, bien mouillé. Ce contact avec l'eau me révélait ma propre constitution et une certaine fraternité entre elle et moi. Je n'aurai pas supporté un pays sans saisons bien marquées, sans les ressentir dans mon corps, avant de créer quoi que ce soit.
Mais le cairn qui me reste en mémoire c'est bien celui élevé à la barbe des militaires en arme, au pied de la plus grande des pyramides Égyptiennes, Khéops, avec l'aide de Marie-Claude qui guettait leurs mouvements pour que je ne fasse pas embarquer. Et à l'époque, ça ne plaisantait pas car nous n'étions qu'à quelques mois de la révolution d’Égypte. Je tenais à déposer un hommage à Khéops mais aussi à tous les constructeurs de cette merveille du monde, et je l'ai fait.
Je n'ai pas vu la mer depuis longtemps, mais je suis comme ces guetteurs de la première image, je garde le bel espoir de retrouver ses mouvements grisants, ces couleurs irremplaçables et sa présence que rien ne remplace. En attendant, j'ai remis la machine à rêve en route, et garde l'espoir de retrouver mes plages an plus vite, lorsque je serai réparé.
Je vous remercie de continuer à venir nombreux sur LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS déposer des messages amicaux qui me soutiennent et me touchent beaucoup.
Roger Dautais
LA SOURCE DU TEMPS
Silence, le plus digne hommage !
Quel tumulte d'amour emplit jamais le très profond silence ?
Victor Segalen
Dans le jazz du vent
arborer un nouveau langage
en écho du silence .
De la vacuité
plein les godasses
suivre le chant
qu'offre l'ombre
à fleur de peau.
Remuer au plus profond de soi
la légende
sous l'écorce
Déventer
la fauvette de l'air.
A la source du temps
se décoller du visible
Visiter les songes
jusqu'à plus soif
de l'essence.
Saisir par l’œil
les combustibles translucides
que seules les rumeurs nourrissent.
Le sanctuaire au goût huitrier
de la parole
saisira l'alphabet
de la genèse
comme l'incantation
d'une pureté à venir
Louis Bertholom