La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

jeudi 24 novembre 2011






























































































































































































































































































à deux cent jours près...



à celle que j'aime


Lorsque j'arrive sur la plage, le temps est gris, avec des promesses de soleil. Je vois Le Havre au loin sur ma droite. La mer est basse, coefficient 89. Une petite dizaine de pêcheurs à pied tente sa chance, qui à la crevette grise, qui aux étrilles, pour les plus valeureux. Ils ont traversé la passe, avec de l'eau jusqu'aux épaules pour rejoindre les rochers ne découvrant qu'aux belles marées. Il fait 8 °, mais le vent nous laisse en paix. L'été, ils seraient ici, une bonne centaine et moi, beaucoup moins tranquille pour pratiquer le land art.
Bientôt 200 jours que je me soigne depuis notre accident de voiture. Mon rêve est simple puisqu'il consiste à refaire une grande spirale de 24 tours( comme les 24 heures du jour) dont la circonférence atteindra 45 mètres, une fois achevée.
Il y a trois semaine, mon dernier essai s'est soldé par un échec au bout de six tours car je perdais l'équilibre. L'exercice demande d'en avoir un minimum ! Alors, j'ai redoublé d'ardeur chez la kiné, sans la mettre dans la confidence car elle n'aurait pas compris que je fasse cette chose.
Depuis deux jours, je me sentais pouvoir essayer. Hier était le bon jour.
J'ai choisi un endroit, pas trop près de ma mer qui commençait à monter. Je ne me voyais pas encore faire la course avec elle comme je l'ai fait si souvent. Tant pis pour le recouvrement sous les vagues.
Et j'ai commencé, le corps légèrement plié vers l'avant, le talon gauche planté dans le sable et faisait office de soc, la jambe droite tendue, servant de moteur. En fait, il n'y a aucun repaire pour réaliser cette spirale, c'est purement mental. Il faut avoir intégré le mouvement en soi. Le rythme doit être soutenu, et très rapidement calé sur le souffle.
Je me suis mis a progresser jusqu'au 6ème tour. C'est là que les douleurs sont apparues. D'abord dans la cuisse gauche, avec cette sensation de brûlure et puis dans toute la jambe. Je me suis dit, il faut que j'en fasse au moitié la moitié, 12 tours, après, les muscles seront chauds et ça passera. Lorsque j'en suis arrivé là, non seulement, les deux jambes étaient prises mais je sentais mon tendon d'Achille gauche, près à me lâcher. J'en connais le prix, en ces treize années de pratique de land art et l'âge venant, je me suis arrêté de nombreuses fois, jusqu'à m'arrêter plusieurs semaine pour récupérer de tendinites.
Pourtant, avec douze tours, la spirale commençait vraiment à pendre de l'allure. Je me suis dit,si j'en ai fait douze, je peux encore en faire autant. A un détail près, le premier tour sur soi fait à peine un mètre et les derniers, beaucoup plus long.
J'ai failli arrêter et pourtant, je me suis remis au travail, me rendant compte que j'avais gardé mon sac à dos et que je m’accrochais à ma canne de marche, qui ne me servait àrien, comme pour avoir une compagnie rassurante. Avec la fatigue, je perdais l'équilibre, me rattrapant en plantant ma canne de arche dans le sable.Dans ces moments d'intense effort, la solitude est plus pesante et chaque détail pouvant donner un peu de courage, compte énormément.
J'aime cette figure de spirale, parce qu'elle difficile à réaliser, qu'elle demande une grande maîtrise et qu'elle s'intègre parfaitement dans un paysage marin, tout en restant à la mesure de l'homme, sans faire appel à du matériel. On peut dire que la, dans la boîte à outil, il faut la tête et les jambes. C'est vraiment dans l’esprit du des pionniers du land art.
Je l'ai terminée, fier de l’avoir fait dans ces conditions difficiles, car il va me falloir quelques temps pour récupérer physiquement, mais je sais, maintenant, que je peux toujours la faire. Content de la dédier à celle que j'aime et qui était à mes côtés dans la voiture, le soir de notre accident.
J'ai regardé cette spirale d'autant plus que le soleil est venu répandre une lumière d'or sur la page pendant une demi-heure.
Il faut avoir vu ce spectacle, " in situ", pour comprendre cette magie du land art, de cette spirale qui capte si bien la lumière et la renvoie généreusement. A 40 mètres, on ne la voit pas, et si l'on s'approche, il se passe toujours quelque chose entre le passant et elle.
La mer était encore loin, au moins à une heure de la recouvrir par les premières vagues et elle l'aura probablement prise à la tombée de la nuit, sans autre témoin que les mouettes et les goélands.
J'ai terminé mon travail en dessinant ce danseur qui jongle avec elle depuis des années, puis une dédicace To The Sea et enfin quelques unes de mes étoiles.
Je pouvais repartir, avec mes douleurs et ma satisfaction de les avoir dépassées.
A deux cents jours près, dans la nuit printanière du 9 mai 2011, sur une petite route de Cornouailles, la mort nous avait accordé un répit, et permis de retrouver des petits bonheurs de la vie, parmi lesquels, le land art.



