J'avance dans la voix
la garantie des jours
souriant à l'incertitude
H.B
Il a gelé toute la nuit. L'hiver semble enfin s'annoncer. Voilà bientôt une heure que je marche et j'atteins enfin cette plage disposée dans l'estuaire du fleuve, sur sa rive droite.La mer se retire depuis une heure, aspirant des volumes d'eau considérables rejeté par le fleuve à chaque mouvement de marée descendante.Quelques grosses souches et autres troncs d'arbre sont du voyage. Je les appelle des petites baleines.
Je me rends compte assez vite que le sable n'est pas assez essuyé . IL reste compact et trop dur pour réaliser une spirale, la première de l'année. Je décide donc de marcher jusqu'au ban ce sable qui se trouve à la hauteur du terminal d’embarquement des ferries. Hier j'étais sur une plage plus à l’ouest pour travailler autour des pierres de la côte et réaliser quelques cairns. Avant-hier, j'étais dans une pinède de cette même côte pour la réalisation de quelques travaux
In situ, à base de pommes de pin. Chaque jour, je me laisse inspirer par le paysage, la lumière, sans me lasser.
J'atteins le nord de la plage et je domine un peu l'estuaire sur un banc de sable,cerné par trois de ses côtés lorsque la mer est haute. A marée basse, les sables sont creusés par des filières de plusieurs mètres dans lesquels circulent de forts courants. Il n'est pas rare, l'été d'y voir quelques touristes imprudents y laisser leur vie, s'ils ont le malheur de tomber à l'eau.
L'endroit est absolument désert. Je me demande qui s'écarterait de sa route, qui viendrait jusqu'ici, en plein hiver, dans ce chaos de mémoire.
Une mémoire où gît une histoire, faite de sables et de vent, de cris de mouettes, effilochée par le temps.
On ne parle pas aux péris en mer,on ne s'adresse pas à une ombre, ni pour lui donner à boire, ni pour lui demander son chemin.
Et pourtant, voici mon territoire, celui de tous les dangers.Je suis comme une caricature tombée du trait d'horizon. Je suis ici, pour voir, tout d'abord et voir l'invisible n'est pas habituel, lorsque le vent glacial vous cingle le visage.
Chaque pierre déplacée, chaque grain de sable déplacé répètera jusqu'à la fin des temps immémoriaux, le geste sacrilège qui les aura réveillé.
Réparer le geste, la mer s'en chargera, sinon rien n'existerait plus longtemps. Rien ne s'arrêterait ni personne, une seule seconde pour dire le premier mot et prononcer la première parole . La solitude me pèse rarement, mais ce lieu est si chargé, que pour une fois, je me sens très seul.
La lumière du soleil baisse très vite mais elle donne aux sables une couleur d'or.
Je commence ma première spirale de l'année. Au nord, les mer est à quelques mètres. Par gros temps, je ne serai jamais parvenu jusqu'ici. Il est 16H15 et la Manche est calme.
A l'est, elle s'en va border la côte jusqu'au Havre, dont je vois très bien le port pétrolier.
A l'ouest, Le ferry a déjà mis ses moteurs en chauffe. Il prend la mer dans 30 minutes. Au sud, la longue plage qui borde l'estuaire par la quelle je suis venu jusqu'ici.
Je retrouve mes marques et tourne parfaitement le sillon, avec le talon de mon pied gauche qui me sert de soc. Ce qui a changé, depuis mon accident ? La vitesse d'exécution, et puis la douleur.
Une douleur, de la tête aux pieds.Le challenge n'est pas gagné.
Simples questions, pourquoi, s'entêter plutôt que de faire les magasins comme tout le monde, pourquoi souffrir, jusqu'à quand ?
Ce n'est pas pour la galerie, ni pour gagner mon paradis, car je ne crois ni à l'un ni à l'autre. C'est pour le plaisir d'échapper à la mort, provisoirement, c'est pour conduire ma vie, lui donner un sens. C'est pour vivre aussi.
Je regarde cette spirale du bout du monde, baignée d'une lumière douce comme du miel et ça présence me fait du bien. J'ose imaginer qu'elle fait du bien à cette parcelle de monde abandonnée.
Je suis allé jusqu'au bout de mes forces et j'ai regardé le soleil nous quitter, se coucher sans demander rien à personne. Cette entrée dans la nuit ressemblait à un conte d'enfants, écrit entre l'or , la lumière et la mer.
J'ai repris le chemin de la maison, où m'attendait Marie-Claude car il me restait beaucoup à marcher, emportant avec moi, un peu de ce bonheur que m'avait, encore une fois, rendu la mer.
Roger Dautais
J'avance dans la voix
la garantie des jours
souriant à l'incertitude.
Je veille au monde à l'écriture
les accouplant les modelant
sans humaine amertume
Henri Heurtebise
Un jour d'heureux
Ma journée fût poétique
Et quand je rentrai le soir écrire
Les yeux dans le soleil
Des obstacles typiques surgirent
Le triptyque peur oubli sommeil
La vie écrivit pour moi
Quelques lignes sur une goutte de papier
Ces lignes vous les lisez
Arthur Ceyrac