aux chasseurs de temps...
Bien des promeneurs de bord de mer pestent contre ces plages pleines de cailloux où l'on se tord les chevilles et rêvent de sable fin, peigné, aseptisé, sans creux ni bosse. Je recherche le contraire. Je crois avoir parcouru à peu près toutes ces plages délaissées, offertes aux pêcheurs ou encore aux chiens que l'on tolère ici. J'y trouve mon bonheur. Dès le premier regard, j'envisage des travaux possibles : balancing rock, cairns, spirales, et je me mets à l'œuvre. Combien de fois ai-je réalisé des ensembles de petits personnages qui représentent des guetteurs de marée. Combien de fois ai-je raconté cette fatalité tombée sur la tête de certains peuples voués à l'exil et que je représente, arrivant sur un rivage, les yeux perdus dans un horizon aussi vaste que leur espoir de trouver, ailleurs, une meilleure vie. Peut-être est-ce tout simplement parce que j'ai côtoyé ces exilés du bout du monde dans la réalité et que leurs récits de vie ont fortement marqué ma mémoire et rejoint aussi une partie de ma propre histoire. Fuir pour survivre ne doit jamais s'oublier.
Encore aujourd'hui, une histoire de pierres, une histoire racontée avec des pierres, au bord de la mer, avec ces équilibres aussi incertains qu'improbables, offerts à la mer, justement, car personne d'autre qu'elle ne méritait un autre hommage. Et cela se passera ainsi, pendant quelques temps, sans doute, avant qu'un autre prenne la relève, avant que la mer ne cesse d'imposer sa loi, entre marée haute et marée basse, dans ces moments de répit où les pierres s'offrent à notre imaginaire. L'après ne m'appartient pas et le passé ne se revivra plus. Il n'y a que l'instant " in situ" où s'inscrire, puis rapidement photographier avant d'aller vivre ailleurs.
En voici quelques traces prélevées dans le courant d'avril de cette année.
Roger Dautais
Soliloques
Ils disent des mots
Ceux qui leurs viennent
Et conduisent des bêtes
Inventées de toutes pièces
Au gré des transhumances
Qui recouvrent
De poussière
Nos maigres itinéraires
Et nous laissent
Jaloux d'émotion
Qui transfigure
Quand au bout du chemin
On ose
Un premier pas sur le plateau.
Gérard Noiret
" Pris dans les choses "