Le serment de Penhouët : à Marie-Claude |
L'élan en baie de Saint Jean : pour Thibault Germain |
D'un monde à l'autre : pour Camino roque |
Paroles de fougères : Pour Marie-Josée-Christien |
Le chant des lavandières de Gouyanzeur : Pour Guy Allix |
La traversée rouge : pour Chris |
Le témoin bleu de Kermadio : pour Dritange |
Le cri de Cadoudal: pour Tilia |
Spiralede Saint-Cado I : pour Joelma |
Spirale de Saint - Cado à marée haute : To the sea |
Ode au couchant de Mériadec : à Tesa Medina |
Mémoire de Ria d'Auray : Pour Nathalie Beaumes |
Mandala song : pour Uuna |
Les orgues silencieuses : pour Anne des Ocreries |
L'adieu au Soleil : Pour Alain Jégou et Claude Pelieu |
Pour Marty, avec mon amitié.
Un jour en Bretagne
Pas trop envie de quitter l'île de Saint Cado, mais, si je veux être à l'heure, au rendez-vous du soleil couchant et de la marée, il faut partir maintenant.Le froid est vif. Je n'est croisé âme qui vive à cette heure dans les rochers qui donnent dans la Ria d'Etel. Il est 16 heures et le soleil commence à descendre. Nous sommes presque en hiver. Je n'ai parlé à personne et la solitude de cet instant me va. La vie est étrangement belle par moments. La nature m'absorbe et je m'absente du monde. Parfois le réveil est brutal. Je me demande ce que je fais là. Le sens plein de mes actions ne m'apparaît pas dans l'immédiat. Il me faut conjuguer, assemblages, ressenti, associations de couleurs,de formes, émotions, exaltation, teintés de doute. Et si c'était la dernière fois ? Je boucle une année de plus et dans 8 jours exactement, j'aurai 71 ans. Nul ne sait quel avenir m'est destiné, mais j'ai la belle intention de ne rien changer dans mon mode de vie : pratiquer le land art, au jour le jour. Continuer à publier des poètes, ici, car leur parole nourrit mes rêves de liberté.
Je rejoins la plage du bourg de Saint-Cado qui fait face à l'Île du même nom. Il est temps de me mettre à l'ouvrage. Je commence le tracer d'une spirale dans ce lieu de la Ria d'Etel dont les lumières sont surprenantes de beauté. A quelques mètres du bord, une barque de pêcheur, à l'ancre, se fait promener sur 180° par la marée montante.On dirait qu'elle dans en m'accompagnant. Ma solitude est parfois interrompue par des compliments que m'adressent des marcheurs, du haut de la digue " Eh ! Celle là, elle n'est pas née de la main de l'homme ! Je pense " non ! Je travaille comme un pied". Mais répondre me déconcentrerai et il me reste peu de temps, alors, je les salue de ma casquette. Ainsi, je trouve le temps de terminer dans les derniers rayons du couchant puis la mer reprend ses droits et dévore ma spirale. J'aime son appétit !
Rive Droite :
Au croisement des mondes des Vivants, des morts et des esprits
Je cherche à atteindre et découvrir la Baie de Saint Jean, depuis qu'une de mes lectrices me l'a recommandée. Mais voilà, malgré la carte d'état-major, ce n'ai pas facile car je me laisse souvent distraire et je prends facilement les chemins de traverse comme ce jour là. Je me dirige vers la rivière de Crac'h et je traverses quelques villages : Coët an Hour, Kerhivan, Kergroix, me laissant guider par la beauté des lieux. Rien n'est grave dans ces petits voyages qui me perdent puisque, je cherche cela.
Et puis je tombe sur un endroit magique, très habité par l'eau. Un triangle de routes, planté de chênes centenaires avec au milieu un lavoir envahi par les herbes et d'une attirance incroyable. Me voici bien au croisement des mondes des vivants, des morts et des esprits. Les cris des lavandières, leurs rires, ont convoqué les fougères pour qu'elles témoignent au lavoir de Gouyanzeur, de la vivacité des eaux dormantes et s’assemblent en triskel. Ici, les mémoires sont de chair et de sang et c'est par une ribambelle de gouttelettes rouges qu'elles rejoindront les chênes centenaires, au-dessus de cressons.Sur la route de Penhouët j'ai entendu le galop d'une cavale blanche, sans la voir. Aux chênes centenaires, témoins muets, j'ai demandé de garder le serment de Penhouët matérialisé par deux cœurs transpercés d'une ligne rouge. Ici le geste ponctue la vision et l'installe sur un banc battu par les vents et la pluie. Je reste sous le charme de cet endroit.
Je reviendrai au petit matin gelé, lorsque la brume recouvrira l'étang du silence qui jouxte le lavoir et lui apporte l'eau. Je lui confierai quelques poésies secrètes d'Allix, de Grall, de Gwernig afin d’apaiser ces forces qui stoppent ma progression vers la Ria.
