Le tambour de Brec'h : pour Gwenola Guernic |
Entre les deux mondes : pour Youenn Gwernig |
Sasa 's song : pour Sasa Saastamoinen |
Les âmes en peine de Lampedusa : Pour Rick Forestal Boîte à mémoire en ria d' Auray : pour Leeloo |
Les cinq raisons d'être ici : pour Marie-Josée Christien |
Le guetteur de marée : pour Grégory Goffin |
La pierre blanche : pour Florence Arrighi Le solitaire de Carnac : pour Karine Maussière |
Le rappel de la Jegado : pour Isabelle Jacoby |
Le solitaire du Loc'h pour Ana Minguez Corella |
Fenêtre sur Loc'h : pour Mémoire de silence |
Ty Bihan song : Pour Fumiyo Suko |
L'annexe de Kerplouz : pour Moun B. |
Le monde ne vous attend plus
il a pris le large
le monde ne vous entend plus
l'avenir lui parle.
Gaston Miron
à Marie-Claude
Lundi...
Le printemps s'effiloche, j'en ai fait autant ces dernières semaines. Au creux de la vague ! J'ai fini par poser ma vie devant l'atlantique pour qu'il me répare. Lorsque je regarde l'océan, impossible de l'imaginer souffrant de quoi que ce soit, parcouru de frontières, cousu comme un corps d'opéré. Et pourtant ...
Les hommes s'occupent bien de lui faire des misères, de le convoiter, de l'occuper, de le vendre et il s'en sort bien. Je me dois d'en faire autant.
Vers l'ouest s'étend une grève gorgée de pierres toutes plus belles les unes que les autres. Elles deviendront un alphabet entre mes mains pour de futurs poèmes de pierres à composer sous un ciel indifférent à mes mouvements.L'avenir , il me faut l'inventer dès aujourd'hui, dans le peu qu'il me reste et la machine repartira. Cairn après cairn, je délivre ma vie.
Mardi
L'ombre la plus banale est impossible à fixer et reste libre de son mouvement.Il faudrait attacher le soleil pour y arriver, mais décrocher la lune est déjà si difficile. Je ne suis pas fait pour les exercices de style, trop rebelle. Je dois savoir et ne pas oublier qu'aux yeux des critiques, on est réduit à presque rien.C'est dans ce rien que je dois trouver mon territoire, ma raison de vivre et la garder bien vivante jusqu'au bout. L'esprit de rébellion jusqu'au bout et comme le terminus est en vue, ce devrait être possible.
L'incessante arrivée des jeunes vagues rythme mes gestes. J'aime ce silence habité de roulements de pierres, d'éclats d'eau de mer quand elle rit, complice.
Au travail, sans trop me noyer dans les détails. Mes yeux font le tri sur la grève. Ils estiment le volume, le poids, la complémentarité des formes de chaque pierre devant être posée sur l'autre. J'entre dans le chant, je deviens musique et l'immense océan reçoit ces cadeaux-cairns, satisfait.
J'aime composer l'unique et l'éphémère.Devenu pierre, je me fonds dans la nature, suis mon inspiration et la traduis en silence avant de me retirer.
J'aime composer l'unique et l'éphémère.Devenu pierre, je me fonds dans la nature, suis mon inspiration et la traduis en silence avant de me retirer.
Mercredi
Les routes cardinales et paysannes m'ont ouvert la voie d'une mémoire qui s'enmauve. Comme si la Jégado avait prévu de baliser le pays tout entier de hautes digitales accrochées sur chaque talus, en signe de...
Jeudi
Un merle présent et caché, chante le printemps finissant. Il me fait penser à l'enterrement de mon père, inondé du soleil froid hiver, sous un ciel immense et trop bleu tandis qu'on le descend dans sa tombe. Je me suis toujours dit qu'il avait aimé ce chant du départ.
On parle trop de la mort comme une éventualité alors que chaque jour, elle est notre plus fidèle compagne. Ce va et vient ailé entre les deux mondes n'est qu'une répétition générale, un appel à bien s'entendre. Mon père st maintenant présent dans chaque chant du merle.
Jeudi
à Serge Mathurin Thébault
à Serge Mathurin Thébault
Lorsque j'ai quitté les alignements de Kermario, à la sortie de Carnac, les menhirs dansaient autour du "Grand". J'ai pris à droite dans la forêt et sur la route de Gouyanveur faisant halte près des étangs jumeaux, protégés du soleil par les châtaigniers et les pins maritimes. L'herbe est drue. Sur cette herbe du printemps qui borde l'étang aux grenouilles, je n'ai rien fait. Ni marché, ni posé la main pour cueillir quelques fleurs. Rien !
Je n'ai fait que vivre dans ce bonheur de contempler son incomparable couleur se reflettant dans l'eau, comme le chant du merle. Je me suis éloigné avec l'impression d'avaoir vécu le meilleur de ma journée.
Vendredi
Le temps s'étire. Foisonnement de mémoires vertes au méristème des fougères en crosse qui me parlent d'avant.Une cavale blanche traverse les brouillards épais de mes pensées obscures, surgie de l'autre monde.Sabots ailés, couverte de voiles aux couleurs de lune, irréelle et présente, l'inconnue est passée comme l'éclair en forêt de Baud.
