Aux marcheurs du bout de l'An
un jour avec, un autre sans...
Voilà deux jours qu'une pluie fine et tenace tombe sur la région. En début de semaine, j'ai tenté une sortie. Marcher par un temps pareil rend difficile la moindre installation. Je laisse passer la nuit et le lendemain matin, une légère accalmie me redonne espoir. Je prends la direction des plages.
Dans le chemin creux qui mène aux grèves, j'aperçois la mer, calme et au bas. Avec un coefficient de 94, elle aura bien dégagé l'estran. Mais sur ces côtes, le paysage est à découvrir au dernier moment car les empierrements peuvent disparaître sous des tonnes de sable, d'une semaine à l'autre.
Je marche plein nord. L'air marin me fouette le visage. Il ne fait que 3 degrés et je vais travailler les mains dans l'eau. Aujourd'hui, pas de spirales possibles, tout le sable est mouillé, trop tassé. Je vais donc monter des cairns. Ce seront les derniers de l'année. Aujourd'hui, j'ai la main et trouve facilement les points d'équilibre. Je suis encore limité dans le portage des pierres depuis mon accident du 9 mai. C'est un vrai plaisir que de choisir chaque pierre, l'apporter au lieu choisi et monter le cairn, face à la mer.
Je change d'axe de marche et remonte vers l'est. Je croise quelques marcheurs emmitouflés. Ils me saluent. Sur mon trajet, je trace une figure géométrique dans le sable mouillé. Elle s'intègre bien au mouvement laissé par la mer, en se retirant, d'ici.
Je découvre , dans un rayon d'une vingtaine de mètres, une réserve de pierres blanches, alors que l'estran est couvert de goémon noir à cet endroit. Elle auront passé un très long temps sous les sables avant d'être découvertes, ce qui aura préservé leur blancheur. Dans deux mois, elles seront colonisées par les d'algues.
Je les regroupe en un ensemble de personnages que je désigne comme étant, les marcheurs du bout de l'an. C'est à eux que reviendra la mission d'aller vers cette nouvelle année, parmi les grèves.
Mon imagination m'emporte avec eux. J'ai tellement envie d'enchanter ce monde gris, que parfois, je me laisse prendre au jeu de cette transformation.
Avec ce jour de soleil, comme une trêve au milieu de la dernière semaine de l'année, je n'ai réalisé que la moitié de mon projet. Je dois, maintenant, travailler à l'intérieur des terres.
Le lendemain matin est gris, plombé, avec un ciel qui traine par terre. Mes chaussures de marche sont encore mouillées et pleines de sable.Je me dirige vers un marais de la région. On y accède par une longue piste de terre battue qui traverse des terres ensemencées de blé et d'orge. Voilà bien longtemps que le remembrement a rasé toutes les haies. Le vent est au nord Ouest et rien ne l'arrête. Au-dessus de moi, un vol de corbeaux joue avec ces courants d'air, s'envole, se pose, avec facilité. Je suis plus lourd qu'eux et mes pieds collent à la piste. Le paysage est sinistre. J'arrive à la zone marécageuse et je pénètre dans le sous-bois qui la couvre. La petite rivière est à 100 mètres de l'orée. Ce sous bois est un piège. A peine ai-je fait 20 mètres que mes pieds s'enfoncent jusqu'aux chevilles dans un sol gorgé d'eau. Le pluies des derniers jours ont fait monter le niveau d'eau de la rivière et le sol spongieux, s'est gorgé d'eau par capillarité. Bain de pied obligatoire, fin décembre.
Je dois rejoindre la zone des arbres moussus et progresser encore. Je marche sur les branches mortes, les souches, et les terrains plus durs. J’arrive à la rivière. Je réalise trois petites étoiles de fougère, que j'ai le plus grand mal à installer, perché, à genoux, sur un tronc d'arbre et manque tomber à l'eau plusieurs fois.
Je quitte le bord du cours d'eau, et reviens vers le centre du bois. Je navigue entre les arbres mousus et cherche une idée pour symboliser les douze mois de l'année écoulée. Ce sera un ensemble de douze petites sphères de mousses posées en équilibre sur un arbre abattu par la dernière tempête.
J'ai réalisé mon objectif, un jour avec soleil, un autre sans, m'auront guidés dans les choix des lieux.
Au moment d'écrire cette page et de la réaliser, j'ajoute quelques installations plus anciennes. Je me souviens de cette découverte insolite sur une friche du port de Caen, en fin d'été. Un sac de ciment blanc, ayant perdu son emballage et qui attira mon regard, dans les broussailles. J'étais allé cueillir des pétioles de feuilles de vigne vierge, pour sortir provisoirement cette forme de l’anonymat. Une façon aussi pour moi, de réchauffer cette dernière présentation de mon travail, avant de continuer en 2012. J'aime a conserver cette errance de mon imaginaire qui me permet de voir ce que les autres ne regardent pas forcément. Ce temps consacré à la recherche de soi, à la connaissance de soi, est une constate navigation entre ma vie d'homme âgé et celle de l'enfant que j'étais, si proche de la nature. Une liberté qui a un certain prix, celui de ma vie.
Merci a vous, nombreux lecteurs et amis, qui ont fait son succès en France et à l'étranger. Merci à vous qui m'avez soutenu pendant les moments difficiles et donné l'envie de continuer, malgré tout, pour me reconstruire, bien sûr, mais aussi pour vous qui me le demandiez.
