Cairn du jour de l'An |
à côté de la plaque |
Grande spirale de Merville-Franceville |
Méridienne |
Sœurs de septembre |
Anneaux borroméens |
Pour Raymond, simplement. |
Sans issue |
Composition hivernale |
Dérive violette |
La déchirure |
Mandala |
Juste avant la nuit |
à celle que j'aime...
C'est le jour de l'an. Je quitte mon quartier désert, sous un ciel plombé. Il est neuf heures. J'ai décidé, hier, d'élever un cairn pour honorer le jour de l'an. J'ai peu de temps devant moi et je sais où trouver des pierres sans perdre trop de temps. Je rejoins la rive gauche du canal dont les eaux affleurent le haut des rives. Je gare ma voiture non loin de l'ancien terminal minéralier d'une usine métallurgique entièrement démontée pour être reconstruite en Chine, après transport en cargos. Le monde est bizarre. Il n'en finit pas de détruire des outils de travail et de laisser des hommes sur le carreau.
Je travaille souvent dans ces lieux, pourtant inhospitaliers et dangereux parce que j'y suis relativement tranquille. L'eau du canal est noire. Un couple de foulques s'y ébroue en toute quiétude. Je franchis la route qui relie la grande ville à la mer et borde le canal. Un enclos complètement affaissé par le passage des chasseurs, me permet de rentrer sur le chantier de concassage de béton et autres gravats qui a remplacé une partie de l'usine. C'est une vision de guerre, de chaos, d'enchevêtrement de fers à béton, que me transporte aussitôt dans un autre monde. Je dois progresser lentement, à cause des fers qui sont de vrais pièges. Passé ce premier obstacle, je découvre le plateau technique et ces différents monceaux de béton concassé dont je ne peux rien faire. Le sol est détrempé, boueux, glissant. Il n'est pas rare de voir des sangliers traverser ces lieux, et leurs empreintes nombreuses marquent le sol. J'aperçois, ce que je cherche: une petite montagne de pierres rouges qui feront mon affaire.
Je travaille dans le silence des lieux. Je commence par disposer au sol, une couronne de pierres d'un mètre de diamètre, que je remplis ensuite de plus petits cailloux. Je peux monter un cairn, pyramidal, cylindrique ou conique. Je choisis cette dernière forme. Je travaille courbé en deux, et mon souffle est un peu court.Je choisis chaque pierre avec attention et respect Je fais de nombreuses poses, car, après avoir élevé ce cairn jusqu'à 1,30mètre, j'aurai déjà déplacé du poids!
Le cairn s'inscrit bien dans l'environnement. Petite montagne au pied de la grande. Demain, il sera découvert par les ouvriers du chantier qui ne manqueront pas d'en discuter.
2 Janvier. L'idéal, pour bien commencer l'année, après ce cairn, serait de réaliser une spirale sur la côte. La mer est basse, cet après midi et je m'y rends. Arrivé sur les lieux, je m'équipe chaudement car il fait 7°. Ce sera encore moins, face au large, avec ce léger vent de nord est. Je traverse le petit kilomètre de dunes, recouvertes d'oyats, de rivières asséchées à marée basse. Je monte sur la dernière dune pour contempler le paysage. Devant moi, une très grande cuvette comparable aux baïnes du sud ouest, garde prisonnière l'eau de mer. Je comprends, aux postes de tir creusés dans le sable que les chasseurs s'en servent comme d'un gabion naturel. Chacun s'exprime comme il peut. Plus au large, la mer chante sa chanson.
Je m'installe sur un glacis en pente après avoir inspecté le sable. En partie haute, j'aurai du sable très souple, vers le milieu, un sable plus tassé, et vers le bas, mélangé avec des cailloux, donc plus dur. Cette spirale qui fera 48 mètres de circonférence, sera difficile à réaliser, j'ai passerai une heure et demi à la tracer..
Je commence par planter mon talon gauche au centre choisi et je creuse le sillon avec ce pied, en le reculant, de 30 cm à la fois, pendant que l'autre jambe assure mon équilibre. Bien que je connaisse parfaitement ce geste, répété depuis 14 ans, ce qui en change la difficulté est lié à l'âge, au corps qui s'affaiblit et à la forme physique du jour. Dans cet exercice, c'est ma volonté qui guide mon avance, et le plaisir de la réalisation ne vient que très tard, vers le 20ème tour, à contempler cette figure. Les derniers tours sont extrêmement longs à boucler, d’autant que la plage est en pente. J'offre cette spirale à la mer. Je prends quelques photos et je la laisse à sa vie très éphémère. Je pense à Marie-Claude qui m'attend et je prends le chemin du retour vers la maison
Je suis prêt, maintenant à entrer dans cette nouvelle année.
Roger Dautais
Passage
Entrer dans la matrice
souterraine
y espérer
la lumière
en naître soudain
dans le vagissement des vagues
protégé du vent
par la mousse et la pierre
dominer les eaux et les terres
de la cime cyclopéenne de ce
sein de menthe
respirer les îles embrumées
au-delà des lits de sables
et laisser le soir apaiser
lentement
l'infinie douleur d'être
au monde
Jacques Thomassaint
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http://editions-mutine.over-blog.com/pages/Jacques_THOMASSAINT-338454.html
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