
"Rien ne me consolait de cette soudaine solitude, pas même le cri des petits rapaces au dessus de ma tête, ni ton souvenir. Je décidais d'élever un cairn, dans cette zone rocheuse de la carrière abandonnée. Une fois élevé sur une de mes " pierres de silence" , le cairn avait fière allure. Il garderait le souvenir de mon passage, ici, et serait le gardien des lieux, pendant plusieurs années, probablement, si les chasseurs le laissaient vivre sa vie . Je me suis mis à ramasser des brindilles sèches. Je les ai disposées au pied du cairn, puis j'ai allumé ce feu de solitude.
Autrefois, à Brest, dans la lande qui surplombait la Penfeld, en compagnie de Lola, tu pratiquais le même rituel, Fils, pour que la nuit soit moins longue, pour qu'elle revienne vite, cette femme aimée, pour combler ton attente, aussi. Rien ne changeait donc, sous ce ciel plombé. Il me fallait, encore et encore, renouveler ce rituel. J'ai suivi des yeux, cette fumée s'élever dans le ciel, traverser le territoire des petits rapaces et monter à la rencontre de la nuit. Bientôt, elle m'envelopperait,jusqu'à la cécité, sur le chemin du retour.
Roger Dautais
" Murène des falaises "
LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS