Paroles de fleuve
Rive gauche, rives droite, chemin faisant, j'atteindrai bien la mer...
C'est ce que je me disais l'autre jour, me rendant à quarante kilomètres au sud des côtes de la Manche. Mon intention de dialoguer avec les eaux du fleuve, guiderait mes pas sur les deux rives. Côtoyer, aux portes de l'hiver, ces eaux vives et découvrir une fois de plus, ses rives désertes, m'obligerait à pratiquer un land art épuré jusqu’à faire parler le peu, blotti au creux de la froidure humide.
Lorsque je suis arrivé au grand déversoir, j'ai tout de suite compris que le programme ne se déroulerais pas comme d'habitude. Il me faudrait descendre dans le lit du fleuve, dont les berges asséchées marquaient ainsi, le manque d'eau du dernier été. Je pris les précautions d'usage pour descendre sur les rocs dont les plus intéressantes étaient posées à moitié dans l'eau. Par ce temps, glisser dans le fleuve n'avait rien d'agréable, parfois même, dangereux, mais il faut bien aller les chercher où elles sont.
Le déversoir était bruyant et rendait, en écume, l'eau qu'il avait empruntée, calme, en amont. J'ai élevé mon premier cairn, puis le second, et le troisième. Je me disais être bien loin des plages, vers le nord, rêvant déjà y faire une spirale dans le sable .Voici mon langage, me disais-je, mes pierres muettes, ma grammaire, ma syntaxe fluviale qui racontait l'histoire d'un homme assez vieux, pour ne plus perdre sa vie à cela. J'écrivais ainsi, une biographie éphémère que personne hormis le fleuve ne lirait un jour. Au fur et à mesure de mon avance, les pieds trempés, je trouvais un alibi et ralentissais la marche, dans le lit de ce fleuve, écoutant les quelques oiseaux présents, profitant du crépuscule, de sa lumière tamisée qui couvrait d'or les arbres en aval. Je terminais, loin du déversoir, dans un silence qui boucla la boucle et
m 'accompagna jusqu’à la nuit.
Le lendemain, je longeais une autre partie du fleuve, cette fois ci, rive droite. Territoire maritime dont les eaux saumâtres déposaient depuis des siècles ces vases grises qui rendant si dangereuses les berges à marée basse. J'accompagnais du regard, les eaux grises que la marée basse aspirait vers l'estuaire, dans un bruit léger, un froissement qui n'avaient aucun rapport avec les masses d'eau en mouvement. Je m'enfonçais dans le sous bois, gardant le bruit du reflux, à l'oreille.
Lorsque j'arrivais au lieu recherché, le fleuve avait perdu quelques mètres par rapport aux hautes eaux et, s'était immobilisé. C'est un léger souffle qui marqua la renverse et l'arrivée du flux avec ses eaux plus raides, écumeuses, charriant sur le ventre, la future laisse de mer. C'est pendant ces mouvement que je trouvais l'inspiration et réalisait quelques installations. Plus tard, je passais côté canal pour terminer mon voyage.
Le troisième jour, je retrouvais les plages par un temps à ne pas mettre un chien dehors. Une température très basse, 3°, un vent de Nord, Nord-Ouest de 40 K/heure et des grains cinglants. Alors pourquoi, y aller avec de pareilles conditions climatiques. Tout simplement à cause du soleil qui me servit une lumière fugace, certes, mais d'une si grande beauté , que je n'ai pu résister.
Les sables, grêles avaient été tassés par ces pluies d'orage. Je savais que cela serait difficile. Comme, je me sentais en forme malgré tout, je m'y suis mis. Je vous ai raconté dernièrement, d'où je sors et quelles sont mes difficultés physiques, mais je me suis acccroché. Bien sûr, la spirale était moins profonde, mais elle était là. La mer est arrivée dessus, au moment où je traçais le 24ème tour. J'ai photographié ces instants inoubliables même si je les ai vécus très souvent. J'ai pris des photos sous l'averse, et je pensais plus à mon appareil qu'à moi. Je suis remonté dans les falaises, attendre que le grain passe et j'ai continué à travailler dans le froid humide. Le land art nous oblige à ces dépassements et nous plonge au cœur des éléments qu'il faut savoir supporter pour comprendre. Des petits bonheurs qu'il faut vivre pleinement.
