Pierre N° 1 : Le Chant à Louis Berthelom |
Pierre N°2 : La mémoire à Guy Allix |
Pierre N°3 : Le Silence à Marie-Josée Christien |
Trait d'union : Pour Abdallah Sadouk |
Grande marée : pour Angye Gaona |
Rive droite : pour Camino roque |
Le passage : à Lu Pélieu |
Le guetter du temps : Pour Alain Jégou |
La diagonale de Mériadec : Pour Isabelle Jacoby |
Princesse Kaya : pour Sasa Sastamoinen |
Trois rêves : pour Maé |
Triangle initiatique : pour Dolors Reig Vilarruba |
Ne rien oublier...
Mériadec, au nord, Brec'h au Nord-est et Le Bono, au sud. Reliez ces trois communes sur une carte, j’habite au centre du triangle. Pendant ces derniers jours, je vais me déplacer dans ce territoire et m'y tenir. Je ne sais pas ce que je vais trouver comme conditions de temps, ni de travail. Je pars avec mon sac à dos , un peu de ficelle, une paire de ciseaux, un sécateur, un carnet de notes, mon appareil photo et une bouteille d'eau.
Brec'h
Je m'arrète au Champ des Martyrs et ce lieu dont je vous ai déjà parlé, garde pour moi, un caractère particulièrement dramatique même si le site est calme, presque reposant. J'y suis venu installer plusieurs fois sans remarquer ces trois grosses pierres déposées à une trentaine de mètres à droite de la fontaine. Immédiatement, je les compare à des tambours. Il faut que ma communication avec la terre passe par eux. Le premier sera coloré, fleuri, travaillé dans les plus petits détails comme un poème. Le second doit être plus sobre. Il doit sonner plus sombre, il doit me rappeler le chant du Bodhran de Doolin à Lorient, il doit me parler d'Irlande, de révolte.Me revient en mémoire le nom de Bobby Sands.
Bobby Sands, qui se souvient de lui ? 5 mai 81, après 66 jours de grève de la faim, il meurt dans la sinistre prison de Long Kesh. Le suivront dans la mort, neuf de ses camarades de l'IRA.
Le troisième tambour, entre l'ombre et la lumière est pour toutes ces âmes en peine qui errent dans ce champ. Je termine ce travail et vais me rapprocher de la source pour terminer quelques installations.Je vous les réserve pour plus tard.
Le Bono,
Je
marche sur la rive gauche de la Rivière d'Auray, au niveau du Bono. Il
fait très chaud. La surface de l'eau est presque immobile. Un petit
clapot annonce le passage des premiers bateaux en direction du Golfe du
Morbihan. Ils profitent du courant descendant. Je reste en admiration
devant cette nature généreuse. A marée haute, la mer a rempli la plaine et l'eau arrive à quelques mètres du chemin côtier.
Je commence par des installations à base de fleurs mais ne les retiens
pas car je n'ai pas la main. Je préfère me tourner vers la mer et"jouer"
avec elle,son espace, son histoire. Après quelques petites
installations, j'élève un seul cairn, que je veux, équilibré, fier,
tourné vers le large, compagnon d'un anneau d'amarrage, et chargé de
mémoire. C'est ce que je fais. Je le dédie aujourd'hui, à la mémoire
d'Alain Jégou , poète et marin-pêcheur, qui nous a quittés il y a 3 mois.
Mériadec
J'entre dans le petit bois en pente qui va m'amener vers un ruisseau dont les eaux vives m'avaient attirées par leur chant, au mois de Mai dernier. La sècheresse est passée par là. L'eau se fait rare. Je remonte un peu la pente et m'installe dans un minuscule ru dans lequel le ciel se reflète par endroits. A peine à deux kilomètres des premières maisons, je suis parfaitement isolé dans ce coin de terre Bretonne. Je vais travailler les deux genoux dans une terre molle et mouillée pour mieux approcher le filet d'eau. J'aime ce contact avec la terre, l'eau, cette liberté de comportement, de gestes, la façon de sentir mon corps s'inscrire dans la nature que j'aime tant. J'ai cueilli, avant ces trois jours, des baies de Rusa Rugosa, qui font penser à des petites tomates, mais n'en sont pas. Leur couleur permet de belles installations. Cercle, carré, rectangle, triangle, sont réalisés, flottant sur l'eau et servant de cadre à des jeux de couleurs, de matières. Je termine par une belle diagonale sur un arbre probablement couché par une tempête passée et dont l'écorce se décolle par endroits.
Voici résumés trois jours parmi d'autres, à l’écoute de la Bretagne qui n'en finit pas de m'inspirer et que j'aime tant.Roger Dautais.
terre
mise en vers
(admise ?) (inverse ?)
(devant l’hiver)
malgré l’averse
l’aplat les plis
du noir au vert
*
l’amplitude la lente
pluie du verre
éparpillé
dans l’ouragan
des herbes folles
arrachées aux
abords du pré
*
noir contre vert
(deux panneaux
entrouverts)
diptyque sur
la vitre ayant
été soufflée
(voir-contre-nerf).
*
langue de terre
(sienne)
s’avançant dans la nuit
dont j’émerge
chaque jour ayant dû
ignorer le corps
qui la signe….
Yves di Manno, Terre sienne, éditions Isabelle Sauvage