La grande tribu : en hommage à Youenn Gwernig |
Les jours heureux : à Marie-Claude |
Tombolo blues : pour Gwenola |
L'étranger bienvenu : pour Sadaya |
Ô Ria : pour Claude Pélieu |
L'heure unique et solitaire : pour Anne Le Maître |
Embarquement pour l'autre monde : pour Tilia |
Chaque seconde rouge versée ici : pour Annaïg |
Double règle du marais : pour Bagghia Shree |
Toul chignaned : pour Serge Mathurin Thébault |
L'équerre et le chemin : pour Christian Cottard |
Gémellité pentue : pour Erin |
Fleur des 7 Îles : pour Mari-Loeiza |
La seconde vie de l'arbre : Pour Marie-Josée Christien |
Boîte à mémoires nues : pour Anne des ocreries |
Aux trois filles de Youenn Gwernig,
Annaïg, Gwenola et Mari-Loeiza en toute amitié *
Comment je suis passé de l'hiver au printemps...
Le soleil est apparu, franc, oblique, venant de l'Ouest, bien longtemps après que les eaux du golfe n’eussent recouvert la phrase de Youenne Gwernig : " car il faut que chacun compose le poème de sa vie ". Je venais de l'écrire dans le sable du tombolo rejoignant les sept îles au continent, à marée basse. Ainsi se déroula la partie la plus importante du dernier jour de mon soixante et onzième hiver, sous une pâle lumière.
" ce sera un jour sans lui " m'étais-je dit en arrivant sur la plage. Cela ne m'avait pas empêché de faire une longue pause pour observer ce paysage du golfe qui gardait, comme seule la Bretagne sait le faire, le même caractère magique quelque soit le temps.Les îles, cela ne manquait pas dans les parages, avec des noms de rêve Er Runro, Radanec, Gavrinis, Île de la Jument, Île aux moines, pour les plus proches des sept îles où je me trouvais.
Comme hier, des oies bernaches se tenaient à une vingtaine de mètres du bord, plus nombreuses, cette fois, trente, peut-être quarante, indifférentes à ma présence. L'écho de leur bonheur et de leur tranquillité, m'atteignait. Courant avril, elles s'envoleraient jusqu'à la Sibérie, pour certaines d'entre elles. Qui n'a pas rêvé de les accompagner en vol jusqu'au lac Baïkal ? Assis sur une roche, je suivais le vol sur place de deux goélands, face aux vents d’ouest, bien établis, maintenant et qui refroidissait l'atmosphère. Habituellement beaucoup plus nombreux, ils profitaient de l'espace au maximum. Deux sternes vinrent s’ajouter au tableau et se posèrent à quelques mètres de moi, pour bricoler dans les goémons et gagner leur croûte.
Je m'étais juré de passer de l'hiver au printemps, en marchant. Marcher comme d'autres écrivaient, marcher ma vie pour éviter une catastrophe. C'est si vite arrivé lorsque le moral vous quitte.
Une spirale de plus s'inscrivait parfaitement dans cette volonté de faire. Elle était pour moi, comparable au voyage, avec un début et une fin. La concentration, je l'avais, l'application et la force physique, aussi. Restait à atteindre le lâcher-prise qui me permettrait d'ouvrir la porte aux rêves. Tout allait vite dans la décision, la mise en route. Tout sauf l'avance des travaux puisque mon pied gauche, servant de soc de charrue, avançait de 30 centimètres à chaque pas. Rien de plus. Sachant que le tour final ferait au moins 45 mètres, ce geste se répéterait 140 fois la manœuvre, simplement pour le boucler.
La mécanique cerveau-corps tendu-pied, fonctionnait bien et la fatigue se fit sentir normalement, avec des crampes aux jambes.
La machine à rêves se mit en route avec une kyrielle d'idées, parfois noires, plutôt agréables et en grande quantité. Sous un soleil caché et un ciel enveloppant, un peu gris, stressant, pas question d'abandonner car à force d'attendre que les idées viennent, tu te fais envahir par celles des autres !
C'est comme ça, qu'une fois de plus, j'entrais dans le monde Youenn Gwernig. Je revoyais cette veillé chez Anne Vanderlove , en compagnie de Gilles et de Marie-Claude à Kergrist, au pied du Méné Bré. Ses deux dogs endormis près de la cheminée, Anne avait chanté après le diner, avec sa voix inoubliable, si touchante. Nous avions ensuite parlé poésie :Angela Duval, Youenn Gwernig. Puis elle m'avait offert un de ses livres An Diri Dir (les escaliers d'acier) poèmes trilingues écrits aux États Unis, lors de son exil. La vie de cet homme ressemblait à une légende, une vie incroyablement riche que j'avais aimé, par la suite , croiser dans son œuvre. Et puis, il y avait surtout cette phrase que j'écrivais le plus souvent dans les sables " Car il faut que chacun compose le poème de sa vie", faite mienne, comme une sorte de direction à suivre, ce que je faisais maintenant depuis 35 ans.
Je l'écrirai encore en ce dernier jour d'hiver dans les sables du Golfe du Morbihan, pour que la mer la prenne, l'apprenne, l'engloutisse et la répète à l'envi au plus loin qu'elle puisse l'emporter.
