à deux cent jours près...
à celle que j'aime
Lorsque j'arrive sur la plage, le temps est gris, avec des promesses de soleil. Je vois Le Havre au loin sur ma droite. La mer est basse, coefficient 89. Une petite dizaine de pêcheurs à pied tente sa chance, qui à la crevette grise, qui aux étrilles, pour les plus valeureux. Ils ont traversé la passe, avec de l'eau jusqu'aux épaules pour rejoindre les rochers ne découvrant qu'aux belles marées. Il fait 8 °, mais le vent nous laisse en paix. L'été, ils seraient ici, une bonne centaine et moi, beaucoup moins tranquille pour pratiquer le land art.
Bientôt 200 jours que je me soigne depuis notre accident de voiture. Mon rêve est simple puisqu'il consiste à refaire une grande spirale de 24 tours( comme les 24 heures du jour) dont la circonférence atteindra 45 mètres, une fois achevée.
Il y a trois semaine, mon dernier essai s'est soldé par un échec au bout de six tours car je perdais l'équilibre. L'exercice demande d'en avoir un minimum ! Alors, j'ai redoublé d'ardeur chez la kiné, sans la mettre dans la confidence car elle n'aurait pas compris que je fasse cette chose.
Depuis deux jours, je me sentais pouvoir essayer. Hier était le bon jour.
J'ai choisi un endroit, pas trop près de ma mer qui commençait à monter. Je ne me voyais pas encore faire la course avec elle comme je l'ai fait si souvent. Tant pis pour le recouvrement sous les vagues.
Et j'ai commencé, le corps légèrement plié vers l'avant, le talon gauche planté dans le sable et faisait office de soc, la jambe droite tendue, servant de moteur. En fait, il n'y a aucun repaire pour réaliser cette spirale, c'est purement mental. Il faut avoir intégré le mouvement en soi. Le rythme doit être soutenu, et très rapidement calé sur le souffle.
Je me suis mis a progresser jusqu'au 6ème tour. C'est là que les douleurs sont apparues. D'abord dans la cuisse gauche, avec cette sensation de brûlure et puis dans toute la jambe. Je me suis dit, il faut que j'en fasse au moitié la moitié, 12 tours, après, les muscles seront chauds et ça passera. Lorsque j'en suis arrivé là, non seulement, les deux jambes étaient prises mais je sentais mon tendon d'Achille gauche, près à me lâcher. J'en connais le prix, en ces treize années de pratique de land art et l'âge venant, je me suis arrêté de nombreuses fois, jusqu'à m'arrêter plusieurs semaine pour récupérer de tendinites.
Pourtant, avec douze tours, la spirale commençait vraiment à pendre de l'allure. Je me suis dit,si j'en ai fait douze, je peux encore en faire autant. A un détail près, le premier tour sur soi fait à peine un mètre et les derniers, beaucoup plus long.
J'ai failli arrêter et pourtant, je me suis remis au travail, me rendant compte que j'avais gardé mon sac à dos et que je m’accrochais à ma canne de marche, qui ne me servait àrien, comme pour avoir une compagnie rassurante. Avec la fatigue, je perdais l'équilibre, me rattrapant en plantant ma canne de arche dans le sable.Dans ces moments d'intense effort, la solitude est plus pesante et chaque détail pouvant donner un peu de courage, compte énormément.
J'aime cette figure de spirale, parce qu'elle difficile à réaliser, qu'elle demande une grande maîtrise et qu'elle s'intègre parfaitement dans un paysage marin, tout en restant à la mesure de l'homme, sans faire appel à du matériel. On peut dire que la, dans la boîte à outil, il faut la tête et les jambes. C'est vraiment dans l’esprit du des pionniers du land art.
Je l'ai terminée, fier de l’avoir fait dans ces conditions difficiles, car il va me falloir quelques temps pour récupérer physiquement, mais je sais, maintenant, que je peux toujours la faire. Content de la dédier à celle que j'aime et qui était à mes côtés dans la voiture, le soir de notre accident.
J'ai regardé cette spirale d'autant plus que le soleil est venu répandre une lumière d'or sur la page pendant une demi-heure.
