La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

dimanche 22 mars 2020





à Marie-Claude 



La mécanique des jours anciens.

Je pouvais imaginer, malgré moi, à n’importe quel instant, n’importe où, ce qu’il me restait à vivre Parce que les lieux aussi, avaient une mémoire, capable de surgir et de me provoquer des émotions. Certes, le land art m’apportait la paix de l’esprit et, malgré tout, il me déplaçaient, en pleine création, brutalement, jusqu’à mon enfance.
J’avais eu faim, dans les premières années de ma vie, peur, très souvent. J’avais été élevé dans la douleur, les punitions, l’enfermement , au point de revivre toutes ces scènes, très souvent. Un enfer qui m’avait détruit.
Mais ce rien me transportait aussi, dans ce paradis perdu, rejoindre Edith et Maud, dans le ruisseau de la rue Sébillot. Mes seules petites amies juives et orphelines de guerre, capables de me comprendre et de m’aimer un peu, avec leur cœur d’enfant.
Nous volions au temps tout ce que la vie ne nous accordait pas. Sans heures, presque, sans repères, nous passions des heures dans la rue, le ruisseau, à jouer, à chaparder, comme des enfants de la guerre, livrés à eux-mêmes, toujours habités par cette même peur que nous ne savions pas née d’une guerre vécue et subie. C’était dur à décrire.
Me venait, soixante quinze ans plus tard, cette mise en demeure d’écrire, cette injonction de la vie passée qui pesait dans ma vie, sans savoir exactement pourquoi j’aurais à le faire, puisque le premier mot de l’histoire me manquait.
Je pouvais diviser par dix, ce temps qui me restait à vivre, le multiplier par cent ou mille, c’était inutile. Il m’échappait, se coulait dans mes veines, me faisait avouer cette impossibilité d’échapper au destin.
Que devais-je faire de cette mémoire affective qui me jetait dans les bras de ma mère, elle qui avait vu ces maltraitances dont j’étais la victime, pendant des années, sans avoir jamais rien dit à son mari .
Étais-je devenu un vieux trop sensible, noyé dans des émotions inutiles ? Impossible de le savoir. J’avançais sur mon chemin, ayant perdu et enterré, beaucoup trop de monde. Je pensais souvent que c’était à mon tour de partir, de laisser la place. Le coronavirus me tendait les bras.
Alors, j’avais fini par abandonner ce calcul et continué à charrier des pierres jusqu’à mes dernières forces pour élever des cairns dont personne ne savait évaluer le prix de l’effort
L’orage avait laissé des traces dans mon cerceau et sur le sable. Des rivières pourpres, quittaient le trait de côte et rejoignaient la mer. Dans le bois de pins maritimes, une dizaine de corbeaux jouait avec le vide et l’écho de leurs cris renvoyés par la mer. Tu étais allée marcher, sur le chemin des douaniers, seule. Où avais-tu trouvé refuge, pendant l’orage ?
Pourtant, je n’étais pas inquiet. Je te savais vivante et revenant bientôt dans mes bras, pour m’embrasser avec tes lèvres douces.

Roger Dautais
Route 78
Cairn  : Ile de  Stuhan le Men Du

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.