Lampedusa blues : pour Maïté/Aliénor |
Guetteur de silence : mémoire de silence |
Cairn de Holy Motors : pour Denis Lavant |
Le point de non-retour : pour Chrys |
Cairn de la Jument : Ruma |
Cardinales : pour UUna |
Le charbon de bois : Guy Allix |
Mourir à Lampedusa : pour Marty |
Élévation pour une mise en terre : pour Serg-Mathurin Thébault |
Circulation transversale et rouge Pour Anne-Marie Bodard |
La partition : pour Erin |
La deuxième chance : pour Danièle Duteil |
L'arbre du pays Toraja : pour l'inconnu X |
Autopsie d'un estran : pour Marie-Josée Christien |
L'appel de l'errance : pour Youenn Gwernig |
Mémoires d'hiver : pour Pastelle |
Topographie d'un rêve : pour Sylvie ( L'esperluette ) |
Les autres raisons : pour Tilia |
Les sept raisons d'être là : pour Christian Cottard |
Focus : pour Noushka |
à Marie-Claude...
Lampedusa
Il fait froid. Le ciel est plombé. Je suis seul dans les falaises de Ty Bihan. Je cherche une grosse roche, qui se détacherait de la lourde masse des rochers et qui puisse être cernée à marée haute. Ici, avec le ressac, les vagues sont courtes mais puissantes. Je suis parti à la recherche de pierres oblongues avec lesquelles je vais installer une scène évoquant des naufragés perchés sur la roche. Je dois en trouver une douzaine. Ils évoqueront les silhouettes des rescapés provisoires.
Cette quête me prend un peu de temps, car la marche sur ces pierriers mouillés, très glissantes, est un peu risquée lorsqu'on a les bras chargés. Un par un, les corps s'érigent. Je retourne ensuite à la recherche de têtes pour mes personnages.
2002 fût la première année de mes installations sur le thème de l'exil. 2016, le phénomène s'est amplifié, toujours plus cruel. Je l'évoque régulièrement, Mare Nostrum, les noyades de masse, Lampedusa.
Mes personnages se veulent provisoirement sauvés mais regardent-ils vers la mer, à la recherche de disparus ayant eu moins de chance, ou vers le continent, à la recherche d'un autre pays plus accueillant?
La scène est en place à Ty Bihan. Les premières vagues approchent et frappent le rocher. Premières photos, insatisfaisantes. Je ne travaille pas au téléobjectif, je préfère être dans l'action, sentir la mer, le froid. Le niveau d'eau commence à monter. J'entre dans la mer. Elle est froide. Les vagues prennent du volume, de la puissance. Ma présence en ce lieu est limitée, car à tout moment, une vague plus haute, plus forte, peut m'emporter. Je fais mes dernières photos et me dégage vivement vers l'arrière. Il était temps.
L'arbre du pays Toraja
Pourquoi me suis-je perdu dans cette dévotion particulière, ce culte aux enfants-mort-nés des Toraja ? Probablement, après avoir découvert récemment que cette coutume très touchante de confier le corps des enfants défunts au ventre des arbres ressemble à ce que je dessine depuis longtemps sans jamais avoir eu connaissance de cette cérémonie.
Mais aussi parce que la mer a rejeté un corps sans tête sur une plage proche d'ici, la semaine dernière. Peut-être nous montrait-elle à sa façon qu'à son tour elle savait se nourrir des hommes qui la considèrent comme un lieu de ressource sans limites.Dans les rochers de Kerpenhir, je trouve un bois flotté de belle taille, plus près de l'arbre que de la branche et dont la courbe m'inspire aussitôt. Le problème est de le déplacer, sans le porter car il est trop lourd. Je calcule tous mes mouvements pour ménager mon dos blessé. . Je le place à l'horizontal et sa forme évoque un dôme sur lequel, je vais élever mon cairn qui sera, ici, l'arbre du pays Toraja, élevé à la mémoire de l'homme qui perdit la tête en mer, sur une plage voisine.
Cueillette
J'ai ramassé pas mal de baies et graines ces derniers jours, profitant de la pluie et du mauvais temps pour renouer avec mes chemins creux. J'ai cet exercice de la cueillette qui prend du temps et fait approcher de près, différents végétaux. Le ruscus est l'un de ceux-ci et pousse en abondance dans la région, notamment dans les sous-bois et les chemins creux, humides, dans l'ombre.
Elles me servent à réaliser des installations, à l’intérieur de cabanes de chantier, de pêcheurs, à l'abandon qui me permettent de travailler à l'abri. Recherches géométrique de mes extravagances rêvées, topographie d'une vie imaginaire, elle surgissent régulièrement depuis des années, comme pour ponctuer des travaux in-situ. La concentration, la patience requise dans ces créations, me permettent une total extraction du monde. Elles ouvrent à la méditation.
Mémoires d'hiver
Mes premières boîtes à mémoires remontent à une dizaine d'années, alors que mon premier gisant a 18 ans. Si le second a pratiquement disparu depuis mon retour en Bretagne, trois en 3ans, les boîtes à mémoires sont toujours présentes. Il s’agissait, dans les premières, de définir un cadre, puis de collecter, différents végétaux, minéraux, dans un rayon de 2 m. J'ai changé les règles, agrandissant le périmètre, jusqu'à 50m. M'est venue l'idée de cueillir le long d'un parcours, d'une marche, tout rassembler et réaliser une boîte. Celle qui est présentée ici, rassemble les mémoires de chaque végétal , cueilli pendant une seule et unique marche dans le courant du mois de Janvier.Ce sont bien des couleurs d'hiver.
Cairns
L'océan s'engouffre dans le Golfe du Morbihan. Je me situe sur la première petite plage, entre la grotte au pins et le grand Menhir. Les dernières tempêtes l'ont recouverte de goémon noir. Dans une anse, à l'abri du fort courant de marée montante, une quarantaine d'oies bernaches , trouve sa pitance, accompagnée de de quelques mouettes. J'aime leur présence, leur calme, leur sérénité. Le magnétisme du lieu est particulièrement fort, probablement renforcé par la présence de cette masse d'eau en mouvement, toutes les six heures à la renverse de chaque marée. J'ai passé plus de temps à observer cette nature, qu'à travailler. Cela me permet aussi de porter en moi ces intentions d'hommage qui finissent par se matérialiser en cairns. J'ai trouvé en ce lieu, de très grosses pierres couverts de lichen or que j'ai aimé associer au ballet aérien de mes pierres libres.
Envoûtant envolée céleste, confrontation de plein d'univers ou vecteur de rêve, le cairn s'impose en ces lieux, me laissant loin derrière.
En ces temps de petite santé, le land art m'interroge. C'est quelque chose qui me dépasse et me concerne en même temps. Il y a des chose de moi, oubliées, que je retrouve. Elles me permettent de traverser mes épreuves. La route 73 existe bien sous mes pieds, je me dois de la parcourir au mieux.
Roger Dautais
la côte hostile
sa présence
parmi les brumes
au loin
nulle tension palpable
pourtant
dans ces hôtels
où l’on mange toujours
trop
***
il n’y a rien
après
si ce n’est que
la vie
continue
celle qu’on a
quelquefois
créée
aux instants
de l’évidence droite
***
on fait de nous
des avachis du chariot
malgré nous
sous les hangars béats
heureux nous
de Sainte Consommation
Paul Badin
Pour en savoir plus sur ce poète
consulter l'Anthologie subjective du frérot, Guy Allix :
http://anthosuballix.canalblog.com/pages/paul-badin/27631919.html