Il faut avoir vu ce spectacle, " in situ", pour comprendre cette magie du land art, de cette spirale qui capte si bien la lumière et la renvoie généreusement. A 40 mètres, on ne la voit pas, et si l'on s'approche, il se passe toujours quelque chose entre le passant et elle.
La mer était encore loin, au moins à une heure de la recouvrir par les premières vagues et elle l'aura probablement prise à la tombée de la nuit, sans autre témoin que les mouettes et les goélands.
J'ai terminé mon travail en dessinant ce danseur qui jongle avec elle depuis des années, puis une dédicace To The Sea et enfin quelques unes de mes étoiles.
Je pouvais repartir, avec mes douleurs et ma satisfaction de les avoir dépassées.
A deux cents jours près, dans la nuit printanière du 9 mai 2011, sur une petite route de Cornouailles, la mort nous avait accordé un répit, et permis de retrouver des petits bonheurs de la vie, parmi lesquels, le land art.
Roger Dautais
Veuillez excuser la mise en page aléatoire et critiquable de mes photos land art, faite par Bloguer et que je n'ai pas réussi à corriger.
R.D.
.../
Je reprends le voyage
sans trouver le port
ouvert dans le silence
Une main invisible
rassure
éclaire le regard
quand plus rien
ne tient
Un soupçon de sève
où se promet le sens
accompagne le secret.
*
De l'humidité
de l'humus
surgit
la palpitation du monde
Un mouvement de l'âme
m’accueille
et me fonde
surgi
de l'extrême pointe
du désespoir
l'ignorance précède
ce qui se tait.
*
Je sais
l'affleurement
des mots
au cœur du silence
Au vif du vent
un autre versant
de moi
se découvre
à l'écoute du monde
*
Dans l'infime écheveau
où la parole se déroule
je cherche la vie
à tâtons
J'avance
mot à mot.
Marie Josée Christien
Extrait de texte paru dans l'anthologie "5 Voix de Bretagne" présentée par Jacqueline Saint Jean aux éditions Encres Vives( 2007
Lorsque j'arrive sur la plage, le temps est gris, avec des promesses de soleil. Je vois Le Havre au loin sur ma droite. La mer est basse, coefficient 89. Une petite dizaine de pêcheurs à pied tente sa chance, qui à la crevette grise, qui aux étrilles, pour les plus valeureux. Ils ont traversé la passe, avec de l'eau jusqu'aux épaules pour rejoindre les rochers ne découvrant qu'aux belles marées. Il fait 8 °, mais le vent nous laisse en paix. L'été, ils seraient ici, une bonne centaine et moi, beaucoup moins tranquille pour pratiquer le land art.
Bientôt 200 jours que je me soigne depuis notre accident de voiture. Mon rêve est simple puisqu'il consiste à refaire une grande spirale de 24 tours( comme les 24 heures du jour) dont la circonférence atteindra 45 mètres, une fois achevée.
Il y a trois semaine, mon dernier essai s'est soldé par un échec au bout de six tours car je perdais l'équilibre. L'exercice demande d'en avoir un minimum ! Alors, j'ai redoublé d'ardeur chez la kiné, sans la mettre dans la confidence car elle n'aurait pas compris que je fasse cette chose.
Depuis deux jours, je me sentais pouvoir essayer. Hier était le bon jour.
J'ai choisi un endroit, pas trop près de ma mer qui commençait à monter. Je ne me voyais pas encore faire la course avec elle comme je l'ai fait si souvent. Tant pis pour le recouvrement sous les vagues.
Et j'ai commencé, le corps légèrement plié vers l'avant, le talon gauche planté dans le sable et faisait office de soc, la jambe droite tendue, servant de moteur. En fait, il n'y a aucun repaire pour réaliser cette spirale, c'est purement mental. Il faut avoir intégré le mouvement en soi. Le rythme doit être soutenu, et très rapidement calé sur le souffle.
