Cairn à la pierre rouge...
Mardi 13 avril 2010, hier j'étais sur une plage de la côte de nacre et j'ai tellement subit le vent du nord qu'aujourd'hui, la météo étant semblable, je décide de travailler à l'intérieur des terres. L'été dernier, passant par là, je remarque que l'un de mes cairns en place depuis quelques années s'était écroulé. Je décide d'aller voir ça de plus près. Je quitte la ville et m'enfonce dans la campagne, traversant des hectares et des hectares de terres labourées qui seront couvertes de blé, d'orge de maïs et même de lin. Je laisse sur la droite, la départementale et continue à pied sur un chemin de terre battue. J'approche de mon ancienne installation réalisée dans un pâturage clos de barbelés sur trois de ses côtés et adossé à une sorte de falaise en pente au pied de laquelle on a déchargé depuis bien des années, terres de déblais et pierres. C'est sur l'une de ces buttes que j'avais élevé mon premier cairn, d'environ 1,20 m. de haut. Il s'est en effet écroulé, mais d'après les traces " on a du lui donner un coup de main. J'ai la surprise de trouver une seconde décharge de pierres sur la seconde butte, avec cette foi, l'espoir de pouvoir en remonter un plus grand. Je choisis mon endroit et commence par tracer un cercle ( il fait 4,60 mètres de circonférence) qui va me servir de base. Les plus grosses pierres font plus de 25 kilos et je les soulève, d'abord à hauteur des genoux puis je les cale sur mon ventre avant de les transporter jusqu'à leur place. C'est une vraie gymnastique en terrain instable, en pente, glissant, où le corps est mis à très rude épreuve. Ainsi toutes les pierres les plus lourdes seront placées dans la partie basse, pour terminer au sommet avec de la plaquette. calcaire . Sa forme ronde m'oblige tout naturellement à tourner autour pour l'élever afin de vérifier à l' œil si les aplombs sont bons et s'il n'a pas de faiblesses qui lui seraient fatales. Il faut être attentif à tout bruit de tassement ou de glissement qui annonce l'écroulement et prêt à faire un bon en arrière pour ne rester dessous. Lorsque je suis, par exemple à genoux au pied d'un tel cairn et que je regarde au sommet, je me sens si vulnérable, si petit, si léger, que chaque geste est fait sans brusquerie, tout en douceur. Ayant atteint la hauteur de 1.50m je pose une pierre rouge en son milieu. Elle sera témoin de mon intention du moment et lui donnera son nom. Je termine le cairn de la pierre rouge, et en fin d'après-midi, il atteindra ses 2.10mètres avec un poids évalué à 4,5 tonnes. Je quitte la butte et l'observe de loin. Il est bien planté sur le haut de la butte de terre, et sa silhouette est assez majestueuse dans ce pâturage. Je prends quelques photos et je quitte les lieux, satisfait et fatigué.
Roger Dautais
Valore
Valeur,
J'attache de la valeur à toute forme de vie, à la neige , à la fraise, la mouche.
J'attache de la valeur au règne animal et à la république des étoiles.
J'attache de la valeur au vin tant que dure le repas, au sourire involontaire, à la fatigue de celui qui s'est épargné, à deux vieux qui s'aiment.
J'attache de la valeur à ce qui demain ne vaudra plus rien et à ce qui, aujourd'hui vaut encore peu de choses.
J'attache de la valeur à toutes les blessures.
J'attache de la valeur à économiser l'eau, à réparer une paire de souliers, à se taire à temps, à accourir à un cri, à demander la permission avant de s'asseoir, à éprouver de la gratitude sans se souvenir de quoi. J'attache de la valeur à savoir où se trouve le nord de la pièce,
quel est le nom du vent en train de sècher la lessive.
J'attache de la valeur au voyage du vagabond, à la clôture de la moniale, à la patience du condamné quelle que soit sa faute.
J'attache de la valeur à l'usage du verbe aimer et à l'hypothèse qu'il existe un créateur.
Bien de ces valeurs j, je ne les ai pas connues.
Erri de Luca ( Italie-2002)