Bonne année à tous et que 2012 soit un peu plus humaine et pacifiée.
Bien amicalement
Roger Dautais
L'arbre fait le mort
tout l'hiver
sous la voix d'oracle
du vent
Il observe en silence
le fond du monde par ses racines
Il nous enracine dans le ciel vide.
Marie-Josée Christien
Les extraits du temps
(Les éditions sauvages )
Je marche plein nord. L'air marin me fouette le visage. Il ne fait que 3 degrés et je vais travailler les mains dans l'eau. Aujourd'hui, pas de spirales possibles, tout le sable est mouillé, trop tassé. Je vais donc monter des cairns. Ce seront les derniers de l'année. Aujourd'hui, j'ai la main et trouve facilement les points d'équilibre. Je suis encore limité dans le portage des pierres depuis mon accident du 9 mai. C'est un vrai plaisir que de choisir chaque pierre, l'apporter au lieu choisi et monter le cairn, face à la mer.
Je change d'axe de marche et remonte vers l'est. Je croise quelques marcheurs emmitouflés. Ils me saluent. Sur mon trajet, je trace une figure géométrique dans le sable mouillé. Elle s'intègre bien au mouvement laissé par la mer, en se retirant, d'ici.
Je découvre , dans un rayon d'une vingtaine de mètres, une réserve de pierres blanches, alors que l'estran est couvert de goémon noir à cet endroit. Elle auront passé un très long temps sous les sables avant d'être découvertes, ce qui aura préservé leur blancheur. Dans deux mois, elles seront colonisées par les d'algues.
Je les regroupe en un ensemble de personnages que je désigne comme étant, les marcheurs du bout de l'an. C'est à eux que reviendra la mission d'aller vers cette nouvelle année, parmi les grèves.
Mon imagination m'emporte avec eux. J'ai tellement envie d'enchanter ce monde gris, que parfois, je me laisse prendre au jeu de cette transformation.
Avec ce jour de soleil, comme une trêve au milieu de la dernière semaine de l'année, je n'ai réalisé que la moitié de mon projet. Je dois, maintenant, travailler à l'intérieur des terres.
Le lendemain matin est gris, plombé, avec un ciel qui traine par terre. Mes chaussures de marche sont encore mouillées et pleines de sable.Je me dirige vers un marais de la région. On y accède par une longue piste de terre battue qui traverse des terres ensemencées de blé et d'orge. Voilà bien longtemps que le remembrement a rasé toutes les haies. Le vent est au nord Ouest et rien ne l'arrête. Au-dessus de moi, un vol de corbeaux joue avec ces courants d'air, s'envole, se pose, avec facilité. Je suis plus lourd qu'eux et mes pieds collent à la piste. Le paysage est sinistre. J'arrive à la zone marécageuse et je pénètre dans le sous-bois qui la couvre. La petite rivière est à 100 mètres de l'orée. Ce sous bois est un piège. A peine ai-je fait 20 mètres que mes pieds s'enfoncent jusqu'aux chevilles dans un sol gorgé d'eau. Le pluies des derniers jours ont fait monter le niveau d'eau de la rivière et le sol spongieux, s'est gorgé d'eau par capillarité. Bain de pied obligatoire, fin décembre.
Je dois rejoindre la zone des arbres moussus et progresser encore. Je marche sur les branches mortes, les souches, et les terrains plus durs. J’arrive à la rivière. Je réalise trois petites étoiles de fougère, que j'ai le plus grand mal à installer, perché, à genoux, sur un tronc d'arbre et manque tomber à l'eau plusieurs fois.
Je quitte le bord du cours d'eau, et reviens vers le centre du bois. Je navigue entre les arbres mousus et cherche une idée pour symboliser les douze mois de l'année écoulée. Ce sera un ensemble de douze petites sphères de mousses posées en équilibre sur un arbre abattu par la dernière tempête.
J'ai réalisé mon objectif, un jour avec soleil, un autre sans, m'auront guidés dans les choix des lieux.
Au moment d'écrire cette page et de la réaliser, j'ajoute quelques installations plus anciennes. Je me souviens de cette découverte insolite sur une friche du port de Caen, en fin d'été. Un sac de ciment blanc, ayant perdu son emballage et qui attira mon regard, dans les broussailles. J'étais allé cueillir des pétioles de feuilles de vigne vierge, pour sortir provisoirement cette forme de l’anonymat. Une façon aussi pour moi, de réchauffer cette dernière présentation de mon travail, avant de continuer en 2012. J'aime a conserver cette errance de mon imaginaire qui me permet de voir ce que les autres ne regardent pas forcément. Ce temps consacré à la recherche de soi, à la connaissance de soi, est une constate navigation entre ma vie d'homme âgé et celle de l'enfant que j'étais, si proche de la nature. Une liberté qui a un certain prix, celui de ma vie.
Merci a vous, nombreux lecteurs et amis, qui ont fait son succès en France et à l'étranger. Merci à vous qui m'avez soutenu pendant les moments difficiles et donné l'envie de continuer, malgré tout, pour me reconstruire, bien sûr, mais aussi pour vous qui me le demandiez.
Bonne année à tous et que 2012 soit un peu plus humaine et pacifiée.
Bien amicalement
Roger Dautais
L'arbre fait le mort
tout l'hiver
sous la voix d'oracle
du vent
Il observe en silence
le fond du monde par ses racines
Il nous enracine dans le ciel vide.
Marie-Josée Christien
Les extraits du temps
(Les éditions sauvages )