Je me suis mis a progresser jusqu'au 6ème tour. C'est là que les douleurs sont apparues. D'abord dans la cuisse gauche, avec cette sensation de brûlure et puis dans toute la jambe. Je me suis dit, il faut que j'en fasse au moitié la moitié, 12 tours, après, les muscles seront chauds et ça passera. Lorsque j'en suis arrivé là, non seulement, les deux jambes étaient prises mais je sentais mon tendon d'Achille gauche, près à me lâcher. J'en connais le prix, en ces treize années de pratique de land art et l'âge venant, je me suis arrêté de nombreuses fois, jusqu'à m'arrêter plusieurs semaine pour récupérer de tendinites.
Pourtant, avec douze tours, la spirale commençait vraiment à pendre de l'allure. Je me suis dit,si j'en ai fait douze, je peux encore en faire autant. A un détail près, le premier tour sur soi fait à peine un mètre et les derniers, beaucoup plus long.
J'ai failli arrêter et pourtant, je me suis remis au travail, me rendant compte que j'avais gardé mon sac à dos et que je m’accrochais à ma canne de marche, qui ne me servait àrien, comme pour avoir une compagnie rassurante. Avec la fatigue, je perdais l'équilibre, me rattrapant en plantant ma canne de arche dans le sable.Dans ces moments d'intense effort, la solitude est plus pesante et chaque détail pouvant donner un peu de courage, compte énormément.
J'aime cette figure de spirale, parce qu'elle difficile à réaliser, qu'elle demande une grande maîtrise et qu'elle s'intègre parfaitement dans un paysage marin, tout en restant à la mesure de l'homme, sans faire appel à du matériel. On peut dire que la, dans la boîte à outil, il faut la tête et les jambes. C'est vraiment dans l’esprit du des pionniers du land art.
Je l'ai terminée, fier de l’avoir fait dans ces conditions difficiles, car il va me falloir quelques temps pour récupérer physiquement, mais je sais, maintenant, que je peux toujours la faire. Content de la dédier à celle que j'aime et qui était à mes côtés dans la voiture, le soir de notre accident.
J'ai regardé cette spirale d'autant plus que le soleil est venu répandre une lumière d'or sur la page pendant une demi-heure.
Il faut avoir vu ce spectacle, " in situ", pour comprendre cette magie du land art, de cette spirale qui capte si bien la lumière et la renvoie généreusement. A 40 mètres, on ne la voit pas, et si l'on s'approche, il se passe toujours quelque chose entre le passant et elle.
La mer était encore loin, au moins à une heure de la recouvrir par les premières vagues et elle l'aura probablement prise à la tombée de la nuit, sans autre témoin que les mouettes et les goélands.
J'ai terminé mon travail en dessinant ce danseur qui jongle avec elle depuis des années, puis une dédicace To The Sea et enfin quelques unes de mes étoiles.
Je pouvais repartir, avec mes douleurs et ma satisfaction de les avoir dépassées.
A deux cents jours près, dans la nuit printanière du 9 mai 2011, sur une petite route de Cornouailles, la mort nous avait accordé un répit, et permis de retrouver des petits bonheurs de la vie, parmi lesquels, le land art.
Roger Dautais
Veuillez excuser la mise en page aléatoire et critiquable de mes photos land art, faite par Bloguer et que je n'ai pas réussi à corriger.
R.D.
.../
Je reprends le voyage
sans trouver le port
ouvert dans le silence
Une main invisible
rassure
éclaire le regard
quand plus rien
ne tient
Un soupçon de sève
où se promet le sens
accompagne le secret.
*
De l'humidité
de l'humus
surgit
la palpitation du monde
Un mouvement de l'âme
m’accueille
et me fonde
surgi
de l'extrême pointe
du désespoir
l'ignorance précède
ce qui se tait.
*
Je sais
l'affleurement
des mots
au cœur du silence
Au vif du vent
un autre versant
de moi
se découvre
à l'écoute du monde
*
Dans l'infime écheveau
où la parole se déroule
je cherche la vie
à tâtons
J'avance
mot à mot.
Marie Josée Christien
Extrait de texte paru dans l'anthologie "5 Voix de Bretagne" présentée par Jacqueline Saint Jean aux éditions Encres Vives( 2007