à ceux qui se perdent la nuit...
Le jour se lève. Il a fini par effacer la nuit et son cortège de cauchemars. Je regarde par la fenêtre, le gris délavé du ciel.Il pleut légèrement. Les marais seront encore plus humides, plus inhospitaliers. J'ai dans ma tête, mille chemins qui m'amèneront à destination la plus inconnue possible. Se perdre est nécessaire. Je longerai les murs du cimetière sans réveiller les morts. Je ramasserai dans mes poches, les plus belles pierres. Je passerai par le pont de chemin de fer. Je longerai la voie ferrée. J'entends toujours les chansons de Woody Guthrie, le long des voies ferrées et puis je prendrai à droite après le bois des jonquilles. J'emprunterai les chemins creux en pensant toujours à ceux qui dorment sous terre. J'irai jusqu'au menhir de Saint Sanson. J'en ferai sept fois le tour et j'écouterai son chant, comme nous savions l'entendre dans l'enfance. Il faut toujours écouter le chant des pierres. Le petit chariot est apparu deux heures après Orion. La nuit n'a pas délivré tous ses secrets. Je n'ai pas vu la voie lactée. La cavale blanche est passée vers trois heures. J'entends encore le bruit de ses sabots sur les pavés du Jerzual. Les nuits sont longues pour les chevaux de trait. Ils rêvent aussi à son passage dans les écuries. Le jour continue d'effacer la nuit peu à peu. Je regarde par la fenêtre. Le ciel est triste, ce matin. Les lichens seront couverts de rosée et le marais sera dangereux. Je ramasserai les dernières feuilles d'automne, celle qui sont d'un jaune orangé, surtout. Je les disposerai sur un sphère de cornouiller. Je la suspendrai comme une pleine lune, au dessus de la rivière, à une branche d'aulne. Je fabriquerai de mes mains , un nid d'oiseau pour y élever des escargots d'albâtre. Puis je continuerai ma route. J'emprunterai le chemin creux pour marcher sous la terre, avec mes morts, le temps d'une apnée.. Tu m'apparaîtra en rêve, avec tes yeux bleus 'd'amoureuse. J'élèverai pour toi, des cairns sur les rives de ton pays. J'écrirai ton nom dans les sables mouillés. Je me perdrai dans les grèves jusqu'à te retrouver. Il faudrait rester ici, près de toi, maintenant que notre vie se raccourcit, et chaque matin, je scrute le ciel et je rêve de départ ! Je connais mille chemins qui mènent nulle part et des étoiles filantes pour les rendre accessibles. J'irai, au fond de l'hiver marcher sur le mares glacées Des craquelures dessineront des cartes géographiques sous mes pas. Malgré la neige, je traversai les pâtures jusqu'au bois des sébastes. Je gravirai les pentes caillouteuses sous le soleil implacable. Je chercherai le gué entre les fougères, pour rejoindre le bief de Tinténiac. Six chevaux de feu piafferont dans l'enclos du temps retrouvé.
Le temps a fini par se déposer à la surface de l'eau. De larges taches de lentilles cernent le reste de noir qui résiste au milieu de la mare. Bientôt tout aura disparu, sauf le danger , pour qui ne sait pas. La vie au loin de tout a ses règles. Un faux pas et tout est fini. La vie au lieu de rien, qui tente de nous entrainer dans le néant des eaux noires. Une seule pensée me sauve, un seul regard bleu et je fais demi-tour vers mon amour.
Roger Dautais,
Carnets de Land Art
Sans nom
ni même une ombre
ni vus ni connus
disparus seulement
eux
leur transparence
d'eau claire
transparence
sueur et larmes
sur quelle
soif de la terre
sans reconnaissance
terre plus grasse
de leur sang
pas même oublié
non
ni reconnu ni vu
sans nom
sang
mais l'écouter comme
le vent la vie qui passent
l'écouter crier
chanter en nous peut-être
par les oiseaux de mai
Martine Morillon-Carreau
Sens dessous, n°4
Retrouvez la poésie de cet auteur dans l'anthologie subjective de Guy Allix
ou sur le site de Martine Morillon-Carreau http://m.morillon.carreau.free.fr/
Le temps a fini par se déposer à la surface de l'eau. De larges taches de lentilles cernent le reste de noir qui résiste au milieu de la mare. Bientôt tout aura disparu, sauf le danger , pour qui ne sait pas. La vie au loin de tout a ses règles. Un faux pas et tout est fini. La vie au lieu de rien, qui tente de nous entrainer dans le néant des eaux noires. Une seule pensée me sauve, un seul regard bleu et je fais demi-tour vers mon amour.
Roger Dautais,
Carnets de Land Art
Sans nom
ni même une ombre
ni vus ni connus
disparus seulement
eux
leur transparence
d'eau claire
transparence
sueur et larmes
sur quelle
soif de la terre
sans reconnaissance
terre plus grasse
de leur sang
pas même oublié
non
ni reconnu ni vu
sans nom
sang
mais l'écouter comme
le vent la vie qui passent
l'écouter crier
chanter en nous peut-être
par les oiseaux de mai
Martine Morillon-Carreau
Sens dessous, n°4
Retrouvez la poésie de cet auteur dans l'anthologie subjective de Guy Allix
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