Remember : to Maé |
Anamorphose d'une vie : à Chochana Boukhobza, |
Bris de voies : Thibault Germain |
Annie Ernaux
La mécanique du cœur, lorsqu'elle s’enraille, tu vas au tapis.
R.D.
Mémoire n°1
Il y a plus de poésie dans le simple va et vient de la mer que dans le plus beau de mes cairns et cela me rassure de la côtoyer si souvent.
Mémoire n° 2
Anamorphose d'une vie
Capter la magie d'une spirale de sable, m'avait pris une grande partie de ma vie. A chaque fois, pourtant, je devais mettre mon savoir de côte et laisser parler mon cœur, tant chaque nouvelle spirale devenait avant tout une vie anamorphosée à découvrir.
Mémoire n°3
Le dernier jour où il fît beau.
Hier, il a fait beau jusqu'à l'horizon, jusqu'aux chênes que tu aimais enlacer.
Hier, il a fait beau jusqu'à l'écluse de Pompérin, où tu aimais te baigner nue.
Hier, il a fait beau jusqu'à la cabane des silences, où tu avais collé un lion en rut.
Hier, il a fait beau près de l'Ange cendré en ria, au pied du pin maritime.
Hier, il a fait beau dans le jardin des simples, au pied du château fort que tu aimais regarder.
Hier, il a fait beau jusqu'aux premières gouttes d'eau, salées par mes larmes sur mes joues, quand tu es partie.
Hôpital de Vannes
Service de cardiologie.
La nuit
Mémoire n°4
Corse
Ils parlent. Ils sont bien, sur le chemin de terre battue. Les souvenirs remontent, croisés, échangés du bout des regards. La rivière accueille une nouvelle marée.
Le clan Corse, siège au village. Extraordinaire et noir, dans le silence de Nonza, rôles distribués.
Les galets luisants raconteraient leur histoire, plus tard, vague après vague de désir, remuée, rejouée.
Ils quittent la mer, de vue,escaladent le maquis jusqu'au chemin de terre battue. Ils sont bien, à nouveau. Chacun marche en se tournant le dos. Un ravissement Divin emplit leurs deux cœurs.
Demain n'est jamais écrit, pensent-ils, ensemble.
Hôpital de Vannes
Service de cardiologie.
La nuit
Mémoire n°5
Vide
Mémoire n°6
Pour M.G. l'amnésique
Quand le corps fait naufrage
Ce n'est plus la douleur criante, délirante, absolue, celle qui cotoie la mort dans une boîte grise.
Non, c'est la douleur lourde, que la morphine ne suffit plus à calmer. Délire noir, épais, indigeste qui laisse peu de place à autre chose que celle d'une idée de sortie de vie, brutale.
Le corps est plaqué par la gravité de l'instant, collé, horizontal. La poitrine brûle et rappelle cette longue cicatrice rouge, preuve que mon thorax a bien été scié en deux. Le cœur réparé, souffre en silence. Une immense fatigue me fais voyager. Loin, très loin. Haut, très haut.
L'esprit décroche, sombre, un isntant, pèse le pour et le contre, d’une telle condition humaine. Faut-il vivre ? Faut-il arrêter les frais ?
Puis, la vie reprend le dessus.
Hôpital de Rennes-Pontchaillou
Service de réanimation cardiaque.
Mémoire n°7
à Marie-Claude
Mon corps décédé, descend le Nil...
Asouan, ta main dans la mienne.
Sous la felouque, le Nil.
Le bonheur dans tes yeux de rencontere les miens.
Tout est lenteur
tout est beauté.
Sans cesse, les pêcheurs, frappent le fleuve de leurs filets.
Demain, ce sera
Abbou Simbel
et notre amour des temples.
Roger Dautais
Nuit morphinique
Service de réanimation
en chirurgie cardiaque
Hôpital de Rennes Pontchaillou.