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Pour Ana Mendieta
A vingt cinq kilomètres plus au nord, c'est la mer. Je suis allé rejoindre le lieu où, en 2002 nous tournions un documentaire avec une scène de land art à la mémoire d'Ana Mendieta, dont j'ai souvent parlé ici, comme une de mes artistes préférées. Pierres, eau du fleuve et sang. Le sang des coquelicots. On dirait que rien n'a changé, ni le vacarme de l'eau franchissant le déversoir, ni la végétation qui rend toujours aussi difficile l' accès aux berges. Une fois sur place, difficile de garder les pieds au sec bien longtemps car le choix des pierres demande à descendre dans l'eau. Je garde néanmoins mes chaussure de marche pour avoir une meilleure assise et pour ne pas glisser pendant le travail. J'élève un a un les cairns, plus petits qu'autrefois, santé oblige, car je dois ménager mon cœur, encore bien heureux de retrouver des gestes d'autrefois. Je suis seul dans ce lieu, baigné de lumière douce, dont la sérénité malgré le bruit de l'eau, m' enchante. J'aime ce fleuve, ses eaux vives et je l'honore de quelques cairns. Je sais que dans deux ou trois jours, ces mêmes eaux se mêleront à la mer, chargées de la mémoire des cairns. Elles raconteront à leur façon, je le sais. Je viens de terminer mon cairn le plus important lorsque je vois arriver, glissant sur l'eau, un kayak. C'est assez insolite ici pour me surprendre. Un jeune homme pagaie et arrive au pied du déversoir. Il me salue et me parle. Avec le bruit, je ne l'entend pas.
Je lui fais signe de s'approcher. Ce qu'il fait. Il pointe le nez de son kayak à 50 centimètres du cairn.
- Bonjour.
- Bonjour
- C'est beau
- Merci
- ça sert à quoi ?
- Et vous, ça vous sert à quoi de faire du kayak?
- ...Je ne sais pas. J'aime bien. ça m'aide à vivre et puis j'aime la nature. C'est la première fois que je viens ici. Je me croyais sur l'Amazone. ça change du canal.
- L'Amazone, oui...en plus petit. Vous avez beaucoup d'imagination.
Je lui explique en deux mots le land art qui m'aide aussi à vivre et ce besoin d'être présent au beau milieu de la nature. Il me parle encore de deux copains à lui qui, en ce moment traversent la Manche entre Portsmouth et Caen, sur un kayak à deux places. 180 kms en 24 heures. Impressionnant. Puis il reprend sa navigation vers Caen.
Nous avons chacun nos rêves, lui en début de sa vie, et moi, plutôt vers la fin. C'est le fleuve que nous a réuni. Cela valait bien de lui consacrer quels travaux. Dès le lendemain, je rattraperai sa mémoire en allant sur le canal, monter un dernier cairn, trait d'union entre le souvenir d'Ana et une route qui semble vouloir reprendre, malgré tout.
Roger Dautais
Les sentiers
tracés à pas d'homme
longent le silence
d'une vie.
Une blancheur éparse
laconique
s'obstine
jusqu'au ciel.
Je laisse aux mots
le soin de veiller.
Marie-Josée Christien
"Temps morts " Les cahiers du Rhin.
A la lisière de nos visages
l'ombre sinueuse des doigts
trace le chemin du vent.
Tout s'efface :
les pas sur le sable
les mots triturés de silence
les souvenirs d'une petite fille
qui court sur la grève
les cheveux emmêlés de sel
Tout s'efface:
La mer comme seul refuge
aux filets de la mémoire.
Lydia Padellec
( Visage sans nom) Inédit