Roger Dautais


Veuillez excuser la mise en page aléatoire et critiquable de mes photos land art, faite par Bloguer et que je n'ai pas réussi à corriger.
R.D.





.../

Je reprends le voyage
sans trouver le port
ouvert dans le silence
Une main invisible
rassure
éclaire le regard
quand plus rien
ne tient
Un soupçon de sève
où se promet le sens
accompagne le secret.

*
De l'humidité
de l'humus
surgit
la palpitation du monde
Un mouvement de l'âme
m’accueille
et me fonde
surgi
de l'extrême pointe
du désespoir
l'ignorance précède
ce qui se tait.

*


Je sais
l'affleurement
des mots
au cœur du silence
Au vif du vent
un autre versant
de moi
se découvre
à l'écoute du monde
*
Dans l'infime écheveau
où la parole se déroule
je cherche la vie
à tâtons
J'avance
mot à mot.

Marie Josée Christien

Extrait de texte paru dans l'anthologie "5 Voix de Bretagne" présentée par Jacqueline Saint Jean aux éditions Encres Vives( 2007

lundi 14 novembre 2011













































































Spirales et Mandala...


Une légère brume plane sur la ville. Depuis plusieurs jours, j'ai remarqué de beaux tapis de feuilles mortes dans un petit bois du centre ville et j'ai décidé d'y réaliser quelques installations.
Le samedi matin, il y a moins de mouvement et je serai plus tranquille. J'arrive sur les lieux et commence par admirer cette couverture jaune orangé, de feuilles d'érables. Ce ne sont pas les plus faciles à travailler car elles sont assez larges. L'humidité relative de la nuit, les a un peu tassées et rend ma tâche plus facile. Je commence à tracer ma première spirale au pied d'un érable, à l'aide d'un râteau à feuilles. J'établis un rythme et je m'y tiens pour assurer la régularité de la figure géométrique. Fuschhh...Fuschhh, les feuilles chantent, foisonnent lorsque je dégage un chemin d'herbe, avant de les ranger sur le côté dans le sillon. Schlaaa...Schlaaa... je les tasse sur l’épaisseur avec les dents de mon râteau.
Il faut emporter le mouvement assez vivement pour garder une certaine rapidité d'exécution. Cette première spirale me prendra 45 minutes.
Je passe tout de suite à la réalisation de cercles concentriques autour d'arbres plus petits.
Quelques personnes passent non loin de mon chantier, mais ne sont pas décidées à parler. Il est vrai qu'il ne fait pas très chaud.
Qu'en pensent-elles? Je ne le saurai jamais.
Je m'avance vers un espace plus dégagé et je vois de grands taches de couleurs sous les hêtres à deux cent mètres de là. Je vais m'y rendre pour continuer la série. Je passe auprès d'une souche d'arbre, coupée au raz du sol. Elle est entourée de graines d'érables dont je vais me servir pour réaliser un mandala. C'est une expérience de la patience, de l'attention dans les gestes, de l'intention secrète et personnelle qui me permet de rejoindre celle que j'aime, par la pensée.
à cet instant, le soleil fait une belle apparition pendant une petite demi-heure et me permet de prendre quelques photos.
Une fois terminé cette installation, je me rends sous les hêtres dont les feuilles mortes ont tapissé l'herbe de la grande prairie. Elles sont plus petites et plus facile à travailler. Je vais réaliser coup sur coup, deux autres spirales qui seront terminées, pour la deuxième au moins, à la tombée de la nuit. Je ne pense pas en réaliser d'autres dans cette ville, d'ici la fin de l'année,car c'est toujours moins agréable à faire qu'en pleine nature et parfois difficiles à tracer en présence des usagers de ces lieux.
J'ai rêvé de ces spirales et bien avant, rêvé de transformer ces espaces sans aucun espoir de voir perdurer autre chose qu'une trace dans ma mémoire qui viendra nourrir le désir de recommencer, encore et encore à pratiquer le land art, pour embellir ma vie.
Prochainement, je rejoindrai les plages où je me sens plus en liberté.

Roger Dautais







Ne me parle surtout plus de l'inimaginable


Ni la brise ni l'esprit ne se conjuguent à rien
La tête sans guide saisit la peur que tout s'arrête
Des yeux déjà se brouillent

Le cœur est invisible
Avez-vous déjà marché sur de l'angoisse ?
Bien que midi écrive par mots sombres
Bien qu'août mauvais pèse sur la tête du monde
Qui donc fera les premiers pas ?
Il y faudra choisir ce que l'on quitte !

Ah ! l'ordinaire, l'ordinaire ! Ne me parle surtout pas de l'inimaginable !
Brusque aventure de la récolte en gris d'un rire de brume dont ma semence en tapinois veuille
nous venir en partage.


