" Bibli " Pour Agnès Varda |
De grâce, sortez des usines à pigeon, ces stages land art de toute sorte où l'on vous apprend à mieux vivre, à mieux obéir, à mieux vous insérer dans le système de votre entreprise, par le land art. Vous ferez des économies.
Je m'étais prête au jeu du stagiaire, il y a une dizaine d'années à Caen. Notre "enseignant", pas artiste pour un sou, fonctionnaire, ayant quelques bases historiques du land art, débitait un discours à faire fuir un touriste.
La séance tourna très vite à la leçon de botanique dans ce jardin éponyme, sans avoir rien fait de nos deux mains. Le stage de formation durait quand même une demi-journée.
En fin d'après-midi, il nous apprit à épingles des feuilles d'arbre avec leur pétiole et faire des figures géométriques avec des brindilles, posées sur le sol d'une allée de ce très beau jardin botanique.
Cher land art, comme nous étions loin des Udo, Goldsworthy, Smithson, Long et compagnie, cités dans son discours. Tout le monde paya et se retira sans discours.
La méthode existe toujours, prestigieuse, très chère, flatteuse, avec parfois, un certificat officiel. Comme ces usines à mandala qui se répandent sur nos plages, animées par des hommes d'argent et non de cœur.
Curieuse époque où seul l'argent donne de la valeur, à la création, à l'objet, jusqu'à la vie dont le prix n'est pas le même pour tout le monde. Je ne suis pas persuadé que le fait de porter un i phone dans la mais, suffise à avoir du talent. Mais cela suffit à être reconnu et à voler le talent des autres en le photographiant..
J'aime à penser que le land art est une île au milieu du monde, une niche préservatrice où tout peut être expérimenté, tout tenté, du l'immense qui touche l'infini, jusqu'à la miniature qui vibre avec le permafrost.
Après une marche éprouvant en forêt je m'étais arrêté, près d'un bâtiment en assez mauvais état. Tout de suite intéressé par l'état de ce mur, j'y voyais une image de l'entropie en marche. L'idée m'est venue de le transformer en une sorte de bibliothèque pour les habitants du lieu.
Ainsi me vint l'idée de ramasser de petits morceaux de tuile rouge, pour l'incarner. Il s devinrent, aussitôt,des livres. On y trouvait Kalil Gibran, Eri de Luca, Esther Benbassa, Khaïr- Eddine, Comte-Sponville,Calaferte,Thoreau, Aragon, Kerouac. Je les imaginais se rencontrant dans ce lieu désert, d'une beauté simple, qu'aurait aimé un artiste de l'Arte Povera, et de se lancer dans des conversations à bâton rompu.
J'avais oublié cette bibliothèque de rêve, pour anges déchus, pour le routard que je suis, touchant au but, avec un frisson dans le dos et cette scène revécue grâce à une photo,, je l'ai associée aussitôt à une créatrice géniale qui vient de nous quitter ,Agnès Varda.
Roger Dautais
Au comptoir, pour bar de ligne. ( la dernière )
Nuit d'insomnie
Photo : création land art de Roger Dautais
" La bibli " pour Agnès Varda, respecteusement.
Région de Caen - années 2000 .