Le présent orangé au passé |
Sur la route de Balbec |
Équilibre : pour Brigitte Célérier |
Diagonale gelée |
Cohabitation des saisons |
Petit signe aux migrateurs |
pour Marie-Josée Christien : Attachement: |
Évolution |
Pour Guy Allix : Une fois dit |
La Terre, elle souffre... |
Voluptueux silence |
Le guetteur de l'ombre |
Le voyage de la sphère : à Denise Scaramai |
à Guy Allix, fraternellement
Sur la route de Balbec, l'adieu des bois flottés
J'ai pris la route de Cabourg. Le soleil perce la couche de nuages en fin de matinée mais il reste pâle.La radio nationale est en grève. Je profite d'un flot continu de musique.Je roule depuis une demi-heure. J'aperçois le phare de Ouistreham., puis la mer, au bout de l'estuaire. Je gare ma voiture sur le bas côté et je prends le chemin qui borde la réserve d’oiseaux de Sallenelles.
Devant moi s'élève une digue qui masque les marais servant d'abri aux migrateurs. Trois oies décollent de la zone humide dans un lourd battement d'ailes. Elles volent en ligne puis modifient leur formation avant d'amorcer un long virage à droite. Elles survolent tout le marais puis reviennent droit vers moi. Le spectacle est impressionnant. J'observe très bien leur bec orangé et ce long cou très reconnaissable..Elles obliquent vers l'Est et prennent la direction de Balbec.Sans doute rejoindront-elles le canal pour s'y poser et nicher plus tard.
Le chemin est boueux, glissant, à cause des dernières marées qui l'auront recouvert. J'arrive au niveau d'un ancien cairn qui a un peu souffert, mais reste reconnaissable. Je pose mon sac et j'entreprends , sans trop de mal de le retaper.Les pierres ont été jetées à terre, mais elles restent à portée de main, ce qui est bien pour moi car elles sont lourdes. En 45 minutes, tout est en ordre. Avec ce genre de pierres, il faut bien assurer chaque calage car elles sont lisses et glissantes. On, est toujours à la limite de l'éboulement.
Je quitte les lieux, reprend ma marche et arrive bientôt sur la plage. La configuration des lieux évolue sans cesse, comme souvent dans les estuaires. La plage est parallèle au fleuve et borde le marais de la réserve. Elle commence en pointe et va, s'élargissant, vers le port de plaisance, déserté, l'hiver. PLus de sable fin. La mer a y dépose des alluvions et bientôt, ce ne sera plus qu'une grève glissante. L'estuaire s'envase chaque jour.
Je longe le mur en traverses de rails de chemin de fer, qui retient la dune et la protège contre les coups de boutoir des marées les plus fortes. A l'extrémité Nord de ce mur, je découvre une énorme souche d'arbre déposée par la mer à l'endroit même où, il y a quelques années, je commençais ma série de"Gisants de Sallenelles".
Je décide de travailler, ici, en souvenir.Ce lieu ne m'a pas encore tout dévoilé de sa force.
Je vais orienter ce gisant Est-Ouest, la tête au soleil levant, les pieds au soleil couchant. Je travaille à genoux. Il prend forme et sort du sol. Le dialogue s'installe. Malgré moi, la tête s'est inclinée vers la gauche et je ne le vois que debout. Je trouve ce dernier geste, touchant. Il humanise mon gisant, bien que je ne cherche pas à faire ressemblant mais simplement à évoquer une forme capable de s'exprimer toute seule. Quelques marcheurs, passent, s'arrêtent en silence puis continuent leur chemin. Qu'en ont-ils pensé. Est-ce que, comme pour moi, cela les renvoie à leur propre questionnement sur la mort? Le soleil baisse déjà et je dois terminer avant la nuit. Je pars à la recherche de bois flottés afin de constituer un enclos autour du gisant. Une porte ouvre cet enclos vers l'Ouest, vers le fleuve qui va à la mer. Tous ces signes mis en place sont comme une sorte d'adieu donné au gisant par des bois flottés. L'adieu des bois flottés: le grand départ. Il manque quelque chose, un geste, un dernier. Je dépose trois oranges à ses pieds que le soleil réchauffe de ses derniers rayons. Si j'étais musicien, je lui composerai de la musique.
Une femme accompagnée d'un gros chien, s'approche de l'installation. Je n'aime pas les gros chiens, d'abord parce que j'en ai été victime et qu'en plus, ils peuvent te ruiner un travail en quelques minutes. Tout se passe bien. Elle me questionne car elle a vite compris de quoi il s’agissait.
- "C'est toujours aussi triste" me dit'-elle?"
Je lui répond que non et je lui explique ma démarche d'artiste, de la part de ma vie qui se joue ici, des voyages, des saisons, de l'âge qui me transforme et qui avance.
Elle comprend mieux.
Un long cordon sort des pieds du gisant passe la porte et s'en va vers la mer comme pour leur indiquer le chemin à tous les deux. La rencontre se fera forcément et pas obligatoirement telle que je l'aurai imaginée.
Je me lève et lui souhaite bon voyage. Tout est fait. Tout est dit.
Je reprends le chemin du retour. Le soleil touche l’horizon. L'instant est sublime et j'aimerai le partager avec celle que j'aime et qui m'attend.
Tout ceci se passait la semaine dernière. Depuis, le froid s'est accentué, la neige est venue, repartie, puis la pluie et toujours le froid. Je suis sorti travailler dans ces conditions, continuer à baliser mon chemin de petits ou grands signes que la nature aura digérés. Rien n'est facile en cette saison mais la démarche vaut d'être vécue. On ne peut toujours être dans une jeunesse éternelle ni dans un été qui n'en finirait pas. Il faut faire avec, avancer vers l'inconnu, l’échéance.La finitude n'est pas qu'un mot !
Je vous montrerai la suite de mes travaux puisque certains sont déjà sur cette page.
Merci à vous qui êtes chaque semaine, plus nombreux.
Roger Dautais
Poèmes en sursis
Et nul n’y répondra que cet immense mépris
Plus froid que le vent
Plus lourd encore que le rocher de Sisyphe
Il n’y aura pas de répit avant le terme
Mais ce seul souffle saccadé et urgent
Cerné par le gel et qui tentera
Un mètre de plus encore et malgré tout
Pour porter la vie au plus loin de la vie
Même quand il se fait très tard
Même à l’heure définitive.
***
Tu sais que la parole vient de loin
D’un pays étrange
Dont tu n’entends au juste la langue
Mais dont tu répercutes l’écho indéfiniment
Tu sais que la parole vient de loin
D’un pays étrange
Dont tu n’entends au juste la langue
Mais dont tu répercutes l’écho indéfiniment
***
Et après tout qu’importe la fin
Tu es venu ici-bas
Pour inscrire ce qui naît
Tu es venu ici-bas
Pour vivre un court instant
Ce qui n’a pas de fin
Guy ALLIX
http://www.recoursaupoeme.fr/po%C3%A8tes/guy-allix
http://poussierevirtuelle.over-blog.com/article-poemes-de-guy-allix-52132718.html