Gabrielle Althen

Retrouvez cet auteur sur l'Anthologie subjective :
guyallix.art.officelive.com/gabriellealthen.aspx

jeudi 3 novembre 2011













































































écrire sur le bord des rivières...


à Marty,


Ils m'ont téléphoné pour me rencontrer.
Dix étudiants en B.TS. de communication, vont faire le voyage jusqu'à Caen pour me rencontrer après m'avoir choisi parmi quelques artistes contemporains pour préparer une exposition photo de mes travaux. Ils seront dix, mercredi prochain et cette rencontre m'honore bien sûr mais elle m'inquiète aussi.
Qui suis-je et que vais-je pouvoir leur dire sur le land art ?
Pourquoi j'écoute Miles Davis ce soir, pourquoi Kind of Blue m'accompagne dans cette soirée, pourquoi je pratique le land art? Je ne sais pas. Enfin, si je sais, mais de quelle méthode relève mon travail, je dirai... aucune.
J'aime écouter cette musique, sorte d'écriture automatique qui répond à ma sensibilité d'auditeur, quasiment néophyte.
J'aime aller dans cette insouciance du lendemain artistique, avec cette idée que je n'ai pas fait grand chose en ces treize années de pratique, enfin, pas au point de me " plomber " l'esprit de références lourdes, d'encyclopédie de mes propres œuvres, non, rien de cela.
De simples carnets de routes dont le vent aurait arraché les pages, une à une, pour ne laisser que la spirale.
En somme, un oubli joué avant l'heure, puisque, à la fin du jeu, j'entends par là, notre fin,
ce qui reste n'empêchera pas les oiseaux de voler.
J'aurai dû, sans doute, collectionner, classer, concourir, mais je ne l'ai pas fait. Je n'étais et je ne suis toujours pas fait pour cela.
Je préfère la légèreté de l'oubli, la profondeur du questionnement sur le terrain, l'attente stérile parfois d'une inspiration qui se fera attendre, à la profonde chute qui m'aurait rattaché au conventionnel, au plaisir de plaire.
Je marchais dernièrement sur un chantier maritime de la Côte de Nacre qui, il faut le dire a effacé une partie de mon territoire où j'aimais réaliser des spirales pour des ferries en partance.
Je ne suis pas contre le progrès, mais certains chantiers me font mal, lorsque je vois un paysage tout entier disparaître au profit d'une zone portuaire.
J'étais sur ces immenses blocs à regarder la mer et j'ai trouvé à mes pieds, quelques poignées d'éclats de roches, aussitôt transformés en spirale minuscule que j'offrais à la Manche, en cadeau. Dérisoire geste, où simple résistance de l'infiniment petite intention au bouleversement du paysage ? Chacun choisira.
Ici, sur ce blog du Chemin des Grands Jardins, j'aurai sans doute aussi dû classifier, par date, lieu, saison mais comme je ne vis pas comme ça et que depuis mon accident, je fais avec ce qui me reste, je passe toutes les frontières, à ma guise, presque avec affront, sans freiner l'enfant qui est en moi.
En forêt, il y a deux jours, pour sentir l'automne qui bizarrement m'inspire moyennement car elle apporte trop de couleurs d'un coup, je me suis laissé aller dans cette rêverie qui permet aux choses de se transformer à mes yeux, avant de les réaliser.
Vous jugerez des routes de mon inconscient pour traduite des " pensées forestières".
Depuis bien longtemps, j'arpente cette terre, et après avoir failli, stopper le voyage en Mai de cette année, je devrai, sans doute vivre comme un vieux qui ne sort plus de chez lui et compter mes jours. Mais non, je ressens, petit à petit, la vitalité reprendre le dessus, et cette envie de sortir, de ressentir , l'eau, la terre, l'air m'accompagner dans cette quête, sur cette route devenue ma vie.
Après tout, je devais être programmé ainsi, vivant un peu à l'écart du troupeau, capable de sortir de ma poche, un bout de laine trouvé en marchant, capable de m'agenouiller pour regarder couler l'eau, et puis, tout simplement, écrire sur le bord des rivières...



Roger Dautais







Po Chu Yi


Le monde est plein de bruits et de fureur
Il fait froid
Trop paresseux pour me lever
Les pensées en désordre
J'ouvre mon vieux livre de poèmes
Je pense à l'endroit où personne ne vient
Je pense aux arbres, aux nuages et aux rochers
Je pense à l'odeur des herbes
Je pense aux corbeaux de la montagne
Je pense aux jardins de Lo Yang
Je pense aux deux grues qui savent danser
Je pense à Po chu Yi
Je pense au poète tranquille et oisif
Je pense au parfum du vin
Je pense au son de la pluie
Je pense au goût du ciel
Je pense à la nuit profonde et silencieuse
Je pense au poète qui s'enivre et dort profondément
Je pense au bon vent dans le clair de lune.



Bruno Sourdin


Retrouvez ce poète :


guyallix.art.officelive.com/brunosourdin.aspx

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.