Souhaits chamaniques : pour Ariane Callot |
Le terminus : pour Tilia |
L'autre frère, disparu : pour Manouche |
Le frère : pour Ana Minguez Corella |
Avant le blanc-manger : pour Maria Cano |
Je hasarde une explication : écrire
c'est le dernier recours quand on a
trahi
Jean Genet
à
Marie-Claude...
L’étranger
Je
passais sans m’ attarder devant ces lieux de sortilèges que tu
m’avais indiqués, il y avait bien longtemps. J’avais envie de
retrouver ces ruines de ferme, où je pourrai pratiquer le land art,
librement. Mon regard parcouru, une dernière fois ces sources,
moussues, sans trop y croire. Pourtant, à cet endroit même, mon
cœur s’emballait. Et si ton pouvoir magnétique avait été vrai ?
On
avait bien trouvé le jeune fils de Pierre, noyé dans la seconde
source, celle qui sortait d’une souche de chêne . La tête dans
l’eau. Oui.
Je
descendis la ravine avec cette mauvais image de l’enfant bleu..
Je devais franchir le ruisseau pour quitte cette zone et m’avancer
à découvert jusqu’aux premiers bâtiments de ferme, tombés en
ruine.. Une ferme abandonnée depuis si longtemps qu’ils avouaient
leur peine de se présenter dans un tel état d’abandon.
Pourtant,
j’aimais ce lieu calme, loin des sources à sortilège, loin de
tes pouvoirs obscurs, de tes incantations, où je pouvais
m’exprimer en toute liberté.
Un
temps pareil aurait du me dégoûter de tout. Ma pratique du land art
m’avait, justement habitué à sortir quelle que soit la météo.
Et j’insistais souvent à prendre la route, sous la pluie,
,bravant le mauvais temps.
Alors,
je rêvais du temps, où, dans les Alpes, je te lavais tes longs
cheveux dans les abreuvoirs abandonnés par les troupeaux de
moutons. Je pensais à cette chaleur intense qui desséchait nos
corps en sueur. Nous acceptions ces contraintes sans rien dire. Mais
ici, dans ce froid humide, j’avais pris l’initiative d’allumer
un feu de solitude, dans la cour de la ferme. Pour le moral, vous
comprenez. Aussitôt, des gens cachés, s’étaient joints à moi,
dans leurs suaires, pour réchauffer leur âmes en peine. Braves
disparus.
Il
fallait bien ça afin d’ oublier les sources, me remettre en
chemin, et trouver en mon cœur, le premier battement créateur.
Cela
devait être amusant pour ces disparus, de voir un vieil homme,
perdu dans ces ruines, un peu voûté, recevoir la lumière qu’il
recherchait, jusqu’à le transformer en créateur.
Le
temps hésita, dans ce froid perçant.
Pourtant,
je persistais à tenir bon. Le land art salvateur, s’annonçait
comme possible, ici.
Je
me souvins de mon sentiment d’alors. Et si c’était mon dernier
jour sur cette terre? Et si c’était un adieu définitif au monde
dans ce lieu de solitude ?
Je
peux bien le dire maintenant, je m’en foutait un peu de plier
bagage, ici ou ailleurs. J’estimais avoir tout dit, tout fait,
tout écrit, sans avoir besoin d’ajouter une autre œuvre
éphémère que personne ne verrait.
Et
puis, j’avais pensé que faire encore l’amour avec toi, aurait
été le seul souvenir valable à emporter dans l’au-delà.
Dans
ce pays paumé, inculte, fait de cailloutis , de ruines et de
ronces,, encore présentes en hiver, et de beaucoup d’oubli, rien
ne m’obligeait à vivre plus longtemps. Mais je l’ai fait.
Je
me suis mis à l’œuvre,avec mes doigts gelés,et j’ai
pratiqué le land art en pensant à toi.
A
toi, l’absente maladive et je n’ai rien trouvé d’autre à
rapporter en descendant vers le village, qu’une mélancolie
poisseuse.
Je
ne suis ,jamais retourné là-haut. Je n’ai jamais revu les
sources. Jamais pensé à l’enfant bleu.
Je
ne suis jamais retourné chez toi, ni chez personne d’alentour
ayant connu cette histoire.
J’ai
tout donné au land art. Ça s’est fait comme ça, années après
années , puis je suis devenu un étranger.
Roger
Dautais
Pour
LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS
Au
Café Latté...Auray Mai 2019
***
Toute une vie
peut parfois tenir dans le passage du crépuscule à l'aube. |
Marie-Josée Christien
Quand la nuit voit le jour
Babelio28 mars 2016