Ne me volez pas le jour
la nuit s'en chargera
Tu vois ce que veut dire loin, petit . Eh! bien, je vis au-delà de ce loin. Là où personne, même pas toi ne pense que c'est possible de vivre, parmi les invisibles. C'est là que s'inscrit mon avenir, de plus en plus mince.
Chapardeur d'étoiles filantes, arpenteur de nuits d'encre, voleur de miroir brisé,adorateur du soleil d'hiver, frère de la neuvième lune, je nomme et oublie dans l'instant, la course, le pas , le geste.
Dénudé jusqu'à l'os, j'approche de la finale sans avoir levé le voile ni trouvé le mot juste pour parler de cet art et répondre à ce grand questionnement : pourquoi je pratique le land art depuis si longtemps ? Je reste en marge comme l'ortie dans un champ de coquelicots.
La mer me tend les bras. J'y retrouve les hors, yeux révulsés et blancs, qui nagent entre deux eaux. Paroles trépidantes, mains gonflées et tendues dans l'écume, ils scandent le chant des disparus.
Vivre sans place, admirer les autres, claquer des dents à l'aube, continuer l'errance n'est plus d'actualité.Ma mémoire amnésique me sert de bâton de marche. Mes mains ont appris le pierres rugueuses, le froid mordant de la neige qui tue, les sables brûlants d’Égypte, l'eau glacée des mares sur l'estran Breton, que l'hiver enveloppe de brumes perlées.
J'ai allumé des feux de solitude sur les côtes dangereuses du Finistère. Naufrageur, j'ai coulé des barques d'académiciens et nourri les poissons de leurs dictionnaires vétustes. D'un geste éthéré et narcotique, j'ai écrit, pierre par pierre, mon histoire sur l'estran, sans espoir de me relire. J'ai remué les sables d'Afrique au pied des Pyramides, couru les chemins creux en Bretagne et cherché dans les fontaines magiques, l'image des disparus.
Il faudrait arrêter la quête, stopper la course, bloquer les aiguilles de la montre et se coucher dans le brasier. Il faudrait devenir fumée blanche à l'horizon. Mais il se trouverait encore quelque redresseur de tort pour me dire: ce n'est pas ainsi que finit ton histoire. Ce n'est pas le jour.
Je leur répondrai, le temps venu
Ne me volez pas le jour
La nuit s'en chargera.
Roger Dautais
Mémoire
de la terre embrasée
la pierre suspend
les impatiences
J'attends
Que se dépose lentement
une parenthèse de sérénité
où les mots
polissent leur vérité
pierre après pierre
Marie Josée Christien
Envor
an douar entenet
ar maen a dorr
an hiraezh
Gortoz a ran
ken e teu goustad
ur prantadig seder
ma lemm ar gerioù
o gwirionez
maen goude maen (Traduction en breton de Claire Sauvaget)
Retrouvez Marie-Josée Christien sur son site :
www.ecrivainsbretons/Christien-Marie-Josée.html