Demoiselles de Carnac : pour Marie-Louise Nolte |
La salutation au soleil : Pour Marie-Claude |
Magnétisme Celte : Pour Henri Zerdoun |
Le secret des tuileries : Pour Tilia |
Occurrences : pour Mildred |
Le cri : pour Leeloo Lagad (œil ) : Pour Erin |
Le volet de Saint-Jean : pour Youenn Gwernig |
Connexions extimes : pour Marie-Josée Christien |
Les deux mondes : pour Marty |
Sérénité Celte : pour Paul Quéré |
Les demoiselles de Locmariaquer : pour Joelma |
La diagonale jaune : pour France |
La porte de l'Est : Patrick Lucas |
Exil, les enfants d'Aminata : Pour Joëlle Mandart |
Kan ha diskan : pour Gwenola Gwernig |
Mane Bogad , les beaux jours : Pour Rossichka |
Lemon song : Pour Thérèse |
Salutation au soleil.
A l'instant où je saisis ma première pierre, gelée, lourde une partie de l'histoire du monde est entre mes mains. Je suis ému. J'essuie les grains de sable qui lui l'entourent et je lui transmets cette émotion.C'est elle qui servira d'interface entre le gros rocher qui s'étend du dolmen des pierres plates, et la suite du cairn. J'ai quitté la maison de bonne heure,ce matin d'automne pour être arrivé, avant tout le monde, sur cette plage déserte de Locmariaquer. Malgré une météo pessimiste, promettant de la pluie, j'espère voir un lever de soleil. Il fait froid, pas plus de 4° à 5 ° avec un vent qui fait trembler les pierres. Je choisis chaque pierre, les nettoie avec précaution et j'élève le plus beau cairn de la journée. Je souhaite qu'il soit ma salutationau soleil. Au large, la mer est noire, l'Île de Méaban est dans la brume. J'imagine " Ikario Lo " taillant la route, Alain Jégou à bord et me saluant au passage, d'un monde à l'autre. L'ouest commence à s’éclaircir au dessus de la pointe de Kerpenhir, puis le soleil apparaît, franc entre deux nuages et vient enflammer mon cairn. Une jubilation. Quand je pense à ces types de la météo ! Il m'accompagnera une petite heure avant de se planquer derrière les nuages, sans une goutte de pluie.
Bambous.
J'ai perdu un de mes cinq bambous offerts par mon fils, Vincent. Probablement oublié sur une des grèves du Golfe du Morbihan. Petite série de demoiselles perchées. Trouver un sable malléable pour y enfoncer les bambous de15 cm . Rechercher les pierres nécessaires à la fabrication des demoiselles, commencer la recherche d'équilibre : c'est le programme du travail. Aujourd'hui, le vent ne me facilite pas la tâche et je dois faire face à beaucoup d'écroulements avant d'arriver à mes fins. Pas mal, mais c'était mieux avec 5 bambous. Jamais content !
Baie de Saint Jean
Depuis que j'y ai réalisé mon premier gisant breton, cette baie de Saint-Jean, en ria de Crac'h, reste un lieu particulier de recueillement et d'attachement à ma terre. Oh, bien sûr, je ne pèse pas lourd contre tous ces propriétaires terriens, tous plus, les uns que les autres, poseurs de frontières , de murs et autre grillages pour délimiter leur propriété, mais je me sens, citoyen du monde et donc d'ici. Les propriétés sont choses bien éphémères et pourtant, les guerres naissent autour de ça, le partage du territoire. Non, je suis d'ici, sans rien posséder que l'air à respirer, la mer qui pousse ses eaux de grande marée, jusqu'à mes pieds, le vent que porte les oies bernaches à remonter la ria. Je possède aussi un peu de temps pour y inscrire ma vie et quelques petits talents pour m'exprimer dans ce paysage arboré et maritime, de toute beauté. On n'est jamais libre totalement , mais à condition de ne pas vouloir posséder le monde et manger à sa faim tous les jours, ce qui n'est plus le lot de tout le monde, on peut déjà faire un bout de chemin avec cette idée là dans la tête.
Je vais travailler, installer dans les traces de ceux qui,ostréiculteurs, abandonnèrent ce chantier, par manque de réussite. Ce lieu de mémoire me plait. J'ai, avec moi, quelques cueillettes préalables et je me mets au boulot. J'aime cette position ramassée de mon corps, à genoux, les mains fouillant l'humus et plaçant un par un, toutes les pièces d'un mandala , le souffle presque coupé. Cette intimité partagée avec la terre qui vous fait comprendre qu'un jour, nous ne serons devenus, guère plus que cet humus.
Exil,
Je me suis déplacé essentiellement sur la côte et près de la mer pour mes travaux, hormis, un crochet d'une journée par le Mané-Bogar de Plouarnel, à la recherche de souvenir des beaux jours passés là cet été en famille. J'y crée quelques installations.
Revenu à mes travaux sur l'exil, je pense à Karim, rencontré il y a une douzaine d'années. Malien, après mile galères et un séjour de 10 ans en Russie, il est récupéré par une préfecture pour être interprète de Russe entre autre. Des histoires d'exil, il les collecte. Il en a plein la tête puisqu'il travaille au service des émigrés.
Il me raconte la destinée d'Aminata. Aminata aurait pu s'appeler Fatouma, peu importe. Africaine, musulmane, mère de 3 enfants, elle prend le chemin de l'exil pour fuit la misère. En route, elle est chargée de s'occuper de 9 enfants, abandonnés, parce que les hommes n'en voulaient pas pour prendre le bateau et que c'était son destin de femme de s'en occuper. Aminata, on avait perdu ses traces du côté de Tripoli. Elle avait embarqué une nuit avec sa ribambelle, quittant la Lybie sur un bateau débordant d’immigrés clandestins, qui devait rejoindre l'Europe. Son histoire s'arrêtait là et Karim pleurait, car elle était de sa famille.
J'ai essayé d'évoquer cette histoire, cette famille de fortune ou d'infortune avec mes pauvres pierres, un jour de Novembre 2014 sur une plage bretonne, aidé par le soleil.
Roger Dautais.
"Tout vient des mains
Infirmes de lumière
Le chant d'un ocarina
Le feu du printemps
Et le visage dune femme
Égaré dans les roseaux de l'aube
Tout vient des mains
Le sel et l'amour
Le rire des blés
L'insecte qui tourne autour de son ombre
Comme un fou dans la cellule
Où la liberté écrit sur les murs
Tout vient des mains
La porcelaine du jour et la glaise de la nuit."
André Laude / Nomade du soleil /oeuvre poétique /edit deLa Différence ... p.25
Merci à Mémoire de silence de m'avoir envoyé ce poème déjà publié sur Le Chemin mais que je reprends aujourd'hui.