Grande spirale de Piriac sur mer : pour Jean-Pierre et Mireille |
Le chantier : pour Serge Thébault |
Guetteur de marée : à Guy Allix |
La porte de Piriac sur mer : pour Camino roque |
Jardin de mer : pour Linda Lourenco |
Traces : pour Leeloo |
Offrande à l'Océan Atlantique : à Marie-Josée Christien |
L'éveil absolu : Pour Uuna |
Naissance d'une spirale : à Marie-Claude |
Bel aplomb : To Erin |
Le triangle : to Sasa Saastamoinen |
Fleur de mémoire : à Réjane |
l'anonyme de Lerat : à Patrick Lucas |
à mon Père
Je reviens du "Pays Blanc", les yeux émerveillés de ce ballet silencieux des aigrettes blanches dans les vasières des marais salants des Terres Brûlées. Depuis deux jours, je me déplace sur la côte entre Batz sur Mer et la pointe du Castelli à Piriac sur mer. Un détour s'impose par les marais où je peux rien faire de mieux que d'admirer cette vie animales qui s'éveille au soleil levant.
Guérande,Trescalan, La Turballe, Lauvergnat...Dans les dernières années de sa vie, nous avions amené notre père sur les lieux de son enfance et il nous racontait. Je l'entends encore et ce matin, je marche dans ses pas. Il m'accompagne, comme si souvent.
Après ce détour par les salines, je décide de parcourir à nouveau les plages de Piriac. La Bretagne m'ouvre les bras, comment ne pas tomber sous le charme de cette plage désertée par les touristes de l'été. Il fait frais, la mer est calme. Un chalutier pêche à la palangre à 200 mètres de la côte et je vois très bien les deux marins au travail. Je pourrais presque leur parler.
Machinalement, mon pied explore le sol. Ce qui n'était pas prévu va naître ici car les conditions sont idéales pour tracer une spirale.Changement de programme.
Le sables est souple, granuleux et suffisamment humide pour que le sillon se tienne.Je suis dans le haut de la plage et, compte tenu du faible coefficient de marée et des traces de la laisse de mer, cette spirale ne terminera pas dans l'eau. J'aurais préféré, mais depuis que j'ai quitté la Normandie, les occasions sont rares de trouver une plage correspondant à ce que je cherche pour ces grandes spirales. C'est simple, ma dernière doit remonter au mois de Mai, du côté de Plouharnel.
Avant de me mettre à l'ouvrage, je me pose toujours la même question : serais-je encore capable de la mener jusqu'au bout ?
Je plante mon talon gauche dans le sol, prends appui sur ma jambe droite et commence le déroulé du sillon en reculant par petit pas de 30 cm environ. Les premiers tours doivent être faits assez rapidement pour que le rythme de la marche donne de la puissance au mouvement et de la régularité au sillon. La tête me tourne.
N'ayant pas décidé de faire une spirale, je me suis chaussé de sandales et la sensation est complètement différente. Je travaille vraiment avec mes pieds et ce contact du sable encore tout emprunt de la fraîcheur de la nuit est très agréable.Mais il est composé d'un mélange de petits cailloux qui me rentrent dans les sandales et ceci ralentit ma marche car je dois me déchausser régulièrement pour les nettoyer et pouvoir continuer. Au dixième tour, je jette un œil sur le travail effectué. Aucun problème de régularité, ni pour la profondeur ni pour le parallélisme du sillon. Il me reste 14 tours et ça va être dur.J'ai déjà mal aux jambes, aux reins à cause de cette position, corps penché sur l'avant pour concentrer mon effort physique. Je sens quelques personnes s'approcher de la spirale sans vraiment les voir. Je dois tenir.
Vers le 17 ou 18 ème tour, j'entends une voix de femme :
- vous voulez que je vous prenne en photo?
Elle me surprend.
- C'est beau. Vous voulez bien ?
Je lui répond que oui et je continue.
- Dites, vous avez un appareil photo?
- Oui
-Donnez le moi et je vous prend avec.
La proposition est rare et je profite de cette proposition sympathique. Je lui prête mon appareil et elle prend 3 photos, à son goût. Je la remercie. Nous échangeons quelques mots et je continue.
J'ai perdu le rythme, je me suis déconcentré et je vais avoir un mal terrible à terminer cette spirale. Je perds l'équilibre, je m'enfonce trop dans le sable, je zigzague, je me reprends, bref, c'est la catastrophe. Tout ça pour trois photos. Je arrête et je fais quelques exercices de respiration profonde et je me concentre à nouveau. Je reprends le travail. Il se fait plus régulier, mais la douleur dans les jambes est très grande et je dois faire des arrêts fréquents. Les deux derniers tours me semblent interminables mais je termine une spirale presque parfaite que le soleil enluminera à plusieurs passages entres les nuages.
Je pense à mon père qui se baignait âgé de 5 ou 6 ans sur ces plages dans les années 20. Cela fait presque cent ans. J'aurai aimé lui montrer ce travail avant qu'il ne nous quitte.
Roger Dautais
N.B Les photos de 1 à 9 et la dernière sont des installations réalisées à Piriac sur Mer
des passants
rien d'autre
mais nul ne connait la rive
***
A l'écart du rivage
l'air vibre
sur les landes
imprégnées de la pâleur du sel
Le souffle et la lumière
se prolongent
en frémissements
L'oeil scrute
ouvert aux étendues
qu'il retenait en lui
Il voit
Marie-Josée Christien*
Temps composés
Cahiers Blanc Silex
* http://anthosuballix.canalblog.com/pages/marie-josee-christien/27590451.html