j'aimais tes yeux bleus, l'hiver, en Bretagne, quand ils me racontaient les saisons à venir...
à Marie-Claude,
J'aimais tes yeux bleus l'hiver quand ils me parlaient des saisons à venir. Tu déambulais, pieds nus sur les grèves, absente au vacarme des galets emportés par les vagues. Tu vois, maintenant, les mots trop nombreux qui roulent dans l'écume, ils écrivent l'histoire des morts. Demain, il sera trop tard pour les saisir. Ils se seront noyés en baie des Trépassés, au fond de l'eau et ton regard les cherchera en vain sur l'estran. C'est maintenant qu'il faut écrire ton histoire et tu ne sais que danser, indifférente à cette coutume. J'ai tout repris de A à Z, dans notre mémoire commune. Les mots séquestrés, je les ai jetés au vent. J'ai vidé les cellules, comme le sang de mes veines, jusqu'à la dernière goutte. Derrière les hauts murs, ne résistent que les cris des grands Duc, la nuit chargés de dire aux autres ce qui s'est passé dans ces lieux.
Ici, l'alphabet n'a plus court. Les mémoires s’effilochent une à une. Les chants des sirènes attendent l'aube et les pierres se déchirent entre-elles. Il faudra rejouer la partie, rattraper les cavales blanches dans les blés en herbe. Il faudra lever le verre, boire cul sec, face au vent en compagnie des naufrageurs, à la santé des hors.
J'aimais tes yeux bleus l'hiver en Bretagne, quand ils me parlaient des saisons à venir. L'avenir se rétrécit chaque jour. Une poignée de pierres suffirait à l'écrire, mais j'aime toujours ton regard bleu. Chacun de nos souvenirs s'y reflète. Il est devenu ma destination pour un voyage de rêve, le notre. Je ne sais plus imaginer ailleurs. Restent quelques grèves à parcourir, quelques sables à graver, quelques Printemps pour te cueillir des fleurs et le tour sera joué.
Roger Dautais
en ce corps de mer
se perdre
bleu immense
loin dans la peau.
***
La côte hostile
sa présence
parmi les brumes au loin
nulle tension palpable
pourtant
dans ces hôtels
où l'on mange toujours trop.
Paul Badin
Dédale
Extraits