Reconnaissance en Mor Braz : pour Éliane Biedermann |
Chant de pierres pour une vague de passage : pour Thibault Germain |
L'interruption : pour Chantal Miscoria |
Le perce-silence : pour Maria D. Cano |
Le chant du druide : pour Leeloo |
Vœux pour l'avenir : Pour Maïté Alénor |
Ligne rouge : pour Pastelle |
Carré jaune sur estran : pour Synnöve Schneider |
Le dernier carat : pour Erin |
Les quinze muettes : pour Marty |
L'autre saison : pour Patrick Lucas |
Le petit confident : pour Serge Mathurin Thébault |
Vers l'ailleurs :Pour Rick Forrestal |
Boîte à mémoires de Brec'h : pour Bréatriz Macdewell |
Le sang des chênes : pour Marine D. |
Un trou dans le ciel : pour Françoise Jourdan |
Le retenu : pour Emma ( pictozoom) |
à Marie-Claude
Nos lieux, nos instants, à jamais uniques...
François Cheng
Salle d'attente.
Ces petits renoncements quotidiens, je ne sais plus s'ils prennent une forme insidieuse pour m'épargner des instants de vie pénible ou pire encore, s'ils ne sont que des lambeaux de mort dont la présence me rappelle qu'un jour, il faudra bien quitter tout ça, y passer pour de bon. Cette médecine là qui me conseille d'en faire le moins possible, je lui tourne le dos. Manquerait plus que je devienne docile, sage, prudent. Alors, ce serait la fin, pour de bon.
Je continue la route 73 en faisant ce que je peux avec mes moyens d'homme ordinaire.
Sans doute ai-je expérimenté pendant ces dernières semaines, la meilleure façon de vivre en pratiquant le land art.
Les quinze muettes
Le vent a dominé toute la région qui en reste endolorie, mais il fait partie du pays. Des hivers sans tempête, ça n'existe pas en Bretagne.
Entre les accalmies, je prends la route la mer.
Entre les accalmies, je prends la route la mer.
J'arrive sur la plage et me dirige vers l'ouest face aux vents dominants. Ils vont accompagner cette marche dans le froid humide.
Je sais que dans cette direction, je vais découvrir un pierrier géant. Je suis la falaise pendant une demi-heure avant de la quitter pour descendre vers la mer. Elles sont toutes à mes pieds, les pierres que je recherche, les énormes, les grosses, les moyennes , les toutes petites, camouflées sous ce maelstrom.
Une idée me vient : je vais toutes les compter puisque ça ne dérangera personne et qu'en plus, j'ai le temps de le faire. Un vrai travail de titan. Je dois toutes les déplacer pour en oublier aucune.. Muni d'un carnet et d'un crayon, je commence le décompte et fais un bâton sur ma feuille blanche à chaque dizaine. Arrivé à cinquante, je suis assez fier de moi. A cent, je me demande à quoi ça me servirait d'en savoir le nombre que j'oublierai probablement très vite.Cela n'apporterait rien à la beauté naturelle du site. Je mets fin à ce décompte inutile et j'observe la mer . Au large, l'île de Méaban se fait manger par le brouillard. C'est alors que sont arrivées de la plage voisine, les Bernaches dont le séjour va bientôt prendre fin en Bretagne , pour rejoindre la Sibérie. En fin de saison, elles s'approchent de nous, ayant perdu toute peur de l'homme. Je les ai regardées se nourrir, puis j'ai commencé à élever mon premier cairn. Je lui ai donné le nom des quinze muettes puisqu'elles le sont aujourd'hui, mes amies les oies.
Je regarde avec émotion, cette minuscule plante grasse qui s'accroche à la falaise, ignorée de tous, mais vivante. Comme je lui ressemble, aujourd'hui.
Un autre jour
Le ciel est gris avec promesse de soleil dans les nuées. C'est encore l'hiver. Deux petits degrés au-dessus de zéro, ce n'est pas très chaud pour fréquenter les bords de l'océan, pourtant, je ne sais résister à son appel. Debout dans l'immense pierrier, face à la Mor Braz, qui sera recouvert aux trois-quart par la marée montante, je me laisse envahir par le charme de ce lieu désert.
Le monde est bruyant, ça sent la guerre, les attentats, la poudre, la mort et j'ai besoin de ce silence, d'un long temps de pose, loin de tout. Je me laisse bercer par le bruit léger du ressac, sur les pierres d'en bas.
Tel un guetteur, je cherche la pierre de base. Elle doit être importante, bien placée, de forme intéressante. Je vais élever mon premier cairn sur elle..
La voici, proche de l'eau, mais au sec. La seconde, je la trouve assez vite, à proximité. Je la place sur la base et la cale avec deux petites pierres. Je vais chercher la troisième à dix mètres. Le transport est compliqué car le terrain est bancal, glissant par endroits, à cause des algues. Je dois éviter la chute à tout prix pour préserver mon dos souffrant.Une fois ces trois pierres assemblées de façon provisoire, j'ai déjà une idée sur la forme terminée de ce cairn. Je l'imagine très bien, s'élevant, libre dans l'espace, fièrement dressé face à la mer, attendant cette fin de vie qui lui sera servie par une vague, pour mieux renaitre sous une autre forme.
L'effort a été réel, suffisant pour me dépouiller de toute idée de possession, de domination sur la pierre, sur le paysage.
Je m’assois en tailleur au pied du cairn. Mon regard passe par lui, s'élargit sur le paysage, la mer et rejoint le monde que je voudrais en paix, comme ici. Je suis balayé par le temps jusqu'à l'oubli de ma personne. Ma vie se fait silence, souffle léger et rejoint mes proches, disparus.
Roger Dautais.
Le poème sort de l'ombre
écoute l'orage à portée de la voix
répercute en écho
le murmure des pierres
invite l'aube nue
à alléger la lassitude
et effacer l'encre des vertiges.
Éliane Biedermann
En marge des rues étroites
Éditions Caractères
*****
En équilibre
sur l'inquiétude
le ciel et la terre
s'épousent
en une courbe de pierres.
Marie-Josée Christien
Un monde de pierres
Éditions Blanc Silex
L'effort a été réel, suffisant pour me dépouiller de toute idée de possession, de domination sur la pierre, sur le paysage.
Je m’assois en tailleur au pied du cairn. Mon regard passe par lui, s'élargit sur le paysage, la mer et rejoint le monde que je voudrais en paix, comme ici. Je suis balayé par le temps jusqu'à l'oubli de ma personne. Ma vie se fait silence, souffle léger et rejoint mes proches, disparus.
Roger Dautais.
Le poème sort de l'ombre
écoute l'orage à portée de la voix
répercute en écho
le murmure des pierres
invite l'aube nue
à alléger la lassitude
et effacer l'encre des vertiges.
Éliane Biedermann
En marge des rues étroites
Éditions Caractères
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En équilibre
sur l'inquiétude
le ciel et la terre
s'épousent
en une courbe de pierres.
Marie-Josée Christien
Un monde de pierres
Éditions Blanc Silex