Fleur de Kerpenhir : Pour Marie-Claude |
L'adieu : à Jean Clément |
Cair,n de la sérénité : pour Kris Marty |
L'écho de la mémoire : Pour Ali Badri |
La parole donnée : à Marie-Josée Christien |
L'appel de Méaban : à Pierre Boyer |
Les trois frères de Locmariaquer : à mes frères Jean-Pierre et Jacques |
Hommage aux Pierres Plates : Pour Elena Nuez |
Libération : pour Pastelle |
L'enchantement des cupules : Pour Camino roque |
Le bout du tunnel : Pour Thibault Germain |
La métempsychose des fougères : Pour Isabelle Jacoby |
Les cinq raisons de l'heure dite : pour Remei |
Le chant de fumiyo : Pour Fumiyo Suko |
Le triangle de Gourvanzeur
Après ce long hiver éprouvant, semé de tempêtes et de doutes, irais-je ainsi, droit devant moi, jusqu'à ivresse de l'absence ? Faut-il aller tutoyer les zones d'ombres de la mémoire et prendre le plus obscur des intersignes comme une révélation, un cap à suivre ? Marcheur inguérissable, bardé de certitudes trop floues pour qu'elle deviennent un jour autre chose que des pensées inutiles, je charge à nouveau ma vie future de m'apprendre tout en matière de land art.
L'assemblage des vides est, certes passionnant et la matière première ne me manque pas.Chaque trou de mémoire est une chausse-trappe qu'il faut savoir éviter pour continuer l’aventure. Entre la leçon non apprise, les livres que je n'ai pas lus, le montage couturier des manques et des vides peut me faire une belle couverture pour le reste de l'hiver, façon patchwork.
Je cherche des silences pour cimenter l'amitié qui se délite, je rêve de retrouvailles souhaitables sans jamais les réaliser et puis, au bout du compte, je reprends le rythme des jours ouvrés.
A moi les cueillettes sans fin de pierres à assembler, pour garder la main, sans autre programme. Cela me paraît acceptable pour le moment.
Je trouve dans ces répétitions de travaux de quoi aller plus loin, quitte à en faire parler les chemins creux qui je nomme les muets, les taiseux.
"Quand la musique est belle", chante Goldman...Belle, belle belle.
Oui mais, quand la musique n'est plus là, présente, évidente, il faut bien se mettre à l'ouvrage et attendre que la nature vienne réveiller en moi, cette envie qui sommeille.
C'est ce que j'ai vécu, dans le triangle de Gourvanzeur.
Imaginez un carré de nature de 300mètres de côté, tracez une diagonale et, dans le triangle de droite, vous trouverez ce qui m'a inspiré, ce jour là. Tout d'abord, trois routes passantes, dont une en herbe. Un étang qui s'échappe par le Nord, passe sous la première route, débouche dans un lavoir ancien, envahi par les herbes sauvages. Un ruisseau nait de ce lavoir, côtoie une petite source maçonnée, et rejoint un second ruisseau, plus important. Leurs eaux mêlées passent sous la deuxième route, herbue, celle-ci et se jettent dans un troisième ruisseau, vers le nord-Est. Dans ce territoire triangulaire, tout n'est que flux , eaux mêlées, routes, passages, échanges, frémissements, chants de merles, vie, renaissance. Il ne faut pas en sortir, se fier au magnétisme du lieu. Je démarre mes travaux au nord, puis je rejoins, le sud, explore l'ouest et l'est. Je saisis chaque instant, entre dans le rythme, installe, installe et installe encore, oubliant l'heure, le jour, le temps. Mon histoire du jour, est géométrique, parle d'Orient, de prison, d'évasion, de métempsychose des fougères acajou. Tout ceci se mène dans le calme d'un travail soutenu et solitaire qui me conduit à l'oubli à l'occultation du reste.
Plus de paysage, plus de pays au-delà de ce triangle, simplement des perceptions, des ombres, des eaux limpides et leur mémoire à portée de mains, des pierres solidaires, une herbe qui sent encore l'hiver et les cadavres de centaines de cupules que le froid et l'humidité auront noircies, calcinées, préparées à la disparition dans l'humus, au pied des grands chênes.
L'intensité de ces partages avec la nature accueillante, ce jour là, en mouvement, est vécue comme un voyage sans fin où les rôles s'inversent. Je me sens porté par l'idée naturelle de me sentir moins important que la plus petite des brindilles, la moindre pierre au fond de l'eau. Toute ma vie résumée dans ces instants rares et sacrés, comme une approche du bonheur partagé entièrement avec la nature, lorsqu' aucune autre pensée ne s'accroche, lorsque le lâcher-prise devient l'essentiel.
Il y a toujours au autre jour.