Roger Dautais
Lorsque je suis arrivé au grand déversoir, j'ai tout de suite compris que le programme ne se déroulerais pas comme d'habitude. Il me faudrait descendre dans le lit du fleuve, dont les berges asséchées marquaient ainsi, le manque d'eau du dernier été. Je pris les précautions d'usage pour descendre sur les rocs dont les plus intéressantes étaient posées à moitié dans l'eau. Par ce temps, glisser dans le fleuve n'avait rien d'agréable, parfois même, dangereux, mais il faut bien aller les chercher où elles sont.
Le déversoir était bruyant et rendait, en écume, l'eau qu'il avait empruntée, calme, en amont. J'ai élevé mon premier cairn, puis le second, et le troisième. Je me disais être bien loin des plages, vers le nord, rêvant déjà y faire une spirale dans le sable .Voici mon langage, me disais-je, mes pierres muettes, ma grammaire, ma syntaxe fluviale qui racontait l'histoire d'un homme assez vieux, pour ne plus perdre sa vie à cela. J'écrivais ainsi, une biographie éphémère que personne hormis le fleuve ne lirait un jour. Au fur et à mesure de mon avance, les pieds trempés, je trouvais un alibi et ralentissais la marche, dans le lit de ce fleuve, écoutant les quelques oiseaux présents, profitant du crépuscule, de sa lumière tamisée qui couvrait d'or les arbres en aval. Je terminais, loin du déversoir, dans un silence qui boucla la boucle et
m 'accompagna jusqu’à la nuit.
Le lendemain, je longeais une autre partie du fleuve, cette fois ci, rive droite. Territoire maritime dont les eaux saumâtres déposaient depuis des siècles ces vases grises qui rendant si dangereuses les berges à marée basse. J'accompagnais du regard, les eaux grises que la marée basse aspirait vers l'estuaire, dans un bruit léger, un froissement qui n'avaient aucun rapport avec les masses d'eau en mouvement. Je m'enfonçais dans le sous bois, gardant le bruit du reflux, à l'oreille.
Lorsque j'arrivais au lieu recherché, le fleuve avait perdu quelques mètres par rapport aux hautes eaux et, s'était immobilisé. C'est un léger souffle qui marqua la renverse et l'arrivée du flux avec ses eaux plus raides, écumeuses, charriant sur le ventre, la future laisse de mer. C'est pendant ces mouvement que je trouvais l'inspiration et réalisait quelques installations. Plus tard, je passais côté canal pour terminer mon voyage.
Le troisième jour, je retrouvais les plages par un temps à ne pas mettre un chien dehors. Une température très basse, 3°, un vent de Nord, Nord-Ouest de 40 K/heure et des grains cinglants. Alors pourquoi, y aller avec de pareilles conditions climatiques. Tout simplement à cause du soleil qui me servit une lumière fugace, certes, mais d'une si grande beauté , que je n'ai pu résister.
Les sables, grêles avaient été tassés par ces pluies d'orage. Je savais que cela serait difficile. Comme, je me sentais en forme malgré tout, je m'y suis mis. Je vous ai raconté dernièrement, d'où je sors et quelles sont mes difficultés physiques, mais je me suis acccroché. Bien sûr, la spirale était moins profonde, mais elle était là. La mer est arrivée dessus, au moment où je traçais le 24ème tour. J'ai photographié ces instants inoubliables même si je les ai vécus très souvent. J'ai pris des photos sous l'averse, et je pensais plus à mon appareil qu'à moi. Je suis remonté dans les falaises, attendre que le grain passe et j'ai continué à travailler dans le froid humide. Le land art nous oblige à ces dépassements et nous plonge au cœur des éléments qu'il faut savoir supporter pour comprendre. Des petits bonheurs qu'il faut vivre pleinement.
Roger Dautais