Toubib, réservez-moi une chambre avec vue sur le Havre...
Cette fois, c'est du sérieux. Je suis allongé dans une ambulance qui m'amène aux urgences de CHU. Présomption d'infarctus m'a dit le médecin avant d'appeler les secours. Je passe un dernier coup de téléphone à ma femme et je me laisse emporter par mon destin. Nous passons au travers des quartiers et je vois les tours défiler, une à une. La tête me tourne. La route est mauvaise et je suis bringuebalé sur la civière. Je pense à tellement de choses. Un chaos fait de d'un mélange de peur, de résignation et d'espoir. L'arrivée aux urgences ressemble à ce que l'on peut imaginer. Des civières partout, entassées le long des murs avec des gens qui attendent, certains perfusés. Aucune plainte ne s'élève de ce groupe d'allongés. Les ambulanciers doublent tout le monde et s'engouffrent dans une pièce séparée en 9 box par de grands rideaux de plastique, réservée aux urgences cardiaques. Dans la minute qui suit, c'est la prise en main par l'équipe médicale sous la direction d'un toubib, assez sympa. Prise de sang, perfusion, électrocardiogramme, échographie. Je suis ces examens dans l'inquiétude. Je voudrai savoir. Je vais savoir très vite.
-Le médecin de garde et responsable des urgences, s'approche de moi. Il me met la mains sur l'épaule et me dit:
- mon vieux, vous avez fait une très grosse connerie en ne venant pas plus vite. Vous avez fait un infarctus. Il y a du dégât mais on est la pour vous réparer, on va vous réparer.
On ne peut être plus précis. Un tel diagnostic me glace.
Oui, j'avais des inquiétudes par rapport à mes forces qui me lâchaient souvent, dans mes sorties land-art, seul, dans la nature. Je m'allongeais sur le dos, regardais le ciel et étendant que cette douleur s'en aille, et que me revienne un souffle nécessaire pour rentrer. Des mois comme ça, mais sans imaginer que mon cœur lâcherait.Et puis mon médecin traitant me disait que c'était rien, sinon l'âge. C'est merveilleux parfois, les médecins.
marie-Claude est entrée dans le box. Plus rien ne pouvait m'arriver. J'ai vu son regard bleu, j'y ai lu son amour. Elle m'a embrassé et pris par le bras.
- Alors?
- Infarctus.
- Ils te font quoi ?
- Je ne sais pas encore.
- Tu vois, je te disais
- Je sais.
Le médecin est revenu me voir
- On va vous garder, mon vieux, vous montez en réanimation -cardio, au 20 ème
- Dites, toubib, réservez-moi une chambre avec vue sur le Havre
- OK, ça marche.
Lorsque je suis arrivé dans ma chambre, puis branché de partout, j'ai regardé par l'étroite fenêtre du bâtiment, il pleuvait. Le lendemain matin, sous un beau ciel dégagé, j’apercevais le Havre, me disant que la chance était avec moi.
Une semaine plus tard, je rentrais à la maison après avoir été opéré le jeudi. Je fais ma première sortie demain, mais compte tenu des "dégâts" je ne sais pas quand je recommencerai à pratiquer le land art. Un jour ? Je l'espère. Différemment, oui, c'est certain. Je ne peux oublier que le land art représentait un grande partie de ma vie depuis 1998. Mais il faudra rééduquer mon cœur, avant tout.
J'ai voulu fermer ce blog, incapable depuis le 8 avril d'éditer une nouvelle page et puis j'ai vu que vous continuiez à le visiter, alors je continuerai aussi à l'animer pour vous.
Merci de votre présence et à bientôt
Roger Dautais
Urgence
Il faut parfois que cesse le visage
que s'insurge le nœud
c'est l'heure du vêtement mouillé
qui crie la faim et la peur.
tu arraches ton élan
tu couvres la bête et tu t'y enroules
comme pour mourir
et depuis l'espace lacéré de ton haleine
tu réécris le pacte de vivre
le nom de ta peau
ton poème tendu de questions.
Guy Allix
Retrouvez l’œuvre poétique de Guy Allix : guyallix.art.officelive.com/poemesguyallix.aspx