Au cœur du Mané croc'h : à Henri Droguet |
Amnésie triangulaire : pour Henri Zerdoun |
Transhumance meurtrière |
L'adieu aux armes: Pour Mildred |
Transition d'automne à Liza Rydin Erickson |
Breizh : pour Marie-Claude |
Le terrier : Pour Ana Minguez Corella |
Recherche de solution : pour Sasa Saastamoinen |
La sœur de La Rouge : Pour Marie-Josée Christien |
La mémoire blanche : pour Alain Jegou |
La porte de Kerpenhir : pour France |
Les sept frères d'infortune : aux mémoires englouties. |
Le cairn du Retour ( Kerpenhir) : pour Jean-Pierre Audren |
Du Mané Croc'h à Kerpenhir, souvenirs d'une semaine passée
Je sais que la mer sera grise, aujourd'hui, sans doute agitée.Je file vers le sud. Après trente minutes de voyage, j'aperçois la grande plage de Locmariaquer, débarrassée de la cohue estivale. Elle fait face à l'Océan, prête à tout affrontement. Je tourne vers l'Est et j'arrive à la Pointe de Kerpenhir. Le spectacle est grandiose. A l'entrée de la passe, entre Port Navalo et Kerpenhir, la mer est en ébullition. Elle pousse ses eaux grises, impatiente de remplir le Golfe du Morbihan. Je descends sur l'étroite grève qui borde le flot. Des vagues courtes et rapides battent le granite. Je choisis cet endroit pour élever mon premier cairn. Je dois attraper les pierres, côté mer, et, très rapidement, j'ai les deux pieds dans l'eau, le jean trempé jusqu'aux genoux. Il ne fait pas froid. Je retrouve des gestes familiers. Je rentre dans une histoire que je raconte, ici, dans la solitude, où chaque pierre est un mot, chaque cairn, une phrase. Comment ne pas penser à eux, après Lampedusa. Le premier cairn est un signal, le second une porte, les cinq autres, une famille.Les sept frères d'infortune.
La mer monte et m'oblige à voir plus loin. Je me déplace sous un grain assez violent qui achève de me tremper,de la tête aux pieds. Béni des Dieux !
Mais, très rapidement comme cela se produit dans le golfe, le temps séclaircit et m'offre même un timide rayon de soleil.
A l'extrémité d'une petite plage qui s'avance dans la mer, un peu mieux abritée que la première, je monte un cairn solitaire sur la partie la plus herbue du lieu. Je rassembles des pierres et continue mon va et vient pour aliment ce cairn qui monte doucement.80cm, 1m., 1.20mètre de haut. Soudain, il " me parle", m'avertit, craque, s'assied. Je comprends qu'il n'ira pas plus haut sous peine d'éboulement, mais cela ne fait riien, il a fière allure comme ça. Je termine la coiffe en arrondit et passe à autre chose.
Je m'approche à nouveau de la mer et continue ma série de cairns dans la sérénité et la solitude. Mes cairns dialoguent avec la mer, le golfe, le ciel incertain et jouent avec les vagues. Je pense à elle qui m'attend à la maison. J'aimerai partager ces instants avec ma femme. Je m’assoies et contemple le spectacle. Le temps s'arrête.
J'ai passé le reste de la semaine en pleine campagne, goûtant au luxe de l'alternance.
Ne cherchez pas ailleurs les couleurs de ma Bretagne, de ce Morbihan où je réside. Regardez simplement et vous verrez ce qui m'inspire. Je n'invente rien, tout existe.
J'ai pris le chemin de Crucuno, puis de sa forêt. Entre les dolmens du Mané Croc'h et le Mané Braz,j'ai marché pour retrouver "La Chaise de César" aux alignements de menhirs remarquables. J'ai laissé sur place quelques installations éphémères, parce que ces lieux, ces Terres Sacrées m'inspiraient ces poèmes végétaux. Je ne pouvais faire moins pour elles qui me donnaient tant de forces en échange. Etre vivant dans ces lieux, tous sens en éveil, se mérite,mais c'est aussi un privilège.
L'échange fut total.
J'ai ré-inventé une géométrie des lieux, tracé des spirales positives, caressé l'humus, effleuré le lichen des menhir de mes doigts, comme un aveugle s'attardant à lire le message. Cette plongée verticale dans les racines de l'humanité, parmi les grands témoins, menhirs et dolmens, me transporte, m'élève, et me laisse bien heureux de pouvoir balbutier dans ces champs de fougère que l'automne brunit, un humble merci, pour tant de petits bonheurs.
Ils m'autorisent une suite au voyage avant de conclure mon parcours terrestre.
Roger Dautais
Le Jardin des Délices
Au paradis
l'on souffre aussi
La volupté
est un poisson qu'on piétine
Il y a peu d'eau
pour éteindre les brasiers
Dans la cohue de l'imaginaire
la créature ne trouve plus son chemin
qu'à genoux
Les oiseaux soufflent sur la braise
L'herbe est esseulée
Où sont partis les arbres
Où est la bonne arche
On se met à rêver
du désert
ou d'un enfer
fût-il de pacotille
Abdellatif Laäbi
"Petit musée portatif " 2002
Poésie du Maghreb
Al Manar
Peut-être
pourras-tu continuer
à dire que tu aimes
Cette vibration de l'air
dans la saison qui s'annonce
en avance sur son heure
Ce désir de vivre
la pleine lumière
encore une fois
La solitude à tes pieds
comme un vieux vêtement
d'hiver.
Marilyse Leroux
" Le temps d'ici"
Editions Rhubarbe 2013