Le dolmen des pierres plates de Locmariaquer, fait face à la reine des solitudes. Méaban, en Mor Braz, garde toute son attirance sur moi avec ce grand menhir, gardien des lieux, amer pour tout marin venant de l'Ouest et faisant route vers la Pointe de Kerpenhir. Je ne passe jamais devant lui sans lui adresse une tape amicale et visiter ce remarquable dolmen de 25 mètres de long
Méaban , je rêve de cette île dont la silhouette me rappelle celle de Césembre au large de Saint-Malo. C'est donc, tout à mes pensées d'exploration que je me lance dans une série de cairns qui vont me valoir, ce jour là, de belles rencontres. A part le poids des pierres bien sûr, je n'ai aucun mal à les élever en cairn, à trouver les points d'équilibre entre elles, malgré un vent qui souffle très fort et m'en bascule au passage, deux ou trois.
Je suis très inspiré par ce lieu et je raconte mes histoires,pierre après pierre.
Lorsque le vent se fait trop insistant, je me déplace vers la pointe de Kerpenhir. Je gare ma voiture à trois cent mètres du menhir de Kerpenhir. Imposant par sa masse, il est isolé de tout autre mégalithes, et maintenant que je le connais, chacun de mes passages vers la petite plage du golfe, passe obligatoirement par lui. Longeant une très grande haie de fusain, j'en prélève quelques feuilles pour un travail ultérieur. Après avoir franchis, non sans mal, un pré inondé, je fais un arrêt près du grand Menhir, le salue et retrouve, quasi intacte, la pagodes des quatre vents, montée, avec du bois, entre lui et la mer. Elle a résisté aux grosses tempêtes. Une fierté pour elle et pour moi.
Je ne vais réaliser que deux petits installations sur la plage, où le vent a encore forci. L'une d'elles porte le nom de Fleur de Kerpenhir. Sur le chemin du retour, je me réfugie sous un immense mimosa en fleurs, en attendant que la grêle cesse !
Le jour d'avant la tempête
La météo annonce deux jours de répit dans le mauvais temps et j'ai repéré, sur ma carte IGN une plage de Locmariaquer, encore inconnue de moi, et dont la courbe me paraît intéressante pour y réaliser des spirales. Je m'y rends, bien que le vent n'annonce rien de bon. Pour une fois, le soleil est de la partie. La plage est en effet, très belle et porte le nom de Saint Pierre. Tout le monde a eu le même réflexe, il fait beau, on va à la mer. Si bien que pour la spirale, je ne me vois pas la réaliser dans cette ribambelle de gens et de chiens en liberté. Sur la partie la plus à l'Ouest de la grande plage, une dune dessine un terrain plat où je trouve des centaines de pierres étalées. Un marcheur me montre d'où elles viennent. Un muret de pierres sèches a littéralement été soufflé par le vent, que la météo à annoncé avec des pointes de 120 à 130km heure. Une catastrophe pour l'environnement, un bonheur pour le land artiste que je suis, en attendant la reconstruction du mur !
En deux heures trente, je monte le Cairn de la sérénité ,sans savoir, même avec une belle assise et son 1,40 mètre de haut, il tiendra longtemps en place. Une fois terminé, il est pris en photo par beaucoup de marcheurs.
J'aurais encore été mis en difficulté pendant cette période avec une météo décidément, difficile et je ne peux pas dire que j'ai repris un rythme normal dans mes sorties, mon travail. Cela se fera dans les jours ou les semaines à venir, mais comme d'habitude, dans l'acceptation de la nature, telle qu'elle se présente et dans la patience.
Roger Dautais
On se croit en pays connu
Mais c’est tout le contraire ;
Tout s’efface à mesure
Que le temps se perd.
On aura mal su
Ce qu’est le présent
***
Depuis les premiers jours jusqu’à plus tard
Jusqu’à demain
Quelle continuité ? Je me souviens
De peu d’images, de quelques moments parlés :
Comment ne pas croire
À du tissu déchiré ?
Jusqu’à demain
Quelle continuité ? Je me souviens
De peu d’images, de quelques moments parlés :
Comment ne pas croire
À du tissu déchiré ?
***
Dans la proximité de la mort, forcément.
Et tous ces gestes qu’on dirait lancés depuis notre enfance
Sont devenus de la peur
À cause de l’obscure énigme du monde,
Mais du vivant qui s’affirme, encore
Dans la proximité de la mort, maintenant.
Et tous ces gestes qu’on dirait lancés depuis notre enfance
Sont devenus de la peur
À cause de l’obscure énigme du monde,
Mais du vivant qui s’affirme, encore
Dans la proximité de la mort, maintenant.
James Sacré publie Donne-moi ton enfance,
Éditions Tarabuste.