Rive Gauche
La Baie de Saint Jean
Quelques jours plus tard, je décide d'attaquer mes recherches par la rive gauche de la rivière de Crac'h. Bien sûr, j'aurai pu me faire emmener bêtement sur les lieux par un autochtone mais où serait le jeu et le plaisir ? En fait, après quelques errances de plus, je constate que la clé de la découverte passe par le dolmen de Luffang, dont je vous ai parlé la dernière fois. Après, c'est facile : marcher plein Est puis tourner première route à gauche, vers Kerhihuel, Lann er Marr, rejoindre Kerjean à l'Ouest, marcher sur Kerougan et tourner à droite au premier croisement. Après un kilomètre de marche,la Baie de Saint Jean, dans toute sa majesté.
Le sol est gelé, ce matin, l'herbe craque sous mes pieds. L'air est vif et les cris des oiseaux de mer, transpercent l'espace. L'esprit des lieux est immense. Il faut se faire tout petit, attendre, regarder, comprendre. Je marche au bord de l'eau et rencontre bientôt, une minuscule plage de sable fin.. Je pose mon sac à dos et je m'agenouille pour contempler les rayons de soleil qui s'emparent de la ria. Instants rares où l'esprit se repose entièrement, bercé par le spectacle d'une nature apaisée. On pourrait dire que le silence se fait prière, si je savais prier. Deux installations naîtront de ces instants. La première parle de la vie, de la mort, autour d'une pomme de pin et des magnétismes échangés au moment où tout bascule.
La seconde sera réalisée un peu plus tard pour artiste finlandaise, Uuna, très inspirée par les mandalas et que j'aime beaucoup.
Je reviendrai le lendemain en fin d'après-midi, capter d'autres ondes, d'autres messages et lever un cairn avec la naïveté d'un enfant qui veut chanter la beauté du monde et rendre hommage au coucher du soleil.
Roger Dautais
SANS
COMMENTAIRE
Sans
l'amère à boire eau
fabulée
sans embâcles sans
infernaux
paluds ni lisières
pissées
de sang sanglots
divinement
mélancomiques
glauque
noire plissée rouge
tout
juste débâtée
incomestible
et pourtant nourricière
fuite
fuite cambuse des bourlingues
boutique
sans retour à la bricole
voici
qu'elle déboule et rempêtre l'amas méga
tonnant
des galets polypoly morphes-et-chromes
ombre
pour solde de tout compte
avalante
incertaine
sans
écaillues
sirènes aux mouillages forains
sans
Noë Crusoë les mains dans l'achillée
mille-feuilles
la roquette jaune la rose pimprenelle
sans
part catégoriquement maudite
ou
pas sans charge de la preuve délivrance
désaveux
palingénésies sans fondu
tourneboulé
l'or à l'aube et dans l'est
sans
l'oiseau phénix la digitale pourpre
les
corneilles grandes petites moyennes
l'aigrette
dépeignée
beurré
salé le ciel excessi
vement
feuilleté foutoir
rectangulaire
et décalco
maniaque
à la fenêtre
large
pièce de boeuf cru rouge/bleu
fourbi
d'acide azur si peu que
si
pourtant pas grand
chose
et ni
fait ni à faire
sans
espoir ou ni quoi
ni
qu'est-ce son envers enfer mais
non
sans la petiote espérance l'enfant merveillée
qui
criait dans les embruns ar mor! ar mor!
(On
disait que là-bas les vents
désensés
sans frontières gueulaient
noir
couraient brassaient
la
fumante écumante houle)
sans
tambour ni trompette
bastingages
ballasts bastringue à métaphores
sans
trimètres amphibrachiques
ouèbe
ou gougueule
sans
lingerie armoire à confitures
rempailleuses
ni matelassières à l'ancienne
sans
les rues ni les bois profonds et noirs
sans
le verbe être et tout ou
rien
déluges majuscules rabines ou sauts de loup
sans
les pluies sur la table rouge dans un parc à lilas
et
ce pavillon un peu trop campagne et sans où
aller belles verdures
roses et pommiers
deuil
pour deuil
sans
lettre morte (ou vive)
l'Ource
l'Armance la Lanterne et l'Ognon
le
rouge-queue d'avant 8h
ni
le papillon jaune citron les loopings
et
les grands planés dans les vents norrois
des
trissantes les hirondelles
sans
la belle ombre
passagère
rêveuse celle
qui
dit: si mes souvenirs sont exacts
ce
nuage je l'ai déjà vu il y a 107 ans
dans
un grenier c'était
dans
un faubourg
qui dira: in my
end
is
my beginning et vice-versa
sans
à qui parler pour de vrai
définitivement
sans mots
mots
mots cochonnerie
sans
moi sans
MOI
et
la vie c'était inouiement
douce
ou pas douce ces jours
à
bises draches et calicots noirs
et
rouges ces jours
à t'aimer
littéralement
et dans tous les sens
dis le fut-ce?
8
septembre 2013
Henri DROGUET
Pour mieux connaître Henri Droguet :
http://poezibao.typepad.com/poezibao/2012/01/henri-droguet-anthologie-permanente.html