L'apprentissage de la nature demande toute une vie et plus, pour peu qu'on ouvre la porte au merveilleux du rêve éveillé.
Sous chaque feuille le début d'un songe.
Samedi
Je remonte, pieds dans l'eau, la rivière du Loc'h dont les eaux retenues par le barrage d'amont ont retrouvé un chant apaisé. Je suis en territoire des truites. Sans les voir, je les pressens, je les respecte. Au cour de ces instants vécus en immersion qu'aucun bruit né de la vie moderne, n'atteint, je trouve l'essentiel de ma recherche : l'équilibre.
Dimanche
Se nourrir d'un regard échangé avec le merle, la grive. Écouter le chant de la pluie qui bat les terres noires. Manger les nuages avec appétit. Caresser l'herbe mouillée. Entendre le silence du temps qui passe et décompte les secondes de ma vie, puzzle de petits bonheurs qu'il faut vivre intensément
Je marche dans les pas du grand Youenn * et me répète sa phrase "Car il faut que chacun compose le poème de sa vie ".
Lundi
Salut au soleil du champ des martyres, le tambour du monde a battu la chamade. En écho, le bodhran de Keneig vibre sur les rivières du Loc'h et emporte les âmes en peine dans une transe païenne. La mémoire amnésique s'enmauve. Le souvenir de la Jégado n'est plus qu'un cercle immortel.
Au centre, l'étoile retient cinq gouttes de sang remontées d'une terre noire, gorgées des cris étouffées des suppliciés.
Mardi
Mon pays s'ébroue, respire entre deux spasmes, devisant du passé, rapiéçant le futur. Des plus épaisses forêts jusqu'aux rivages découpés en passant par les brandes piquantes sous le soleil ardent, une colère sourde se répand. La nature complice refuse de se soumettre à la décision Jacobine. Bretonne elle était, Bretonne elle restera. Cinq nous étions cinq nous serons.
Roger Dautais
*Youenn Gwernig, à découvrir pour ceux qui ne le connaissent pas encore :
http://gwernig.com/
Lieux communs
Personne n'y peut rien
mais les objets mais les choses
personne personne
mais il était une fois toutes les fois
jamais toujours et pourtant
océaniques
le nous de toi
le nous de moi
Gaston Miron
L'homme rapaillé
Éditions François Maspéro 1981
Je n'ai fait que vivre dans ce bonheur de contempler son incomparable couleur se reflettant dans l'eau, comme le chant du merle. Je me suis éloigné avec l'impression d'avaoir vécu le meilleur de ma journée.
Vendredi
Le temps s'étire. Foisonnement de mémoires vertes au méristème des fougères en crosse qui me parlent d'avant.Une cavale blanche traverse les brouillards épais de mes pensées obscures, surgie de l'autre monde.Sabots ailés, couverte de voiles aux couleurs de lune, irréelle et présente, l'inconnue est passée comme l'éclair en forêt de Baud.
L'apprentissage de la nature demande toute une vie et plus, pour peu qu'on ouvre la porte au merveilleux du rêve éveillé.
Sous chaque feuille le début d'un songe.
Samedi
Je remonte, pieds dans l'eau, la rivière du Loc'h dont les eaux retenues par le barrage d'amont ont retrouvé un chant apaisé. Je suis en territoire des truites. Sans les voir, je les pressens, je les respecte. Au cour de ces instants vécus en immersion qu'aucun bruit né de la vie moderne, n'atteint, je trouve l'essentiel de ma recherche : l'équilibre.
Dimanche
Se nourrir d'un regard échangé avec le merle, la grive. Écouter le chant de la pluie qui bat les terres noires. Manger les nuages avec appétit. Caresser l'herbe mouillée. Entendre le silence du temps qui passe et décompte les secondes de ma vie, puzzle de petits bonheurs qu'il faut vivre intensément
Je marche dans les pas du grand Youenn * et me répète sa phrase "Car il faut que chacun compose le poème de sa vie ".
Lundi
Salut au soleil du champ des martyres, le tambour du monde a battu la chamade. En écho, le bodhran de Keneig vibre sur les rivières du Loc'h et emporte les âmes en peine dans une transe païenne. La mémoire amnésique s'enmauve. Le souvenir de la Jégado n'est plus qu'un cercle immortel.
Au centre, l'étoile retient cinq gouttes de sang remontées d'une terre noire, gorgées des cris étouffées des suppliciés.
Mardi
Mon pays s'ébroue, respire entre deux spasmes, devisant du passé, rapiéçant le futur. Des plus épaisses forêts jusqu'aux rivages découpés en passant par les brandes piquantes sous le soleil ardent, une colère sourde se répand. La nature complice refuse de se soumettre à la décision Jacobine. Bretonne elle était, Bretonne elle restera. Cinq nous étions cinq nous serons.
Roger Dautais
*Youenn Gwernig, à découvrir pour ceux qui ne le connaissent pas encore :
http://gwernig.com/
Lieux communs
Personne n'y peut rien
mais les objets mais les choses
personne personne
mais il était une fois toutes les fois
jamais toujours et pourtant
océaniques
le nous de toi
le nous de moi
Gaston Miron
L'homme rapaillé
Éditions François Maspéro 1981