Toute une vie de chat et plus : pour Maé |
Apaiser l'esprit des eaux : pour Marie-Claude |
Kerpenhir : spirale pour Maé ( phase II ) |
Un monde à part : pour Béatriz Cunha |
La résistance au nombre : Pour Serge Thébault |
Le chant des cupules : Pour Albane Gellé |
Terre inondée : pour Gérard Bonemaison |
Partition pour un merle moqueur : à Ana Minguez Corella |
Epidemic dream : pour Erin |
Voisinage : pour Lucas Moreno |
L'orange bleue : Cécilia |
Côté face : pour Denise Scaramai |
Parenthèse
Il pleut sur Kerpenhir. Encore une fois, l'océan va se déchaîner quoiqu'on fasse. Une nouvelle tempête est annoncée pour cette nuit. Est-ce une raison pour en vouloir à la mer ? Non. Enfiler une paire de bottes, mettre un ciré, marcher sous la pluie, je sais faire. Travailler sous des trombes d'eau, subir les rafales du vent qui ne permettent aucun travail, c'est douloureux. J'ai pourtant, pendant ces quinze jours derniers, j'ai trouvé de rares éclaircies pour réaliser quelques installations land art, malgré une santé encore moyenne.
Ce jour là, il fait relativement beau sur la côte et pourtant Maé vit ses dernières heures. Je décide de créer une spirale qui portera son nom. Il me reste presque deux heures avant la marée haute. Je débarrasse les sables de gros paquets de goémon qui ralentiraient ma progression dans son tracé. Malgré les grosses pluies de la nuit dernière,malgré la tempête, les vagues, le fort coefficient de marée, le sable est relativement souple et se travaille très bien. J'ai bien en tête, le rythme à suivre, celui de ma respiration, la profondeur du sillon à tracer, l'écartement entre les tours. La plage est en pente. Je connais cette difficulté qui va me ralentir en montant et accélérer en descendant. Il faut adopter une vitesse moyenne si je veux une spirale parfaite, car chaque changement de rythme se ressent et se voit. Ainsi, dans la partie basse, je dois assurer le volume du sillon en renvoyant le sable sur la gauche avec la pointe du pied tandis que le talon creuse. C'est le mouvement le plus difficile à coordonner. Lorsque je reprends mon souffle, je suis parfois, face au large, parfois, face à Kerpenhir et Port-Navalo. Le lieu est d'une beauté à couper le souffle. Il est parfait pour ce dernier hommage à Maé.
Les vagues s'allongent et livrent des algues fraîches aux courlis qui sont à la fête et trouvent leur pitance, assez facilement. J'aime cette compagnie des oiseaux de mer quand ceux-ci m'adoptent et m'autorisent à les côtoyer.
Alors que je débarrasse le bas de la spirale de trop gros tas de goémon, dos à la mer, une vague plus forte que les autres, fait une avancée de cinq mètres et je me retrouve dans l'eau jusqu' aux genoux. Je pense : bien joué. Ce n'est pas très chaud mais ça sèche.
Le soleil fait une très belle apparition pour saluer mon travail et je le remercie. Je peux maintenant reprendre la route.
à Marie-Claude
. La vie s'écoule et s'inscrire dans les silences, les respirations du temps, l'oubli, n'est pas chose facile.
Dans nos galères, nous avons attendu en vain, les autres saisons, celles qui manquaient, qui se faisaient porteuses d'espoir. Mais rien n'a jamais pu arrêter la vie.
Un jour, je trouvais qu'il manquait une couleur à ta voix, un autre jour, le bleu de tes yeux virait au gris. Pourtant, avec tout ce que je n'étais pas, toutes mes imperfections, je n'ai jamais désespéré ni douté, te retrouver, à chacun de mes départs.La Nature me parlait de toi, me ramenait à toi, dans ses moindres détails.
Je pense l'avoir déjà écrit, la solitude habitée, n'est pas pour arranger les choses. La gamberge ne s'arrête pas. Aucune thérapie ne peut l'éradiquer. La progression d'aujourd'hui se fait avec des souvenirs de hauts murs, de cris entendus, de descente aux enfers qui émergent dans les moments les plus inattendus. Cauchemars aux mains de noyés agrippant l'air, puis m'empoignant pour me faire sombrer avec eux.
Pour tenter de m'éloigner de ces zones sombres, je me lance dans la cueillette de hampes de fougères, afin de compléter ma collection de Décembre dernier. Autant à cette époque, du côté des dolmens de Crucuno, du Mané Cro'h, du Mané Braz, elles étaient de couleur orangé, autant maintenant, vers Kerplouz ou Baden, elles ont viré au brun, parfois, à l'acajou, quand ce n'est pas noir.Elles sont devenues plus fragiles mais tellement belles. Je récupère aussi, en chemin des baies de cotonéaster, et quelques boules rouges sur les ruscus, aux feuilles toujours aussi piquants. Ce travail prend du temps, mais me permet d’écouter le chant des oiseaux, moins fréquent en hiver.
C'est avec toute cette récolte que je pars en installations dans les petits étangs de Goëtazouz et Kergroix. Tout est plus compliqué, car le vent tombe rarement et je dois trouver des endroits abrités. Mais quel bonheur lorsque j'arrive à stabiliser ces petites installations, à capter un morceau de ciel dans ces fenêtres de l'entre-deux mondes, accompagné par le chant d'un merle qui me rappelle aussitôt, la présence de mon père. J'avais aimé partager avec lui, ce travail de la terre, l’horticulture, la précision des séances de semis, de repiquage, de rempotage. Comment ne pas l'associer, depuis qu'il n'est plus, à tous ces gestes, ces postures d'un corps vieillissant, penché sur la terre, avant de la rejoindre à son tour ? Il n'y a rien de triste dans cette démarche et ces moments de création sont au contraire d'une vraie joie, exprimée avec le peu, mais dans la plus grande intensité, sans autre besoin.
Je ne sais pas si cela peut se partager. Je ne crois pas.
Je ne sais pas si cela peut se partager. Je ne crois pas.
L'essentiel n'est pas dans le détail de chaque travail, il est bien dans l'inscription à long terme et dans cette envie de vivre ainsi, loin du tumulte.
J'ai rejoint le silence, mon silence. J'attends le prochain départ, avec le désir d'oublier tout ce que je sais du land art, tout ce que j'ai déjà fait ,avec l'intention de laisser la Nature me proposer, d'autres pistes, d'autres inspirations.
Probablement, je vous en montrerai quelques unes, si tout se passe bien. Enfant, j'aimais l'école buissonnière. je n'ai pas beaucoup changé.
Roger Dautais
Noyau central
Lorsque les mots parviennent à leur sommet
Ils ont déjà brûlé
Le texte s'écrit
Dans les ponces et les basaltes
Je ne sais rien e ce que je suis
Je ne connais que les scories
Où va le doigt sur le chemin des signes
Obstinée à la phrase
Puisatier du verbe
Je n'ai de lien qu'avec l'opaque
Consumée- c'est toi qui portes le feu.
Claude LOUIS-COMBET
"Petite géologie du cœur " in Le Petit Œuvre Poétique.