à l'inconnue amnésique...
Tu me parlais d'infinis paysages
et l'oubli
a fait basculer ton horizon.
Alors,
J'ai pris mes ciseaux,
Je suis redescendu loin
très loin,
vers les rives
inconnues de toi
Et j'ai écrit
Comme autrefois,
Peace and Love.
Roger Dautais
Finalement l’enfance c'est pas grand chose
Les yeux du petit pauvre qui joue avec son rat
Ne brillent pas je veux dire
Pas plus que cela
Et celui qui s’émerveille c’est l’autre le
Mauvais riche qu’on sera
Quand on aura grandi
Quelle prose étrange que celle qui ne s’use pas qui
Ne meurt pas dans le pain qu’on achète
Le chemin qu’on demande
Qui revient
La poésie c’est exactement le même dessin
Noir et blanc sur du mauvais papier
Pas de couleurs comme on pourrait croire
Pas de belles retouches non plus
Perros a écrit quelque part qu’un poème
C’était « comme une prose de travers »
Comme une arrête en somme
Qu’on a dans la gorge
Quelque chose qui ne passe pas.
Ryoko Sekiguchi
Ryoko Sekiguchi est née à Tokyo en 197O, elle vit à Paris depuis 1997
A Marie-Claude...
DÉSTOCKAGE
Nulle part comme ici, sur ce port. Une poignée d’étoiles dans la main, je fouille la nuit. Les attentats salissent les journaux. Le sang caille entre les lignes des pigistes. Il est trois heures du matin. J’ai des images de seconde guerre mondiale dans la tête. Des entassements, des os brisés, des peaux verdâtres. Des bouts de silence accrochés aux barbelés. Les derniers cris en noir et blanc. Si souvent, s’aimer savait se dire, ici, sans larmes, ce serait sans regret qu’un jour, on jetterait l’ancre, les yeux secs d’avoir trop pleuré.
La vie est une meurtrière randonnée, avec, au bout du compte, l’un ou l’autre, en solitude.
J’avais rêvé des soleils à chaque seconde, des orages pour laver mes peines. J’avais écrit, jadis, au présent. Je marche vers le futur imparfait. J’invente un dernier coffre de bois.
Allumez les feux, brûlez tout, jusqu’aux souvenirs vécus dans les ruelles étroites des villes obscures. Oubliez les parcs paisibles, les plaines à blé, les terres gelées.
Ici commence la faim de toi.
J’irai te chercher plus loin que ton espérance. Sous une pluie glacée, les cheveux défaits, les yeux grands ouverts, l’âme ébréchée, prête à embarquer pour la dernière nuit.
L’horizon bascule devant une foule aveugle qui avance sans même nous regarder. Nous voici prêts. Il est temps de vivre enfin, comme nous le voulons, libres.
Roger Dautais