La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

mercredi 19 février 2020

" L'échelle de Jacob " pour Maria-DoloresCano





Ce qui donne un sens à notre comportement à l’égard de la vie, est la fidélité à un certain instant et à notre effort pour éterniser cet instant.
Mishima
Le pavillon d’or.
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À Marie-Claude.
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Parenthèses bretonnes.
Le tout ne devait pas se résumer à une pratique du land art, sans convictions, mais bien de le mêler, intimement à ma vie.Il m’avait ensuite fallu inventer un langage singulier. Il ne devait pas trahir ma pensée. Le cœur restait le maître du jeu. Si le partage s’avérait possible avec quelques-uns de mes semblables au début, mais dont le nombre grandissait, c’est qu’un passage existait bien entre la matière et l’esprit. Quelque soit le résultat, sans amour, le jeu se serait vite arrêté.

Entre deux absences de toi, un grand vide entourait ma vie.
Je marchais, ce jour là, droit devant, face à la mer, pour rejoindre une partie de l’estran, dominée par de beaux rochers. La journée s’y usait, après le tour de l’île de Bréat. La lumière aussi. Me restaient des quantités de pierres libres. De quoi monter une échelle de Jacob.
L’hiver de ma vie, je le partageais entre toi et la marche. A chaque départ sans toi, je te quittais, emportant ton sourire en mémoire.J’ose le blasphème, un viatique.
Le land art, surgissait ou pas, selon les idées, les rencontres avec le paysage, la lumière, mon humeur aussi. Labile, disaient les langues bifides.
Le soir, en rentrant, , nous avions ce même rituel de nous asseoir à la table de la cuisine, se racontant notre journée. Fatiguée par ce voyage ou je t’entraînais à pratiquer le land art, comme sur les immenses plages normandes, tu avais décidé, ce matin, de m’attendre à Paimpol, dans notre gîte provisoire.
Mon destin faisait de chaque absence, un homme perdu par le passé d’une jeunesse détruite, dont je ne pouvais guérir.

L’estran respirait, racontait son histoire. Ici, à gravage, dans les siècles passés, de lointains ancêtres naufrageurs, se nourrissaient mal, des restes de naufrages. Tout était en mémoire dans ces pierres libres. La terre bretonne sur laquelle je marchais, avait accueilli des familles de marins-pêcheurs, de paysans, tous plus pauvres les uns que les autres, dociles ou révoltés, croyants ou athées. Ils s’étaient aimés, avaient fait des enfants que la mer parfois leur enlevait. Un passé de plomb qui ne deviendrait jamais, dentelle précieuse. Le pain dur ne se couvrirait pas de caviar. Mais, la pauvreté se vivait fierment.

Chaque pierre levée représentait cette fierté de mon peuple dont le sang bohémien, avait essaimé sur tous les continents. Youenn Gwernig l’écrivait, la chantait, cette fierté bretonne, la partageait avec Jack Kerouac. Tous cousins, on disait, chez nous. Mon sang bohémien, mon sang noir, puisé au plus profond de nos terres de la même couleur, ma peau halée, affichaient mes origines.
De quelles bouches sortaient les mensonges, trompant tout un petit peuple, pour nous enrôler. La misère existait toujours, aujourd’hui, sous d’autres masques. Mais également, cette joie de vivre populaire que j’exprimais dans cette échelle de Jacob, triomphante

L’estran désertique chanterait jusqu’au recouvrement total de l’échelle de Jacob, par les eaux salées de la Manche. Puis, le faux silence, régnerait, dans cette marée montante. Pas de harcèlement. Un combat à la loyale. Le futur serait vécu, ensemble, dans la chute et dans le bruit mat des pierres qui s’entrechoquent pour rejoindre le fond de l’eau. Sans rancune.
Elles rejoindraient la saignante multitude des vies brisées, dans le grand silence.
Je serai déjà loin, marchant seul sur mon ombre pâlotte.
Ah ! l’affreuse mort que de disparaître seul !
Mais, je n’y étais pas encore et ma nostalgie me rapprochait de toi, femme aimée.
Je n’étais pas une légende. Les légendes ne marchent pas.
J’étais un vieil amoureux perdu sans toi., n’attendant qu’une chose : tes bras.
Roger Dautais
Route 78
Dernières notes pour le chant final.

Photo : création land art de Roger Dautais
«  L’échelle de Jacob »
Côtes d’Armor - Bretagne
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Tout juste ici laisser un peu de traces errantes
dans la terre. Un peu de poussière dans
le vent.
Humblement.
Guy Allix *

Survivre et mourir
Éditions Rougerie - 2011


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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.