J'ai tourné ma spirale en un peu moins d'une heure quinze. J'ai sorti ma boussle de ma poche afin de matérialiser un axe Nord/Sud. Je pouvais ainsi, me positionner dans l'espace, dans la géographie du pays. J'ai chois 3 grosses pierres , une serait le gnomon du centre, les deux autres, le nord et le sud.
Je suis allé ensuite chercher des pierres pour les positionner sur la circonférence et définir douze points d'orientation.
Tout cela avait pris du temps. La mer arrivait, me cernait par l’ouest et le nord et elle était à deux mètres de moi lorsque j'ai commencé à écrire la phrase de Youenn. Ce jour là, elle fut la plus rapide. Le temps de prendre quelques photos, elle avait englouti la moitié de mon travail..
J'ai donc recommencé à l'Est de la spirale et cela s'est terminé comme la première fois. Je m’imaginais oiseau planant, suivant cet océan en train d'envahir le golfe, contournant les îles, arrivant aux sept iles, lisant à l'aveugle les sables bretons, la phrase de Youenn, avant de la digérer, de la garder en mémoire de vagues, comme un cri du cœur, un poème flottant, un écho qui s'accrocherait au temps, à l'usure des marées, jusqu'à en devenir un lei-motiv, dans chaque houle, chaque tempête, pour rappeler aux hommes que rien n'est perdu tant qu'il reste un poète pour chanter la vie.
J'avais envie de cette transmission par la mer, pour le dires aux trois filles de Youenn Gwernig, Annaïg, Gwenola et Mari-Loeiza,elles qui venaient de l'autre coté de l'Atlantique, avec une âme de poète, avec tant de souvenirs de leur père. Je voulais leur dire et le faire passer par ce rituel de la spirale, en toute fraternité.
S'en suivit l'éclosion de la fleur des 7 îles qui serait ma dédicace pour Mari-Loezia.
Fleur née entre la laisse de mer et le trait de côte, à l'abri des vents comme une douce intention poétique.
Le premier jour du printemps, je l'ai célébré en réalisant des offrandes flottées, sous l'aulne et le noisetier, avec l'eau de source comme médiatrice, car l'esprit de mon grand-père paternel habite les sources du pays. Il faisait froid mais mon esprit était en paix et joyeux.
Les jours suivants passèrent par les tombelles de Kernours en quette du souffle, puis au pied du chant des morts , par la grande diagonales des cendres, alors que le vents jouait sa musique dans les pendrions de bambous., pour faire mon offrande-cairn à la ria.
Il m'a suffit , afin de clore cette série de petits voyages en direction du rêve, de passer le pont noir, suspendu au-dessus du Sal, pour aller saluer l'âme des bateaux au cimetière marin, en bordure de forêt. J'y ai trouvé le calme de l'heure unique entre deux giboulées et le chant de l'arbre mort pour ses voisins dont les carcasses reposent pour leur éternité sur la vase de l'anse.
L'année pouvait continuer.
Roger Dautais
INVITATION
I am inviting you, dear Humanity on the time and day you like (pipers are always playing) to a party without tuxedo come on naked, come on naked I want you to come on naked and dance in the ballroom of my heart. Well, this is my invitation I think nobody will come but day and night and this is my pledge I’ll keep my door unlocked. |
PEDADENN Ho pediñ a ran, Denelezh ker, d’an deiz, d’an eur a blijo deoc’h (dalc’hmat e son ar sonerien) d’an abadenn hep dilhad sul deuit e noazh, deuit e noazh fell a ran din ho kaout noazh da zañsal e sal va c’halon. Ma setu va c’hartenn gouvi krediñ a ran ne zeuio den met noz ha deiz ha sed ul le e vano dor va zi debrenn. |
INVITATION
Je vous invite, chère Humanité,
au jour et à l’heure qu’il vous plaira
(il y a toujours des sonneurs de service)
pour une réception sans habit de rigueur
venez nue, venez nue
il me faut
vous avoir nue
pour danser dans la salle de mon cœur.
Eh bien, voici ma carte d’invitation,
je pense qu’il ne viendra personne
mais nuit et jour
et ceci est un vœu
il n’y aura pas de verrou sur ma porte.
Je vous invite, chère Humanité,
au jour et à l’heure qu’il vous plaira
(il y a toujours des sonneurs de service)
pour une réception sans habit de rigueur
venez nue, venez nue
il me faut
vous avoir nue
pour danser dans la salle de mon cœur.
Eh bien, voici ma carte d’invitation,
je pense qu’il ne viendra personne
mais nuit et jour
et ceci est un vœu
il n’y aura pas de verrou sur ma porte.
Youenn Gwernig
Les filles de Youenn Gwernig viennent de réaliser un formidable travail de mémoire pour honorer leur père et faire mieux connaître son œuvre puisqu'il n'est plus de ce monde
PEDADENN - INVITATION CD et Vinyle
33T
"La Grande Tribu" chante
Youenn
GWERNIG
Douze chansons pour un hommage en famille avec les
amis.
www.gwernig.com pour les retrouver
lagrandetribugwernig@gmail.com pour leur écrire