à mon père...
C'est l'été, enfin, sur le calendrier. Bienvenue à cette nouvelle saison et que la vie continue. Je me souviens avoir pris tellement de fois la route, sac au dos, traversé tant de saisons et pratiqué le land art pendant de longues années à ne plus savoir, justement ce qu'il me restait à faire. Je me souviens d'avoir ouvert un blog pour montrer mon travail parce que j'étais lassé de toutes ces expositions auxquelles je ne croyais plus trop. Alors j'ai reçu des visites, lu des commentaires élogieux ou critiques, pris des leçons de petits maîtres qui d'ailleurs donnent des leçons à tout le monde pourvu qu'on les vénère et les appelle : maître. J'ai reçu la visite d'artistes, photographes, peintres, écrivains, d'autres qui étaient simplement des êtres vivants et aussi respectables. J'ai tout lu et j'ai essayé de comprendre ce que voulaient dire leurs mots, parfois leur fidélité au Chemin des Grands Jardins. Cela m'a appris des choses mais je reste toujours dans la même incertitude par rapport à ce que je devais faire demain. Alors, je vagabonde au travers de mes routes parcourues, une sorte d'école buissonnière d'où je ne sortirai ni indemne ni meilleur mais qui me permet un choix aléatoire de petites installations a vous présenter pour fêter l'arrivée de l'été. Comme j'avais eu du mal à travailler sur cette mare couverte de lentilles d'eau, presque autant que de plaisir, pour ouvrir une fenêtre triangulaire et poser quelques fleurs de pois de senteur sauvages, parce que le vent me dérangeait mes plans. Mais comment lui en vouloir, au vent, il était chez lui ! Et cette ponctuation de marrons sur la route, l'été, entre solitude et solitude, avec des rêves de retrouvailles qui m'embrouillaient les idées. Plus tard, cet arc de pommes miniatures, offert au fleuve et ces trois cercles réalisés pour orner la roselière du plateau. L'oiseau de pierre, je l'avais fait, tombé, bec au pied de la falaise pour ne pas oublier tous ceux que j'avais trouvés morts sur la plage et enfouis, a chaque fois, par dignité par amour pour les oiseaux. D'où tenais-je donc tous ces rituels ? Et puis une fois, dans ce petit parc aux bambous de la grande ville voisine, j'avais transformé des chatons en mygale, pour le geste, pour les frissons aussi, pour le jeu, tout simplement. Il me fallait terminer cette série par un choix parmi ces milliers de photos et je me suis arrêté sur la dernière en lui donnant une légende : souvenir pour un printemps défunt. J'avais organisé une sépulture pour cette saison, sur une ile imaginaire dont j'avais tracé les contours avec des fleurs de gynerium cueillis non loin du marais, pour donner du panache à cette dernière demeure. Et j'ai vu cette île s'éloigner dans mon rêve. Lorsque je me suis éveillé ce matin, une autre saison l'avait remplacée. Comment oublier aussi que pour une première fois, de ma vie, je ne pouvais plus appeler mon père pour lui parler de l'été, comme je l'avais toujours fait jusqu'ici.
Roger Dautais
Haïku
Seulement ce chemin
où je marche seul.
Taneda Santôka
Vague à l'âme_
je bois un peu d'eau
et je reprends ma route.
Taneda Santôka
Le matin commence -
mort d'une mouette
qui pique dans l'océan
Kanedo Tôta
Juin coule en pluie -
la solitude
suinte des murs
Hoshinaga Fumio